Fini, le crac-crac en despi ! À la poubelle, le « quickie » du dimanche soir ! Notre journaliste est revenu de ses vacances à Montecito avec un nouveau dada : le slow-sex. Petit conseil pour la pratique : posez des RTT.
Légende photo : NAMASTE_ La star US de football Rob Gronkowski, (égérie de Hims, pionniers du sexual wellness au masculin) vous en conjure : allez-y doucement .
Minute, minute. Qui sont-ils, ces jouisseurs « zen » qui ne jurent que par leurs coucheries s’étirant des heures durant sur fond d’ambient jazz, dans une piaule saturée d’encens premier prix ? Au premier abord, on aurait tendance à penser que les chantres de la « décéleration » sexuelle sont au cul ce que les types qui portent des boules Quies en concert (« parce que les basses sont un peu fortes, nan ? ») sont à la scène rave : un embarras. De ceux qu’on fuit comme la peste. À moins que… Oui, à moins que les slowsexeurs, sous leurs allures diaboliquement plan-plan, participent, eux aussi, au renouvellement par le haut de nos habitudes érotiques. Accordons-leur le bénéfice du doute, en plongeant dans la philosophie sexpositive du « plus c’est lent, mieux c’est bon ». Que les sceptiques maintiennent leur nez pincé : on saute, sans atermoiement.
FAIRE DU DÉLAI UN DÉLICE
D’abord, un témoignage : l’ex-chanteur Sting (The Police) l’assure, le sexe tantrique qu’il explore avec sa femme au gré de sessions de sept heures – dixit la légende – est « hyper sain ». D’aucuns estiment que cette confession, livrée à l’orée des nineties, a mis sur le devant de la scène une manière jusque-là ultra confidentielle d’appréhender le sexe, dont la sexothérapeuthe américaine Diana Richardson circonscrira les codes en 2013 avec Slow sex : faire l’amour en conscience. Imprégné de plusieurs mantras orientaux (mysticisme indien, bouddhisme), l’ouvrage invite à « ne plus se concentrer intensément sur l’orgasme » pour mieux « ressentir la sensualité de subtiles nuances, tout au long de l’union sexuelle ». Comprendre : ne vous agacez plus lorsque votre partenaire « tergiverse » avant d’aller « au but », et transformez le délai en délice.
Il y a là une vraie philosophie de vie, aux yeux des convertis. Car dans une société pressurisée par les logiques de rendement et de productivité, le slow sex fait figure d’oasis. Sorte d’exutoire inespéré, où les parties de jambes en l’air s’enrichissent d’une dimension méditative – voire thérapeutique. Loin des tumultes, on s’offre des instants qui s’inscrivent dans la durée pour prendre soin de soi. Et de l’autre, bien sûr. Avec une attention aux zones érogènes oubliées, aux tendresses patientes, aux échanges langoureux. Puis oui, bordel, tant qu’on y est, pourquoi ne pas s’allumer des bougies odorantes, lancer une playlist « cosy » et oser – enfin ! – dégainer son arsenal de sextoys licorne. Après tout, c’est fête.
« ÇA N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI BON »
On voit le tableau d’ici : une sexualité aux allures de cour de récré ludique, où l’on serait si détente qu’on s’autoriserait à tâtonner à droite, à gauche – quitte à échouer, parfois. Et après ? Il y a la nuit devant nous. C’est fête, qu’on vous dit. Bref, l’érotisme slow se drape d’atours fun d’autant plus magnétiques que nous avons plutôt été formatés pour une sexualité d’exigence. Quelque chose de sportif, orienté vers les perfs – et la course à l’orgasme. Une compétition où les femmes terminent d’ailleurs souvent grandes perdantes, puisqu’en 2018 l’Académie Internationale de la Recherche Sexuelle indiquait qu’au terme d’ébats, les mecs hétéros atteignaient ledit orgasme à 95 % d’occurrence pour seulement… 65 % chez leurs homologues féminines.
Un orgasm gap vertigineux, qui en dit long sur les conséquences néfastes d’un imaginaire collectif imprégné jusqu’à la moelle de la culture du « quickie ». Face à cet archétype trompeur qui laisserait entendre que l’élan sexuel « sulfureux » se devrait d’être bouclé sans pause, ni jeu, et alors que le chrono moyen d’un rapport vagino-pénétratif est de 5 minutes (soit le temps de griller une clope), les aficionados du désir diesel ont le culot de mettre la pédale douce . Insoumis aux diktats de la montre, les voilà qui freinent leur rapport au plaisir, persuadés que « longueur » n’a pas à rimer avec en « ennui ». Dont acte : nos hardeurs de la lenteur s’éclatent à lancer des challenges en ligne, autour de l’art du slowgasme. L’objectif ? Faire mumuse durant des heures avec le « point de non retour » (l’éjaculation, quoi). Sur Reddit, certains conseillent de regarder des vidéos adaptées via les « hubs » tradi. D’autres internautes suggèrent les caresses à privilégier, et précisent quand marquer la pause. Que ce soit seul, ou en couple. Et tous l’assurent en choeur : « Ça n’a jamais été aussi bon ». En vertu du bon vieux principe selon lequel « ce n’est pas l’arrivée qui compte, mais le chemin parcouru ». On signe où ?
Par Antonin Gratien