VANESSA KIRBY, ACTRICE ROYALE : « DES FEMMES PUISSANTES… »

Vanessa Kirby technikart

Depuis une dizaine d’années, Vanessa Kirby fait le grand écart entre la télé, les gros blockbusters hollywoodiens et le cinéma d’auteur le plus exigeant. À chaque fois, elle est intense et magnétique. Rencontre à l’occasion de la sortie de Mission : impossible – Dead reckoning.

Il y a quelques mois, lors de la sortie de The Son, Florian Zeller nous assurait dans Technikart : « J’ai découvert Vanessa Kirby dans la première saison de The Crown. Je l’avais aussi trouvée extraordinaire dans Pieces of a Woman, de Kornél Mundruczó. J’avais très envie de travailler avec elle. J’aime son intensité. Elle est à part… ». Effectivement, Vanessa Kirby est à part. Impériale, cool et drôle dans de la série Netflix The Crown, elle est épatante dans les grosses franchises (Mission : Impossible ou Fast & Furious) et absolument magnétique dans des films d’auteur (Pieces of a Woman, The Son). Bref, à chaque fois, Vanessa Kirby chope toute la lumière, irradie l’écran et éclipse ses partenaires. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter puisque l’on va bientôt la retrouver en Veuve blanche dans les deux volets de Mission : Impossible 7 (Dead reckonning), puis en Joséphine de Beauharnais dans la fresque de Ridley Scott, Napoléon, aux côtés de Joaquin Phoenix. Également égérie de la marque Cartier, Vanessa Kirby a monté avec sa sœur sa société de production pour promouvoir les films de femmes. Bref, son règne ne fait que commencer…Citoyenne britannique, Vanessa, 35 ans,  est donc en promo pour le 7e Mission : Impossible. Elle est drôle, décontractée et modeste, éclate souvent de rire, parle vite, avec un accent prononcé, et vous affuble très vite d’un délicieux « Darling ».

Mission : Impossible 7 sort cet été. Est-ce amusant d’incarner une femme fatale, une femme forte et puissante ?
Vanessa Kirby : Darling, c’est un grand privilège pour moi d’incarner cette femme fatale dont les atouts ne sont pas la sexualité, mais la puissance. L’équipe a été très enthousiaste avec ce personnage inhabituel qui ne joue pas sur son côté sexy, comme trop souvent dans les films d’action. La Veuve blanche vient d’une famille de criminels, de marchands d’armes et donc j’ai fait toutes sortes de recherches. Le réalisateur Christopher McQuarrie m’a donné des tas de livres sur le pouvoir, comment l’utiliser, à quel point le calme peut devenir la chose la plus intimidante.

Qu’est-ce que ça fait de s’entraîner pour ces films ? Vous aimez la bagarre, les cascades ?
Quand j’ai dégotté le job pour mon premier Mission : Impossible, je me suis entraînée, ce que je n’avais jamais fait auparavant. Six mois d’entrainement intensif, ma vie a complètement changé, je n’avais jamais eu ce genre de rapport avec mon corps. Ces films sont très exigeants sur le plan physique, c’est Tom Cruise, et son amour du risque, qui mènent la danse bien sûr, il faut donc suivre. Mais il y a toute une équipe de cascadeurs derrière… C’est vraiment un cadeau de bosser sur ces films.

Et Tom Cruise ?
Il est formidable, c’est vraiment un excellent partenaire de jeu, très à l’écoute. Il est passionné, rien ne l’arrête et il croit que tout est possible. Cela inspire tout le monde sur le plateau.  Avant le premier Mission : Impossible, je n’avais pas fait grand-chose, juste The Crown. Il a vraiment eu confiance en moi.

Vous n’avez pas hésité quand vous avez accepté cette franchise ? 
Non ! J’étais nerveuse, mais l’expérience a été géniale. J’ai tellement appris. 

Est-ce que vous bottez enfin le cul de Tom Cruise dans cet épisode ?
(Rires) Non, je n’ai pas eu cette chance. Peut-être dans le prochain. Je vais lui demander.

