Dans Mes regrets sont des remords, Frédéric Mitterrand confessait ses mauvaises actions durant toute sa vie. Y compris son passage rue de Valois ?
Frédéric Mitterrand, c’est l’anti-Edith Piaf. Certes, on le voit naturellement davantage siffloter Mourir sur scène de Dalida (ou Il venait d’avoir dix-huit ans) que s’époumoner sur L’Hymne à l’amour de la Môme plâtrée. Mais c’est surtout que son dernier ouvrage va à l’encontre des fameuses paroles « Non, rien de rien / Non, Je ne regrette rien ». L’addition s’avère même en l’espèce très salée, si l’on en juge par tous les faits (ou non-faits) racontés dans Mes Regrets sont des remords, dans lequel l’ancien Ministre de la Culture évoque tous les pans de sa vie, de son enfance bourgeoise à sa nomination rue de Valois en passant par sa carrière d’exploitant de salles de cinéma, ses frasques à la télévision sans oublier ses marasmes sentimentaux. Impudique, Frédéric Mitterrand ? Exhibitionniste (enfin, pas au sens de l’homme à l’imperméable) ?
Nous l’avons rencontré lors de la publication de sa bio, « La Mauvaise Vie« , paru en 2005, dans laquelle il révélait entre autres son recours aux prostitués et au tourisme sexuel, ce qui ne manqua pas de susciter la polémique…
A l’heure où les Lettres à Anne [Pingeot] de l’ancien Président font un carton, il convient dès lors de discuter un peu avec l’autre Mitterrand, un matin d’hiver, au Café de Flore – ça sera donc « Bonjour » et non son célèbre cri de guerre « Bonsoooiiiirr »…
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Remords et regrets
Avez-vous cherché à faire votre Georges Perec avec Mes regrets sont des remords ? Le livre est en effet composé de « Je regrette » qui ressemblent beaucoup à « Je me souviens »…
Si vous vous souvenez de La Récréation, je rendais déjà hommage à un auteur et une oeuvre, à savoir Les Choses vues de Victor Hugo. Oui, bien sûr, ici, Georges Perec est une sorte de matrice et je le cite de manière très explicite.
Toutefois, il y a une grosse différence et « se souvenir » et « regretter »…
Bien sûr. Il y a d’ailleurs quelque chose de très chrétien, dans la démarche de mon dernier livre. Un côté confession, si vous voulez. J’ai voulu évoquer des personnes, que j’ai plus ou moins bien connues, et avec qui j’ai mal agi. J’ai souhaité consigner toute une série d’anecdotes qui peuvent sembler futiles mais qui sont restées en moi, me hantent et sont encore avec moi aujourd’hui, font partie de mon présent. Je me devais d’écrire sur tous ces gens que j’ai croisés et à qui je n’ai pas dit à quel point ils avaient compté dans ma vie. Tenez, hier, j’ai dû dire à une dame qui s’occupait de mes affaires – mon linge, tout ça – que je devais désormais me passer de ses services, car je ne pouvais plus la payer. Je me suis alors aperçu qu’elle commençait à pleurer, et beaucoup. J’ai alors compris qu’elle m’appréciait, qu’elle m’aimait – je l’imaginais, mais ça n’était qu’une impression. Du coup, j’ai passé de nombreux coups de fil pour lui retrouver du boulot, je vous passe les détails. Mais ça m’a totalement bouleversé.
Vous consacrez aussi un chapitre aux animaux…
Oui, les échanges avec ceux-ci sont essentiels. Les échanges avec les animaux sont essentiels, et j’ai l’impression que j’ai eu tort de ne pas m’être davantage intéressé à certaines bêtes, notamment lorsque j’étais enfant.
Justement, à cet âge-là, vous vous décrivez tout de même comme particulièrement cruel, aussi bien avec les individus qu’avec les animaux ou les choses.
Oui, voyez ce que je faisais avec mon éléphant en peluche… Il y a de toute manière beaucoup de choses à dire sur le sadisme des enfants. Je n’ai pas été tendre avec des domestiques, c’est vrai, mais je crois que ceux-ci me pardonnaient tout parce qu’ils m’aimaient. Ils supportaient mes caprices et mes vacheries pour cette raison.
