TI WEST, LE FUTUR DE L’HORREUR

X Ti West

Auteur complet, le virtuose Ti West signe avec X un film d’horreur à fois flippant, sexe et drôle. Interview en direct de Los Angeles.

Vous avez 41 ans, vous êtes scénariste, réalisateur, monteur, producteur. Êtes-vous un auteur, comme on dit en France ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais X est mon film, celui que je souhaitais réaliser. En France, on pourrait me considérer comme un auteur, mais avec cette qualification, aux Etats-Unis, on m’envisagerait juste comme un trou du cul. 

Est-ce que X est de l’elevated horror ?
Je ne sais même pas ce que cela veut dire, c’est du marketing. Peut-être que c’est film d’horreur qui se prend un peu plus au sérieux, qui respecte le spectateur. C’est très subjectif…

Vous êtes un fan de l’horreur des années 70 ?
Le film d’horreur était alors un genre subversif, dangereux, avec des fans bizarres. Les films de George A. Romero ou de Tobe Hooper étaient bon marché, ils n’avaient pas à se conformer au goût du grand public, ils étaient produits en dehors du système. Le problème du cinéma d’horreur contemporain, c’est qu’il essaie satisfaire les goûts d’un môme de 12 ans et d’une spectatrice de 50. Quand tu essaies de contenter tout le monde, tu ne peux pas réaliser d’œuvres intéressantes ou encore moins subversives.

X


Et vos films ?
A24 est quasiment un studio. On l’a financé pour très peu d’argent, filmé en 29 jours en Nouvelle Zélande à cause du Covid, donc le film est vraiment celui que je voulais réaliser. Les décideurs d’A24 ne m’ont jamais forcé de faire quoi que ce soit, j’étais vraiment content de bosser avec eux car ils veulent vraiment que leurs productions soient le film du réalisateur, c’est leur marque de fabrique. On n’a jamais fait de test screening, c’est pour cela que X ressemble à un film des années 70. 

Vous n’hésitez pas à mixer sexe et violence. 
Je montre les coulisses du tournage d’un porno, des jeunes au summum de leur désir et des personnes âgées, qui sont censés ne plus avoir de sexualité. Mais les vieux, au lieu d’être envieux et rancuniers, ont envie de participer, avec leurs corps flétris. Ça me semblait une approche assez fraiche de la sexualité. 

Un mot sur votre actrice, Mia Goth.
Je voulais vraiment qu’elle joue les deux rôles, l’héroïne et la vieille, mais je ne savais pas si ça marcherait avec les effets spéciaux. Mia devait endurer huit heures de maquillage pour devenir Pearl, avant les dix heures de tournage. Elle était magnifique et je ne suis même pas sûr que le spectateur soit courant que c’est la même actrice qui joue les deux rôles… 

Vous pouvez nous parler de Pearl, le prequel de X, que vous avez révélé à Venise ? 
On l’a tourné juste après X avec A24. Que Martin Scorsese, que j’admire au plus haut point, me fasse tous ces compliments sur ce film, alors qu’il a visionné tous les films du monde, c’est juste invraisemblable. Écoutez, je ne m’en remets pas. 

Le cinéma traverse une grave crise. 
Tout a changé, les gens veulent que les films arrivent directement chez eux, il n’y a pas à se lamenter, c’est comme ça ! Mais je préfère que l’on découvre X en salle, plutôt que sur Amazon ou sur son téléphone. J’aurai toujours la nostalgie des années 70, mais j’ai hâte de voir la relève, ces jeunes cinéastes de 20 ans biberonnés à YouTube et aux réseaux sociaux. Que vont-ils faire ? 

X, sortie en salles le 2 novembre


Par Marc Godin