Koudlam avait disparu depuis huit ans. Le crooner électro français revient avec un album à paraître en deux temps. On invite les fidèles à se joindre à la grand-messe.
Parce qu’il le valait bien : il y a plus de dix ans, son morceau « See You All » se retrouvait dans une pub pour L’Oréal. Quelques années plus tard, un autre de ses titres atterrit dans la bande-son d’un défilé Chanel. Koudlam n’a pourtant jamais cherché à être à la mode. Quand il se révèle au grand public en 2009, c’est par la BO du film Un prophète de Jacques Audiard. Ce titre lui va bien. Depuis, le musicien illuminé ne revient que sporadiquement, quand il a quelque chose à révéler aux brebis galeuses que nous sommes. Il y a eu le chef-d’œuvre Alcoholic’s Hymns en 2011, Benidorm Dream en 2014, et maintenant Precipice Fantasy, après huit ans d’absence, une éternité dans le monde de la musique moderne. Qu’a foutu Koudlam pendant ce long trou noir ? Le communiqué de presse accompagnant la sortie du disque annonce qu’il a choisi de « disparaître des radars » pour « se consacrer principalement à l’ornithologie et à l’étude des primates, pour retrouver un semblant d’équilibre mental ». Serait-il menacé par une forme ou une autre de délire ? Nous revient cette phrase, lue dans une vieille interview : « Quand j’ai l’impression d’avoir fait un tube, je ressens une sorte d’extase médiévale – sans les spasmes et les yeux blancs. » Koudlam ne s’exprime pas comme David Guetta. Il ne compose pas non plus pareil. Mais fait-il quelque chose comme les autres ?
CROONER SOLO
Né en 1979 à Abidjan, le crooner ténébreux (et fantasque) a grandi entre l’Afrique, le Dakota du Nord, les Alpes et Mexico. Cette jeunesse peu banale a achevé de forger un tempérament inclassable. Ado, Koudlam écoute les Doors, David Bowie et Nirvana. Puis Black Flag et Aphex Twin. Trop bizarre pour se fondre durablement dans un groupe de rock, il a toujours roulé en solo, d’abord dans l’anonymat, puis avec une relative notoriété – il ne fait rien pour s’imposer dans le paysage médiatique. Comment définir sa musique ? Un chaudron mêlant rock et électro, avec un chant épique et des côtés baroques, un goût pour l’urbex et les ambiances postapocalyptiques. Dandy à sa manière, Koudlam aime pratiquer cet art du contre-pied : quand tant de ploucs branchés pompent des références très chics pour pondre une pop impersonnelle, lui s’inspire volontiers de choses vulgaires pour vivifier sa musique aristocratique. Il est plus proche de l’esprit de Baudelaire que de celui des bobos. Après, on ne comprend pas tout à ses étranges visions. Au sujet de Precipice Fantasy, il dit avoir pensé « aux aventuriers-alpinistes du XVIIe siècle ». On ne connaît rien à la montagne, mais on a identifié plusieurs sommets dans cet album plein de montées et de descentes : « My Church », « Precipice Fantasy », « Am I Paranoid III ». Les mélodies atteignent une haute altitude. Après l’ascension de cet ambitieux Precipice Fantasy Part I, le prophète désaxé annonce la sortie prochaine d’un Precipice Fantasy Part II, instrumental et contemplatif, « sorte de musique pour séance de yoga malaisante ». On a déjà hâte de voir quelles incongruités aura inventées ce contorsionniste du son.
Precipice Fantasy Part I
(Pan European)
Par Louis-Henri De La Rochefoucauld