Star des mags féminins depuis quelques saisons, la prostate est pourtant sous-exploitée dans la pratique. Mais pourquoi la petite glande rectale au gros potentiel de plaisir est-elle encore si ignorée ?
Été 2019, soirée à Figeac, dans le Lot, terrasse, rosé et discussions animées. L’un d’entre nous lance : « et toi, tu connais ta prostate ? » Gros blanc aux tables d’à côté, suivi de rires nerveux et moues de dégoût (autant chez les hommes que chez les femmes, notons). On ne pourra pas dire que la question laisse indifférent. Bon. Parler de prostate en terre de rugbyman, c’est un peu comme mettre un prêtre dans une cour d’école. Disons que ça complique les choses. Florilège de réactions: « ça ne m’intéresse pas » (rasoir); « je suis pas gay, moi » (confus) ; ou encore « j’espère pas en entendre parler avant mes 80 ans » (hypocondriaque). En gros, la prostate, c’est ou le cancer, ou la virilité qui en prend un coup. Deux tabous, médical et sexiste, qui expliquent que la petite noix, nichée à 7 cm en moyenne de « l’entrée » de vos fessiers, messieurs, soit encore loin de la starification du clito (alors même qu’elle en partage les talents).
« AU DÉBUT, LAISSEZ LE PÉNIS TRANQUILLE, ÇA COURT-CIRCUITE LES INFOS POUR LE CERVEAU. »
En France, seulement 22% des hommes pratiqueraient le massage prostatique avec leur partenaire (sondage ELLE/Ifop 2019). D’où l’impression que l’homme est un peu comme Auguste Dupin dans La Lettre volée d’Edgar Allan Poe : le plaisir est là, sous tes yeux (pour ne pas dire : dans tes fesses) mais tu n’y touches pas. A écouter
les pro de la prostate, comme Adam, fondateur du blog Nouveauxplaisirs.fr, l’orgasme prostatique réserve un déferlement de plaisir, pas forcément plus fort en intensité que l’orgasme éjaculatoire, mais, à la différence de celui-ci, comme il le dira lors d’une interview du podcast Les Couilles sur la table, « multipliable à l’envie car non-sujet à une période réfractaire : pas de descente d’énergie. J’ai connu 7 ou 8 orgasmes en une période de 45 minutes ». Et de préciser : « l’orgasme éjaculatoire, c’est un pic, l’orgasme prostatique, une dune de sable ».
« SUPER-O »
Certes la prostate n’est pas très tournée vers l’extérieur : d’où une nécessaire phase de « rewiring » – « réveil » – explique Adam, car « n’ayant pas de nerfs, on ne la sent pas spontanément excitée ». Avec un peu d’entrainement – au stade débutant, laissez le pénis tranquille par exemple, ça court-circuite les infos pour le cerveau – on peut très vite stimuler la glande avec succès ; évitez les ongles longs, ajoutez du lubrifiant, massez doucement. Bien plus simple que le mode d’emploi d’une Billy d’IKEA, il existe une Bible sur la question, rédigée par notre spécialiste, disponible gratuitement en ligne : le Traité d’Anéros, où l’on apprend, à grand renfort de schémas didactiques, comment se (faire) masser – prostate et périnée –, contracter et respirer pour, progressivement, atteindre l’apothéose du « Super-O ». Le plus de la prostate donc, c’est que c’est infini. La jouissance est multipliable, illimitée, déraisonnable, ouverte à la fuite : d’où la parenté de la prostate et du clito, partiellement ou totalement cachés, mystérieux parce qu’insatiables, capables de multiplier les orgasmes, ne contenant pas, en eux, leur propre mesure (si ce n’est « l’usure » des muqueuses). Objets de censure – qu’elle soit inconsciente ou volontaire – pour, defacto, les mêmes raisons : il fallait bien qu’un tabou vienne limiter leur infini, la promesse de débordement qu’offre les deux cousins symboliques. Un conseil, pour finir. Lors de votre prochaine date, choisissez votre moment pour sortir cette phrase, parfaite, de La philosophie dans le boudoir du Marquis de Sade : « Ne voyez-vous donc pas comme il appelle vos doigts, mon foutu cul ? » Effet garanti.
Par Mariane de Douhet