Avez-vous vu le film ?
(Elle se marre) Mais non, j’attends, darling ! 

Où avez-vous tourné ? 
Tout autour du monde, sur une période de deux années. Quant à moi, je suis allée tourner un peu en Norvège et à Londres, pas loin de chez moi.

Vous habitez toujours en Angleterre ? 
Entre Londres et New York, oui. 

Serez-vous dans la deuxième partie de ce septième Mission : Impossible ?
(Elle hésite) Oui, aux dernières nouvelles, je crois.

Dans le film, vous incarnez la fille de Vanessa Redgrave. Je sais que c’est une de vos actrices préférées, mais avez-vous regardé ses vieux films ou le premier Mission : Impossible ?
Vanessa Redgrave a toujours été une de mes héroïnes, j’ai grandi en la regardant jouer sur les planches. J’ai donc adoré quand Chris et Tom m’ont dit que j’allais incarner sa fille (Vanessa Redgrave jouait la méchante du premier Mission : Impossible, en 1996, une impitoyable marchande d’armes du nom de Max, ndlr). J’ai donc étudié comme une dingue ses manières, sa façon de poser sa voix en regardant un millier de fois sa performance dans le film de Brian De Palma. C’est génial d’incarner sa fille, de retrouver ses gestes, de s’inspirer de sa performance, de jouer avec elle par procuration tout au long de la série. C’est vraiment spécial pour moi, très émouvant aussi. Je l’avais rencontrée après une pièce quand j’étais très jeune.

Mission: Impossible - Dead Reckoning Part One
TRIO GAGNANT_
Hayley Atwell, Pom Klementieff et Vanessa Kirby sur le set du film, avec le scénariste-réalisateur Christopher McQuarrie.


« TOM EST PASSIONNÉ, RIEN NE L’ARRÊTE ET IL CROIT QUE TOUT EST POSSIBLE. »

 

Vous avez mentionné le théâtre. Est-ce qu’il y a des chances pour que l’on vous revoie un jour sur les planches ?
Je l’espère vraiment. J’ai grandi en allant au théâtre et j’ai passé les cinq premières années de ma carrière sur les planches, donc le théâtre est très important pour moi. Mais pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé la pièce qui m’y fera revenir. En fait, j’en ai peut-être une, mais c’est aussi une question de timing. J’aimerais vraiment que cela se concrétise prochainement.

Qu’avez-vous gardé de la princesse Margaret Windsor, qui vit dans l’ombre de sa sœur Elizabeth dans The Crown ?
Mon Dieu, je crois que j’ai gardé un faux collier de perles, en plastique, dans un tiroir… Sérieusement, elle a changé ma vie, son énergie était communicative. Margaret était radicale, une fonceuse, c’était vraiment un plaisir de lui redonner vie à l’écran, elle est tellement plus cool que moi…

Pieces of a Woman a-t-il tout changé dans votre carrière ?
Je le pense. C’était la première fois que j’avais un premier rôle. Et il y avait cet incroyable plan-séquence de 30 minutes, c’était dément. J’avais l’expérience des planches, bien sûr, mais je n’avais jamais fait cela sur un écran. C’était un miracle, la réalisation d’un rêve. On peut voir ma performance sans aucun montage, et j’en suis très reconnaissante à Kornél. Ce fut une expérience magnifique. 

Et vous êtes renversante dans le film. 
Oh, merci darling, c’est tellement gentil.

Comment abordez-vous votre activité d’égérie pour la marque de luxe Cartier ?
J’adore cette incroyable marque française. Je me suis sentie tout d’abord très honorée qu’ils me demandent de devenir leur égérie. J’adore cela et ils sont maintenant comme une famille pour moi. Puis j’ai appris qu’il y avait cette incroyable créatrice chez Cartier en 1913, Jeanne Toussaint. C’est elle qui a développé l’idée de la panthère. Pour représenter l’identité féminine, elle n’a pas choisi un cliché mignon comme une petite fleur, mais une panthère, sauvage, féroce, indépendante. Et c’est ce que je veux voir, des femmes fortes, puissantes, indépendantes.

