L’ex-leader du mouvement étudiant anti-CPE de 2005 a pris du galon. En passant de l’UNEF à la Mairie de Paris, Bruno Julliard est devenu premier adjoint chargé de la Culture. Rencontre avec un apparatchik … malgré lui ?
Bonjour, vous êtes premier adjoint chargé de la Culture à la mairie de Paris depuis neuf ans. On fait comment pour postuler ?
Bruno Julliard : Alors je suis arrivé à Paris en 2005, je suis devenu président de l’UNEF. Par la suite, je me suis porté candidat aux municipales de Paris en 2008. Et puis voilà…
Une affaire rondement menée !
Sauf que ce n’était pas du tout ce que je voulais faire à l’origine. J’ai rencontré Bertrand Delanoë en 2006. Nous nous sommes liés d’amitié et, au moment de mon départ de l’UNEF, j’avais effectivement envie de travailler pour lui mais pas du tout en tant qu’élu. En intégrant son cabinet, par exemple. Mais il m’a proposé de devenir élu. J’ai dit non deux ou trois fois avant de finalement accepter.
Pourquoi avoir dit non les premières fois ?
Je ne voulais pas passer pour un apparatchik. Je me disais qu’il fallait avoir une expérience professionnelle avant de faire de la politique.
Et aujourd’hui, avec le recul, comment jugez-vous votre choix ?
Je ne le regrette pas du tout.
D’autant qu’Anne Hidalgo vous a nommé premier adjoint. Elle qui fut également première adjointe de Bertrand Delanoë. Soit un poste prometteur …
C’est un très beau poste en tout cas. Très prenant …
Vous étiez également en charge de la Nuit à Paris. La nuit, c’est fini ?
Oui, j’ai préféré me concentrer sur la culture. La nuit, c’est effectivement terminé, d’un point de vue pro en tout cas. Je sors toujours mais moins qu’avant. Ceci étant dû à l’âge malheureusement. Mais cela nous guette tous, n’est-ce pas ?
Tout à fait… Donc votre action s’est concentrée sur la création de fabriques culturelles à Paris. Pouvez-vous nous en parler ?
L’émergence de lieux de résidence consacrés à la création culturelle à Paris reste difficile du fait de la rareté et des coûts onéreux du logement. On a créé cependant La Place, aux Halles, un centre dédié à la culture hip-hop. La Villa Vassilieff dans le 15ème arrondissement vers le quartier de Montparnasse en 2016 pour les arts plastiques. La même année, ce fut le Grand Parquet, dans le 18ème, consacré au théâtre, à la danse, entre autres. Et puis cette année, Les Plateaux Sauvages dans le 20ème, un lieu de résidence et de diffusion de spectacles de danse, théâtre, bien-être, etc.
J’ai pu lire que les arts de la rue et du cirque auront également leur lieu de fabrique …
Effectivement, ce sera dans le 13ème arrondissement, rue Watt. On a signé, ce devrait être ouvert dans un an ou deux.
Et quid des forains ? J’ai entendu que vos relations n’étaient pas vraiment au beau fixe avec Marcel Campion, « le roi des forains » … C’est vrai ?
Nos relations sont complexes car Marcel Campion, il est parfois difficile de combiner ses pratiques avec les lois et les règles en vigueur.
Comment ça, il ne respecte pas les règles Marcel Campion ?
Le fait est que la loi nous impose une mise en concurrence des marchés, notamment la grande roue et le marché de Noël. Or cela ne semble pas lui convenir. Et nous lui avions demandé des améliorations au niveau de la sécurité sur le marché de Noël. Ces améliorations n’ont pas été flagrantes.
Et la grande roue de la place de la Concorde, vous n’aimez pas ?
Une grande roue à Paris comme dans la plupart des grandes capitales du monde, je suis pour. Je suis toutefois perplexe quant à la situation géographique, place de la Concorde. Elle se situe pile dans la perspective du Louvre, de l’Arc de Triomphe et de l’Arche de la Défense.
Certains reprochent à la mairie de Paris de faire la guerre aux voitures. Vous confirmez ?
Nous faisons la guerre à la pollution et au diesel, pas à la voiture.
Et vous, vous circulez comment ?
En vélo électrique ou en métro.
Où vivez-vous ?
Dans le 10ème arrondissement. Entre République et Belleville.
Locataire ou propriétaire ?
Locataire.
Dernier film vu ?
120 battements par minute.
Votre plus grande fierté ?
La réforme des conservatoires de musique parisiens qui a permis de les ouvrir aux enfants issus des milieux défavorisés.
Votre plus grand échec ?
Faut que je trouve un truc, là, sinon je vais passer pour un prétentieux. Je dirais donc mon apprentissage au piano. Au moment où j’aurais pu être bon, j’ai abandonné. J’avais 12 ou 13 ans, j’étais préoccupé par d’autres trucs que le piano …
Vos relations avec la ministre de la Culture, Françoise Nyssen ?
Personnelles excellentes. D’un point de vue politique, c’est une autre affaire. Je ne pense pas qu’elle aura les moyens de sa politique et le pass culture pour les jeunes, je n’y crois pas. C’est une vision de la démocratisation culturelle assez ringarde. La priorité absolue devrait être l’enseignement des arts à l’école. Je ne trouve pas ça très heureux la chorale d’enfants à la rentrée.
Dernier dossier important : le naturisme à Paris. J’ai l’impression que vous le défendez ardemment. Vous êtes pratiquant ?
Le naturisme ? Je suis très tolérant sur cette question mais pas pratiquant. Je précise que je n’ai pas inauguré le camp naturiste du bois de Vincennes.
Le Génie d’Alex (ex-Showcase) organise des afters naturistes. Est-ce un projet que vous avez particulièrement soutenu ?
J’ai effectivement défendu ce projet de lieu de nuit. Je trouve que l’équipe d’organisation est très créative. Mais j’ignore tout de l’existence de ces afters naturistes que vous m’évoquez.
Quelles sont les réactions des Parisiens concernant le naturisme en milieu urbain ?
Dernièrement, à la Fête de l’Huma, certains m’ont remercié et félicité. Je reçois également beaucoup de plaintes. Le naturisme, ça ébranle… euh… ça bouscule plein de convictions, vous savez ?
ENTRETIEN SYLVAIN MONIER-LECLERCQ
PHOTOS GWEL HERVOUËT
Paru dans Technikart #217, novembre 2017