Pourquoi Arthur est-il l’animateur le plus bashé de France ?

L’autoproclamé « animateur le plus con de la bande FM » (il a fait de la télé, aussi) – et le mec le plus bashé du PAF – est de retour sur les ondes après neuf ans d’absence. Interview qui fracasse. 

Depuis le 2 mai, vous êtes de retour à la radio avec la matinale Radio Jack sur OÜI FM. Vous redoutiez l’accueil de la presse ?
Un peu, même si j’y suis habitué. Ce qui a surtout changé en 10 ans, c’est la manière de travailler des journalistes. Il faut être le premier à s’indigner pour être repris par tous les autres. Au moindre « dérapage » d’une figure publique, on en fait des tonnes.

On en dit pourtant, des conneries, en deux heures de direct.
J’essaie de relativiser. S’indigner sur un passage d’un film, sur une phrase, sur une émission, c’est devenu le sport national. C’est la course au clic, elle est en train non seulement de flinguer la presse, mais aussi de créer des relations de plus en plus tendues avec les artistes, les sportifs ou les politiques. D’une interview, on va ressortir une seule phrase où le journaliste t’a posé une question qui n’a strictement rien à voir avec le reste : que pensez-vous de ce qu’a dit untel de vous ? Je vais répondre : « Alors lui, je m’en fous. » Et on ne retiendra que ça.

Un de vos anciens collaborateurs est devenu un as de ce nouvel art du bashing calibré pour faire du buzz : Cyril Hanouna.
Qu’en dire ? Je pense que je ne m’étais pas trompé quand je lui ai tendu la main à l’époque. J’ai tout de suite repéré son gros potentiel et lui ai donné son premier job. Il a démarré à mes côtés à la radio, à la télé, et après je l’ai produit sur Comédie. Finalement je réalise que Cyril est mon plus grand fan. Son obsession à parler chaque jour de moi dans son émission est presque pathologique, limite freudienne. J’en suis flatté mais il est temps qu’il comprenne que je ne suis pas son père (rires). Tout cela m’a beaucoup amusé au début, et puis à un moment, il est passé de l’autre côté du miroir : insultes, menaces, intimidations, diffamations… Je connais bien Cyril et je sais qu’il n’aime pas le personnage qu’il est devenu. Mais il est coincé dans ce rôle et n’a plus le choix. Ce bashing permanent à la recherche du buzz, c’est une forme inédite dans notre métier de fuite en avant… Un beau gâchis.

Quand ce n’est pas lui, ce sont ses « fanzouzes » qui bashent la concurrence pour lui.
C’est une méthode sournoise et bien orchestrée d’incitation à la haine. Nous avons une vraie responsabilité vis-à-vis de notre public, surtout les plus jeunes. Mais il faut relativiser : quand à la fin d’une émission vous avez 50 000 tweets, les community managers vous expliquent qu’en fait ce sont 1 000 ados de 15 ans qui en ont envoyé 50 chacun. Mais ça a un avantage : pendant qu’ils déversent leur bêtise, ça noie dans la masse les autres messages antisémites que je reçois.

En 2009, vous publiiez une tribune dans Le Monde pour en parler, un texte écrit à vif titré : « D’où vient cette haine des incendiaires des âmes ? »
Ça aussi, c’est incroyable. Vous avez Dieudonné qui avait fait une interview dans une petite revue, et Le Monde la ressort cinq ans après sans vérifier quoi que ce soit. On lit donc, dans le quotidien de référence français, que je finance l’armée israélienne, ce qui est le truc le plus délirant du monde. Comme s’ils avaient besoin de moi !

À l’époque, vous étiez en tournée avec votre premier stand-up, Arthur en vrai !
Un cauchemar… Je me retrouvais à jouer dans des théâtres avec 300 mecs devant brandissant des banderoles avec des enfants ensanglantés dessus : « Arthur finance l’armée israélienne. » J’ai fait huit mois de tournée, des pneus brûlaient devant les théâtres, il y avait des cars de CRS, les gens n’osaient presque plus rentrer dans les salles. Et pas une ligne, pas un mot dans les médias. Et donc j’ai écrit cette lettre.

Vous écriviez : « À 42 ans, je découvre cette forme de haine. »
Il faut bien comprendre que l’antisémitisme, je le vivais, avant, par le courrier que je recevais à la télé. Jusque-là c’était anonyme. Mais là, c’était la première fois que je voyais de l’antisémitisme physiquement.

À part le texte dans Le Monde, comment aviez-vous réagi ?
Je ne voulais plus sortir de chez moi, j’ai commencé à flipper… C’est à partir de là que j’ai commencé à vivre à l’étranger. J’ai passé deux ans à Los Angeles en y faisant des allers-retours avant de m’installer à New York pour essayer de vendre des émissions aux Américains (le format Vendredi tout est permis a été acheté par la Fox et dans une trentaine de pays, ndlr).

Ça s’est calmé ? J’ai aperçu vos gardes du corps tout à l’heure.
10 ans après, je reçois encore des menaces racistes d’idiots qui reprennent mot pour mot la rhétorique de Dieudonné, sans avoir aucune idée de la bêtise de ce qu’ils écrivent.

Et vous ne pouvez rien faire ?
Ne serait-ce que me justifier, ce serait rentrer dans leur jeu.

« Don’t explain, don’t complain », comme disent les Anglais ?
De n’avoir rien donné à la presse pendant des années, de ne pas m’être ouvert aussi facilement que d’autres, d’avoir été intransigeant avec les magazines people, ça a créé une espèce de fantasme négatif à mon égard. Et comme dans le métier, j’ai plutôt eu des aventures successful, j’ai endossé malgré moi le costume du mec arrogant, prétentieux, le connard de service…

Extrait de l’entretien paru dans Technikart #212 mai 2017

Radio Jack, 8h-10h sur OÜI FM 

ENTRETIEN LAURENCE RÉMILA
PHOTOS EDDY BRIÈRE