Directeur de la programmation Chorus depuis 20 ans, devenu la référence des festivals des artistes émergents, David Ambibard nous explique son secret. Rencontre.
Au programme de ton édition 2024, on retrouve notamment Chloé, Chassol, Yamê… Quel est le leitmotiv du festival Chorus ?
David Ambibard : Une programmation risquée, ambitieuse, alternative et vivante !
Le festival est financé par le Département des Hauts-de-Seine. La pression sur la billetterie est donc moins forte que pour les événements privés (We Love Green, Rock en Seine, les Solidays…). Mais comment fais-tu pour rivaliser avec leur programmation ?
Notre difficulté, c’est d’exister à Paris. De nombreuses têtes d’affiche en territoire parisien ont des exclus avec des festivals plus importants que nous. Ce serait plus simple de faire Chorus dans la Creuse que dans le 92, mais on est là depuis 36 ans, et on ne va pas bouger ! Il faut donc prendre des risques. Je commence par construire mes plateaux avec les headliners, puis vient le tour des artistes émergents.
Avant d’être dans le 92 à La Seine Musicale, jusqu’en 2017, ton équipe avait créé un village floral, en décalage avec les tours froides du quartier de La Défense où il était alors situé. À quoi ressemble Chorus désormais ?
Il se déroule à La Seine Musicale qui ressemble à « un vaisseau amiral » tout en longueur, construit par l’architecte japonais Shigeru Ban. Le public, aujourd’hui, certes veut voir Dinos, SDM, ou Yamê, qui sont au programme cette année, mais ses attentes dépassent largement les concerts programmés, on propose une expérience festivalière plus globale. Le public est accueilli dans un équipement totalement scénographié, on organise des happenings et des performances… À côté de nos six scènes (allant de l’auditorium à l’espace 360° façon Boiler Room), on propose des stands-up décalés, des battles chorégraphiques, mais aussi un village de créateurs, en s’associant à des friperies ou des disquaires. Et puis des programmes de sensibilisation au développement durable et aux violences sexuelles et sexistes. C’est une expérience totale.
Tu programmes également La Défense Jazz Festival. Qu’est-ce que cela t’apporte pour Chorus ?
Il y a 20 ans, ces esthétiques avaient du mal à se mêler entre elles. Programmer deux festivals avec des directions artistiques différentes, m’a permis d’être très vite connecté à des nouvelles tendances musicales hybrides arrivant de New York, Londres, explosant les frontières des genres musicaux. Des groupes comme Parquet ou Léon Phal, programmés cette année, ont totalement assimilé les codes du jazz mais sont tout autant influencés par des figures emblématiques de l’histoire du jazz que par des courants issus du hip-hop, du rock ou des musiques électroniques.
Pour être programmateur de musique, il faut être un fan acharné. Comment découvres-tu les artistes émergents du festival ?
Tu ne peux pas tout écouter. Il y a donc le filtre des prods, des managements, et celui des festivals que je parcours en marathonien. Je fais dix à quinze festivals par an, et de très nombreux concerts toute l’année, car la dimension live est la plus importante pour moi. La difficulté majeure pour repérer un artiste aujourd’hui, c’est que toutes les étapes de développement d’une carrière se sont peu à peu déconstruites : des projets émergent via les réseaux sociaux, développent une communauté et se retrouvent exposés sur scène de façon très précoce alors que leur expérience et leur maturité scénique est parfois très faible. J’essaie donc de sortir d’un réflexe « pro », ne pas me focaliser sur tous les défauts d’un nouveau projet, et de me projeter vers l’avenir.
La Seine Musicale, Île Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt, du 20 au 24 mars 2024.
Entretien Alexis Lacourte