Pourquoi le chapitre évoquant la période où vous avez été Ministre de la Culture est-il si court ?
J’ai déjà raconté beaucoup de choses dans La Récréation. Dans Mes Souvenirs sont des regrets, je ne parle de choses nécessaires, à titre strictement personnel. Or, au ministère, on n’est pas fondamentalement dans la nécessité. Et, si vous voulez parler culture, je ne suis pas quelqu’un de très cultivé…
D’ailleurs, allez-vous prendre part à la campagne présidentielle ou rester en retrait ?
Non, rien. Enfin, ça va forcément venir avec l’hystérie, à un moment ou un autre. Je ne vais pas forcément faire ce que les gens attendent de moi. En vérité, je soutiens le gouvernement actuel. Ils sont, en fin de compte, d’une grande sagesse. Les autres sont tellement dingues… Même si tous les gens du gouvernement ont fait plein de conneries, à l’arrivée, je les préfère…
Maso, Frédéric ?
L’Académie française, vous y songez toujours ?
Aucunement.
Comme dans La Mauvaise vie, vous brossez un autoportrait pas forcément reluisant. Votre côté masochiste ?
On pourrait aussi dire que c’est l’oeuvre de quelqu’un qui s’aime beaucoup – suffisamment pour se regarder en face ! Ne pas se regarder, ce n’est pas bien. C’est ne pas être lucide. On peut penser que c’est du masochisme de ne pas s’aimer. Mais, bon, c’est comme ça.
Vous vous dépeignez tout de même comme un chef tyrannique…
Et je vous assure qu’avec le temps, j’ai beaucoup progressé ! En général, je m’aperçois que j’ai été cruel juste après les faits.
Avez-vous « truqué » certains de vos souvenirs ?
Non. Je leur ai peut-être juste donné, de manière plus ou moins consciente, un relief personnel tel que les gens sont concernés n’y comprendraient rien ou ne se reconnaîtraient pas. N’oubliez jamais que si certaines personnes ont compté pour vous, la réciproque n’est pas automatique !
Avez-vous envoyé Mes Regrets sont des remords aux personnes citées encore vivantes ?
Non. Vous n’avez pas besoin de montrer de manière plus explicite que vous avez des regrets : soit les individus ont oublié et ça n’est pas la peine, soit ils n’ont pas oublié et ils auront le sentiment d’être manipulés.
Les livres de Julien Green ont beaucoup compté pour vous. Et ceux de Renaud Camus ?
Je le connais bien, Renaud. On était très proches – je crois même qu’il a été un peu amoureux de moi. Il a même vécu pendant plusieurs mois chez moi ! Mais il avait déjà – pas du tout fâchés – que des choses intéressantes, mais il avait une culture inouïe, une pensée originale. Lorsqu’il a connu son premier « lynchage » ORS DE LA PUBLICATION DE « LA CAMPAGNE DE FRANCE », il atteignait enfin une certaine notoriété. On l’a traité d’antisémite alors que je peux vous affirmer qu’il ne l’est pas. Aussi, il a été taxé d’écrivain médiocre et, ça, il ne l’a pas supporté. Les choses se sont enchaînées, c’est quelqu’un qui a le désir d’être reconnu, la case du vieux scrogneugneu à la Zemmour version intello était disponible et, sans cynisme aucun, il y est aujourd’hui dans un certain confort. Renaud Camus n’est pas un méchant. Tiens, Jean-Luc Godard, en voilà un, un vrai méchant – contrairement à Truffaut, qui était plein de sollicitude…
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Comment sentez-vous la promotion de votre livre ? Sur Radio France par exemple – maison toujours dirigée par votre ancien protégé, Mathieu Gallet ?
C’est toujours bizarre, avec Radio France. Ils ne savent pas comment me prendre, je ne corresponds pas – enfin, vous savez comment ils fonctionnent, là-bas. J’aimerais bien être invité dans Boomerang, tiens. Il est bien, Augustin Trapenard, mais je ne suis pas sûr qu’il m’apprécie. Non ?
BAPTISTE LIGER