Que pensez-vous de la place des femmes dans cette industrie ?
(Elle marque une pause) Je pense que nous avons encore un long chemin à parcourir… Les choses ont évolué ces dernières années, mais cela ne fait pas si longtemps que nous avons des films écrits et réalisés par des femmes. C’est pour cela que j’ai monté ma société de production… 

… Aluna ? Pour produire des films écrits par des femmes, réalisés par des femmes
Oui, c’est cela, Aluna Entertainment, merci. En ce moment, nous avons 14 projets en développement. C’est tellement important, épanouissant et excitant. Nous nous consacrons à la réalisation de films sur des femmes puissantes, contradictoires. Avec des équipes différentes, des cinéastes fantastiques, des projets cools et radicaux. 

Vous jouerez dans certains de ces films ?
Oui, dans certains. Mais ma mission première, c’est de trouver des sujets, des équipes, des financements… Faire naître ces projets et les amener à l’écran, c’est ma plus grande mission. Moi, j’aimerais beaucoup voir un Taxi Driver au féminin. Pourquoi n’avons-nous pas encore vu ce genre de films ?

Est-ce que vous pourriez en réaliser un ?
Je l’espère. J’ai encore beaucoup à apprendre, mais c’est effectivement mon rêve de passer derrière la caméra. 

Vous avez un modèle au cinéma ? 
Oui, Gena Rowlands, la femme de John Cassavetes. Elle n’avait peur de rien, surtout pas de jouer des rôles non conventionnels, plutôt que de jouer les belles petites jeunes filles sages. Regardez Opening Night ou Une femme sous influence ! C’est vraiment mon héroïne absolue. 

Comment pouvez jouer à la fois dans des films d’auteur ambitieux comme Pieces of a Woman ou The Son, et de grosses machines comme Mission : Impossible ou Fast & Furious 
Je ne les vois pas comme des projets aussi différents que cela. Je regarde surtout les personnages. Est-ce qu’ils sont intéressants, est-ce qu’on les a déjà vus ? L’échelle des films est bien sûr différente, mais pas mon travail. C’est exactement comme au théâtre. J’ai joué dans des pièces très différentes, mais au cœur du travail, vous avez ce personnage auquel vous devez donner vie. 

Vous souffrez toujours du trac ?
Oui, je pense maintenant que je ne m’en débarrasserai jamais. J’avais tellement de doutes quand j’ai commencé, et c’est encore le cas. Je suis un peu plus sûre de ma légitimité, mais je souffre toujours d’un trac terrible.

Sur les planches ou au cinéma ? 
Mais les deux (rires) ! Je ne regarde jamais les rushs, je ne peux pas jouer et regarder ma performance. Mais je visionne mes films une fois, histoire de voir ce que je peux améliorer. C’est difficile, il faut être un peu détachée. 

Vous incarnez l’impératrice Joséphine Bonaparte dans le prochain Ridley Scott, Napoléon, aux côtés de Joaquin Phoenix. 
C’est un énorme projet, avec des thèmes difficiles, un film très émouvant. J’ai aimé chaque seconde de ce tournage. Et Ridley est devenu un ami très cher.

Parlez-nous de Joséphine.
Elle est tout simplement la femme la plus fascinante qui soit. Je savais si peu de choses sur elle. C’est une énigme, une telle survivante. Elle est venue de la Martinique à Paris quand elle était très jeune, a épousé quelqu’un dont elle n’avait jamais entendu parler, et son mari a été exécuté sous la Révolution. Puis elle a fait son chemin et rencontré Napoléon, un officier militaire, avant d’avoir cette vie sauvage. Elle m’a beaucoup appris.

Dernière question. Comment se fait-il que vous interprétiez un nouveau personnage historique important, il y a-t-il quelque chose de royal en vous ? 
(Rires) Je ne le pense pas, non. Cela a peut-être plus à voir avec une certaine forme de courage. Il faudrait demander cela à Ridley Scott. Thank you my darling, bye bye.

Mission : Impossible – Dead reckoning partie 1
Sortie en salles le 12 juillet


Entretien Marc Godin
Photo : Cartier