Après un attentat lors des J.O. de 1996, un agent de sécurité se retrouve pris au piège d’un tourbillon médiatique et judiciaire. Clint Eastwood à son meilleur.
Quand ce dilettante de Tarantino parle de retraite à 60 ans, les papys du ciné se continuent d’aligner les grands films. Comme Terrence Malick (76 ans), Martin Scorsese (77 ans), Marco Bellocchio (80 ans) ou Costa-Gavras (87 ans), Clint Eastwood, 90 ans en mai, bande encore et balance son 38e long-métrage. De fait, Eastwood est un cas à part, un sur- vivant. Il a enterré tous les acteurs qui avaient commencé comme lui dans les années 50-60 (Steve McQueen, Paul New- man…) et il est probablement le seul metteur en scène qui a signé ses meilleurs films après 60 ans avec Impitoyable, Sur la route de Madison, Mystic River, Million Dollar Baby, American Sniper ou La Mule…
Avec Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood récupère un projet passé entre les mains de Paul Greengrass et de David O. Russell, qui devait être interprété par Jonah Hill et Leo Di- Caprio. Avec un budget de 45 millions de dollars, Eastwood cisèle une œuvre ultra-personnelle sur l’Americana, avec une nouvelle fois un outsider seul contre tous, persécuté par les médias et/ou la justice comme dans Sully, L’Echange ou Jugé coupable. Le film est inspiré d’une histoire vraie, celle d’un agent de sécurité qui se conduisit héroïquement lors d’un at- tentat terroriste pendant les J.O. d’Atlanta de 1996, avant de se voir accusé d’avoir lui-même posé la bombe qui a tué deux personnes et en a blessé plus de cent. Car Jewell est le cou- pable parfait, comme le dit une journaliste, « Un gros lard qui vit avec sa mère » (« That fat fuck lives with his mother ») et se retrouve crucifié avant tout jugement par les « deux plus grosses puissances du monde », le gouvernement américain et les médias.
SAM ROCKWELL EN SHORT
Depuis des années, Clint Eastwood s’interroge sur la notion complexe d’héroïsme (Sully, American Sniper). Ici, comme dans Le 15h17 pour Paris, il peint le portrait d’un homme ordinaire soumis à une pression extra-ordinaire, qui va être obligé de se transcender et de contre-attaquer. Avec le chef op’ canadien Yves Bélanger (Laurence anyways) et Joel Cox, son monteur depuis plus de quarante ans, Eastwood cisèle une œuvre puissante, intemporelle et si le film se déroule en 96, il parle bel et bien d’aujourd’hui, où l’on est lynché sur les réseaux avant le moindre jugement. Tel un maître de calligraphie, son geste est pur et épuré, et l’histoire semble se raconter toute seule. Pas d’esbroufe, pas de tics, pas de toc, Eastwood est le dernier des classiques, l’héritier de John Ford, et ses plans touchent au cœur. De plus, Eastwood a mitonné un de ses plus beaux castings, avec comédiens servis par d’incroyables partitions. Le comique Paul Walter Hauser (Moi, Tonya) trouve le rôle de sa vie. Il est d’autant plus extraordinaire qu’il a en face de lui de redoutables voleurs de scènes : Kathy Bates, Jon Hamm et surtout Sam Rockwell, récompensé d’un Oscar pour 3 Billboards, avocat en short qui dynamite tous les plans où il apparait. Hautement recommandé.
LE CAS RICHARD JEWELL
CLINT EASTWOOD
(EN SALLE LE 19 FÉVRIER)
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Par Marc Godin