Notre uber-président Macron, fan de start-ups disruptives et de tout ce que le bordel ambiant lui permet de passer en douce, serait-il le premier à rêver d’insurrection ? Décryptons son programme secret.
Une crise mondiale, c’est un peu comme un raz-de-marée magnitude 9 : ceux qui en ont les moyens (et les bestioles qui ont senti le truc venir) se font la malle, les autres paniquent, et à la fin il y a de la casse (et éventuellement, les gens crèvent). Ces derniers temps, la France a, comme le reste du globe, connu son lot de perturbations sismiques : d’un côté, les services publics rendent l’âme (on va bientôt devoir se résoudre à échelonner sur trois mois le paiement d’un billet Paris-Marseille), il faut s’arracher un rein pour une plaquette de beurre et faire une croix sur votre road-trip dans le Cotentin prévu pour les vacances de Noël.
Au même moment, on apprend que « les dividendes versés par les grandes entreprises [à leurs actionnaires] ont atteint un niveau record de 44 milliards d’euros au deuxième trimestre en France » (Les Échos). Et notre cheikh jupitérien, au milieu de tout ça, s’offre des sensations estivales l’air de dire « après moi, le déluge », tout en nous invitant, quelques jours après son jet-trip, à la « sobriété ». Résultat ? Confusion partout, stabilité nulle part. Suite logique de ses mesures ultra-libérales ?
CHOC DES CULTURES
« Macron déteste toutes les organisations sociales protégées par leurs règles, qu’il s’agisse des corps sociaux (comme l’ordre des médecins) ou des syndicats », indique Matthieu Aron (auteur, avec Caroline Michel-Aguirre, des Infiltrés, Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l’État, éclairant essai paru aux éditions Allary). Qu’il s’agisse des Uber Files (entre 2014 et 2017, Manu, alors ministre de l’Économie, aide l’entreprise de VTC à s’implanter en France, au mépris de la loi et des tacos français), de la répression des Gilets jaunes ou de l’histoire des cabinets de conseil (un marché qui dépasse nos frontières et dont le gouvernement a largement graissé la patte), on comprend que notre président n’aime pas ce qui fait bloc et qui lui résiste.
Exemple-type, exposé par nos auteurs infiltrés : les contrats massifs passés avec le cabinet de conseil américain McKinsey, lors de la crise Covid, ont eu pour conséquence de rendre quasi inutiles nos fonctionnaires – déjà pas très au taquet – et de créer un « choc des cultures » entre ces deux types de profils. Le consultant étant motivé par les chiffres, le fonctionnaire – en principe – par le fait de rendre service à l’usager. En gros, le mantra de Macron est le même que celui de son buddy Travis Kalanick (PDG d’Uber) : « La violence garantit le succès ». Fluidifier, privatiser, externaliser, ces trois mots résument le plan de ce consultant à l’Élysée. Sa justification ? Matthieu Aron la donne : « Macron considère que la fonction publique fait obstacle aux réformes, dont le but est de libéraliser l’économie ». Sauf que. Le but de la libéralisation, pour faire bref, est, à terme, de faire baisser les prix et de fournir des services de meilleure qualité. Vous êtes satisfait, vous ?
CHOC PSYCHOLOGIQUE
Gosse spirituel de Thatcher, Reagan et toute la clique des années 1980 biberonnée à la pensée de Mandeville (auteur de La Fable des abeilles dont l’idée générale peut être résumée par : « Les vices privés font le bien public »), Macron applique à la lettre la stratégie du « choc et de l’effroi », mise en évidence par la journaliste Naomi Klein. Dans La Stratégie du choc, elle enseigne que le capitaliste voit dans le désastre, et donc l’instabilité passagère du peuple, une opportunité pour instaurer la loi du marché comme ordre mondial : « Les partisans de la stratégie du choc croient fermement que seule une fracture radicale – une inondation, une guerre, un attentat terroriste – peut produire le genre de vastes pages blanches dont ils rêvent ». Quelle veine, Macron ne peut espérer mieux : il cumule les trois. Et lorsqu’il nous parle de « fin de l’abondance », il ne cache pas que c’est pour « provoquer un choc psychologique afin de minimiser la grogne sociale » (dixit nos amis du Canard
enchaîné). Une question demeure : à qui profite ce chaos ? Don’t look up.
Par Violaine Epitalon