MELVIN BOOMER : « POSSÉDÉ JUSQU’À LA MOELLE ! »

Melvin Boomer technikart

La Cage, signée Franck Gastambide, transforme en série Netflix l’excitation actuelle autour des sports de combat. Sa star ? Le challenger déterminé Melvin Boomer. Rencontre.

En sueur, le regard dédaigneux, les muscles saillants, évoluant dans une ambiance aussi hystéro qu’un premier jour de krach boursier sur Wall Street, les combattants du MMA (Mixed Martial Arts) sont les nouveaux gladiateurs d’un sport qui, depuis sa légalisation en France en 2020, remplit les stades… Combattants muay-thaï, pratiquants de jiu-jitsu brésilien, poids lourds et belligérants du monde entier, les « batailleurs » du MMA n’ont jamais été autant sous le feu des projecteurs. Les streams de l’UFC (Ultimate Fighting Championship), le géant du secteur, explosent tous les records. Et le fight, dans toute sa splendeur et toute sa sauvagerie, fait fureur…

C’était donc le timing parfait pour cette série imaginée par Franck Gastambide et produite par Netflix. Avec son casting droit sorti d’ARÈS (la structure organisatrice de combats MMA dont Franck est actionnaire) et des plus grands championnats du MMA (les superstars Jon Jones, George Saint-Pierre, Ciryl Gane ou Taylor Lapilus ont répondu présents), les fans seront servis. Ajoutez à ce mix explosif l’acteur le plus enthousiasmant de sa génération. Melvin Boomer, 23 ans, y incarne Taylor, jeune ambitieux prêt à tout, y compris devenir champion de « la cage » chère aux fighters, pour régler les problèmes financiers de sa mère.

Danseur devenu acteur, Melvin s’est d’abord fait remarquer en interprétant JoeyStarr, avec fougue et finesse, dans Le Monde de demain (2022), suivi du rôle-titre dans Sage-Homme (2023), qui lui vaudra d’être repéré par l’industrie… Il a beau avoir débuté son parcours en justaucorps à l’Académie Internationale de la Danse, où il se forme au classique et au breakdance, le MMA, il connaît. Son nom – Melvin Promeneur (« Boomer » étant son pseudo depuis qu’il est devenu acteur professionnel) – résonne avec celui d’un combattant bien connu des fans : Jean-Phael Promeneur aka « Stone Head ». Son père, qu’il accompagnait à ses combats lorsqu’il était pré-ado… Nous le retrouvons alors qu’il s’apprête à entamer une nouvelle transformation physique : perdre les 15 kilos de muscles pris pour incarner Taylor avant le démarrage de son prochain tournage…

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FOUS TA CAGOULE_
Prenons les paris : Melvin, star de la série La Cage, sera nommé aux César, catégorie meilleur acteur, d’ici 2026.


Tu joues dans la nouvelle série
La Cage de Franck Gastambide, une plongée dans le milieu du MMA. C’est un monde que tu connaissais déjà ?
Melvin Boomer : Totalement ! Et de l’intérieur, mais sans spécialement vouloir en faire. Mon père est combattant depuis mes douze ans, donc je le suivais partout dans sa préparation et ses combats. En France, le MMA n’a été légalisé qu’en 2020. Pour faire des compétitions, il devait aller un peu partout à l’étranger.

Il t’a aidé pour ton rôle ?
Bien sûr ! En fait, avant même le casting de La Cage, j’avais eu envie de prendre un peu de poids, pour me préparer à des rôles d’action. Je lui avais demandé de m’entraîner à la salle, à la boxe, mais le tout dans un but personnel. Finalement, le casting est tombé au même moment, donc j’ai continué l’entraînement. Ça collait parfaitement.

Dans la série, il y a de magnifiques scènes de combats. Comment les as-tu préparées ?
Sur le tournage, j’étais accompagné d’un coach de musculation, mais aussi de Taylor Lapilus et de Samir Faiddine qui sont des grands combattants. Mon père, lui, m’a aidé à travailler mon attitude, mon mindset. Il m’a transmis tout ce qu’il pouvait ressentir avant d’entrer dans la cage, dans les vestiaires. Ça m’a rappelé tout ce que j’avais pu observer quand on voyageait ensemble.

