Nous sommes en 1994 et Alain Siritzky, le réalisateur d’Emmanuelle, a envoyé son héroïne au 7ème ciel via la réalité virtuelle. Au delà de l’histoire, c’est l’aspect virtuel qui nous a poussés à le rencontrer à l’époque.
La pépite des 90’s
Technikart : Alain Siritzky, Emmanuelle 7 “réalité virtuelle”, effet de mode ou conviction personnelle ?
Si la réalité virtuelle est un effet de mode, Emmanuelle 7 est un effet de mode. Il se trouve que dans le domaine de la technologie on fait des avancées et, tout d’un coup, il y a une invention, une découverte, qui fait un bon en avant : c’est ce que l’on est en train de vivre avec la réalité virtuelle. Je crois qu’avec Emmanuelle 7, on a essayé de trouver un sujet qui n’a pas encore été traité. On s’est efforcé d’expliquer au public ce qu’est la réalité virtuelle appliquée au sexe, quelles peuvent être ses implications dans le sexe et sur le plan affectif. Peut-on, par exemple, envisager qu’un jour la virtualité puisse servir de psychothérapie ? Mettre un sujet dans une situation à laquelle il a échoué dans la réalité, le faire réussir dans la virtualité et ainsi changer son comportement ? Je suis intimement convaincu que cela sera possible. Autre aspect : lorsque vous êtes immergé dans un monde virtuel et que vous êtes entouré d’êtres qui n’existent pas, qu’un ordinateur est chargé de manipuler, de faire agir, bouger, parler -dans notre scénario des Animatrons- vous pouvez, dans le cadre d’un film érotique, lui donner la forme que vous voulez, y compris la forme de gens qui existent déjà. Vous pouvez très bien, si vous avez une photo de votre secrétaire, amener sa photo à l’opérateur du centre virtuel et dire : « Tenez, créez-moi un Animatron qui ait cette tête-là » et vous allez faire l’amour avec votre secrétaire. Elle n’en saura rien, à moins que vous ne le lui disiez. C’est fantastique ! Toute découverte comporte aussi un aspect, pas nécessairement négatif, mais inquiétant, et c’est vrai que la virtualité est en même temps quelque chose qui, moi, me fait peur.
Je pense que la réalité virtuelle va être une révolution pour la communication sur le plan de l’amour, sur le plan affectif, sur le plan du sexe
Vous connaissiez déjà la réalité virtuelle ?
Je fais de la production, je produis beaucoup d’Emmanuelle mais, dans ma carrière, j’ai construit des salles de cinéma, j’en ai exploité, j’ai fait de la distribution, de la production, et, en plus de ma passion du cinéma, je suis aussi un passionné de science. Je pense que, si on regarde le cinéma américain par rapport au cinéma français ou européen, on s’aperçoit que le cinéma américain repose beaucoup sur des idées technologiques. Si on prend Terminator ou Total Recall, ces films ont une base qui est une réflexion d’ordre technologique, parfois même reposant purement et simplement sur les sciences fondamentales. Je reproche au cinéma européen en général, et au cinéma français en particulier, de ne pas suivre ce courant qui est indiscutablement, lui, suivi par le public.
Pensez-vous que la réalité virtuelle soit l’étape ultime pour vivre ses fantasmes ?
C’est un moyen d’apprendre, c’est un moyen de communiquer, c’est un moyen de se distraire. On le voit bien avec le Minitel… L’informatique a des applications dans ce qu’il y a de plus cher, dans ce qui nous touche de plus près, la communication suprême, qui est l’amour, et l’amour, bien sûr, ne peut pas se comprendre sans le sexe. Je pense donc que la réalité virtuelle va être une révolution pour la communication sur le plan de l’amour, sur le plan affectif, sur le plan du sexe et, évidemment, cela ne peut pas laisser indifférent Emmanuelle qui en est le symbole à travers le monde. Emmanuelle 7 est sur satellite au Japon et fait des scores formidables : on est actuellement en train de préparer la version pour HBO aux Etats-Unis.
Sylvia Kristel rejoue dans Emmanuelle 7 ?
Il y a beaucoup d’idées qui permettent de faire rejouer Sylvia Kristel, d’abord parce qu’elle est extraordinaire. C’est un personnage, un symbole, une très belle femme, et la réalité virtuelle, comme d’autres scénarios, nous ont donné l’occasion de faire un film avec Sylvia Kristel. De toutes façons, Emmanuelle est un film plein de pudeur. Il n’y a pas d’érotisme s’il n’y a pas de pudeur, et Sylvia Kristel est un personnage très pudique.
Lire aussi : Juan Antonio Bayona : « Rien de mieux que du porno fait avec amour ! »
Emmanuelle 7 c’est du “cybersex” ou cela va-t-il plus loin ?
C’est un film de science-fiction érotique qui se passe aujourd’hui. Mais la technologie est celle du futur et cette technologie est tellement parfaite que ça va plus loin que le cybersex. Il n’y a pas seulement le sexe, il y a aussi la technique. Dans Emmanuelle 7, on est dans un monde que l’on ne peut absolument pas distinguer du réel car, quand vous êtes dans la virtualité, on ne peut absolument pas savoir si vous êtes dans la virtualité ou dans la réalité. Vous vous rendez compte que vous êtes dans la virtualité que lorsque, tout d’un coup, il y a quelque chose qui cloche. Mais, comme dans la réalité, il y a parfois des choses qui clochent, et on en fait clocher quelques une dans le scénario exprès pour que le spectateur soit complètement perdu.