C’est vrai que la série montre aussi toute la partie psychologique de ce sport, dont on se doute moins quand on est néophyte.
Oui, et c’est d’ailleurs ce qui la rend accessible. Cette préparation, ces risques de blessure, la diète, sont applicables à tous les sports.

Initialement, tu es danseur. Quel lien fais-tu entre la danse et le MMA ?
Toutes les « chorégraphies » qu’on a apprises dans la série ont été plus simples à intérioriser grâce à la danse. Mais la danse permet aussi d’avoir un déplacement plus aisé dans l’espace. Ça m’aide à créer un corps, donner corps à mon personnage. Taylor a une réelle évolution au long des épisodes. Il progresse. En termes de technicité corporelle, je ne pouvais pas mettre un coup de point de la même façon dans l’épisode 1 ou l’épisode 5. Et puis, c’est à la fois un combattant et un garçon réservé. Je devais faire cohabiter la gentillesse, la timidité et la rage du combat, ça se jouait dans le regard et le corps.

Comment avez-vous fait pour créer cet ultra-réalisme ?
En fait, on a fait le choix de ne pas tout centrer sur les grands fights. Au premier plan, on a mis beaucoup de sparring, de combats d’entraînements, chose qui ne se fait pas beaucoup sur les tournages. Le risque de se blesser est beaucoup plus grand et on a dû apprendre à retenir nos coups au dernier moment. C’est ce qui apporte ce réalisme à la série.

Pour tourner ces scènes, on t’a appris à « jouer » le combat ?
Quand je m’entraînais auprès de pros, je leur ai demandé de vraiment cogner pendant les sessions. Je voulais me préparer comme si j’avais un combat le lendemain. J’avais les qualités pour combattre. Le but, c’était de ne pas faire trop d’acting. La seule chose que j’ai jouée, c’étaient les coups reçus.

Et quand bien même c’était joué, quel effet ça fait de rentrer dans une cage et d’entendre la porte se refermer sur toi ?
C’est très impressionnant. Particulièrement avec Morgan Charrière. L’aura que peuvent avoir certains combattants est dingue. C’est « pour du faux », tu sais qu’ils ne vont pas te cogner mais quand ils s’approchent de toi tu développes un instinct de survie et tu te dis « il faut pas que je reste ici ».Tu te sens comme un oiseau enfermé dans une cage.

Après t’être plongé dedans, tu considères que le MMA est un sport violent ?
C’est un sport de technicien. Pour être bon il faut être régulier. Il y a un côté bourrin, mais plutôt dans le sens sauvage. Dans la cage, une part de toi doit s’éteindre. Tu ne peux pas te permettre d’avoir peur. Mais en dehors de ça, il faut être très stratégique. Ce ne sont pas juste des golgothes qui se tapent dessus.

La Cage montre tout un panel de profils. Sont-ils inspirés de vrais combattants ?
Mon personnage est assez lambda. Taylor fait ça parce qu’il se foire dans les études et se passionne dans ce sport, c’est le profil type d’un amateur. Mais la série est aussi habitée par des personnages comme Ibrahim (incarné par Bosch, ndlr) qui capitalisent sur leur image. Ça peut se rapprocher de profils comme celui de Cédric Doumbé, qui jouent sur l’humour.

Tu as retrouvé ton père dans un personnage de la série ?
Mon père n’est pas quelqu’un qui crie pour avoir toute la lumière sur lui. Il s’entraînait dans son coin, avec ses coachs. Puis il arrivait dans la cage et il brûlait tout. Mais d’ailleurs, mon père est dans la série !

C’est vrai ?
Oui ! Mon père fait un caméo dans chacun de mes projets.

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REGARD D’ACIER_
L’arme secrète de la série La Cage ? Le jeu précis et agile de Melvin Boomer.


En MMA, même les meilleurs combattants doivent s’appuyer sur leur image, devenir des stars. En tant qu’acteur, tu trouves qu’il y a aussi cette dimension du personnage ?
Tu as souvent besoin d’un carapace pour te protéger de quelque chose. Si ce personnage est en accord avec toi et tes principes, c’est ok. Mais par exemple MCGregor, qui est le personnage le plus connu de l’UFC, quand il arrive au Brésil et qu’il dit : « Si on était à l’époque, je serais venu sur un cheval et je vous aurais tous colonisés », tu te demandes si le personnage ne va pas un peu trop loin. En tant qu’acteur, je ne vais pas aussi loin lorsque je joue simplement Melvin Boomer.

Taylor et toi, vous vous ressemblez ?
Sur un gros point, en tous cas, la dyslexie. C’est quelque chose que l’on partage avec Franck [Gastambide], et dont on parlait beaucoup entre les scènes. Dans une séquence, Taylor explique qu’il ne peut pas aligner deux phrases sans faire de fautes, et que les bons diplômes pour les bons salaires, il ne les a pas. Quand tu es dyslexique à un certain point, tu peux te sentir plus ou moins soutenu, incompris, voire bon à rien. Moi, j’ai eu la chance d’avoir un putain d’entourage, que Taylor n’a pas du tout. La vérité, c’est qu’on voulait que la série soit accessible à tout le monde. Le personnage de Taylor, on peut facilement s’y identifier. Il a des difficultés, il n’est pas soutenu, il a un rêve. Tout le monde peut s’y retrouver, dont moi.

Il est très universel.
Oui, alors que d’instinct, certains vont facilement l’essentialiser. Ce qui m’amuse, c’est que beaucoup ont réagi à la bande annonce, en disant : « C’est cool, mais c’est dommage que ce soit un gars de cité qui essaye d’échapper à la drogue ». Ils sont persuadés qu’il y a une histoire de drogue parce qu’ils me voient dire que je n’ai pas de diplôme. Au contraire, la série n’a pas pris cet axe facile. C’est juste un mec dyslexique qui n’a pas trouvé sa voie dans les études sup’, mais qui s’accroche à une passion et qui ne compte pas lâcher le morceau.

JoeyStarr, un sage-homme, un combattant… chacun de tes rôles nécessite beaucoup de compétences à l’écran. Tu les choisis pour ça ?
Le mental du breaker ne m’a jamais quitté. Je vois ce métier comme un grand battle de break. J’ai eu la chance qu’on me propose des bêtes de rôles, intéressants à incarner ou constituer. J’aborde le cinéma comme une performance, je ne veux pas arriver avec 36 films en un an.

Pourquoi ?
Parce que plus tu fais de films, moins tu es animé par ton personnage. Je veux être possédé jusqu’à la moelle. Je travaille mes personnages jusqu’à ce point de rupture où je deviens mon personnage. Mon objectif ultime, c’est que les gens viennent au cinéma et ne me reconnaissent pas.

Tu as un exemple d’acteur qui joue ainsi ?
Tahar Rahim, sans hésitation. Je veux réussir comme lui à balancer à chaque fois des gros projets, qui me transforment. Être vraiment incarné.

Une fois incarné, c’est dur de sortir de ton rôle ?
J’ai beaucoup de mal. Pendant un an après le tournage de La Cage, j’étais encore dedans. Je faisais du shadow en rentrant chez moi, j’évaluais le physique des gens dans la rue pour identifier leurs points faibles. En sortant du tournage du Monde de Demain, ma mère m’a fait remarquer que je gardais le même regard dur de JoeyStarr.

Et pour Sage-Homme ?
Sage-Homme m’a rendu ma gentillesse.

Cette incarnation va loin, tu adaptes aussi ton physique pour tes rôles…
Oui, je cherche la transformation physique à l’américaine. Je veux toujours être différent de ce que j’ai pu faire avant.

Et il y a un rôle que tu voudrais incarner maintenant ?
Je veux jouer un homme d’époque. Ou bien un psychopathe à la American Psycho. Ça me fait rêver.

Tu as des projets sur le feu ?
J’ai un premier rôle en mars avec Fanny Ardant, où je vais jouer un punk à chien. C’est une aventure, une jolie histoire d’amour…

Ton parcours est spécial, parce que tu n’es pas passé par les seconds rôles. Tu as immédiatement commencé en jouant JoeyStarr dans la série Le Monde de Demain.
Mais d’ailleurs, je n’aimais pas le métier d’acteur ! À l’AID (Académie Internationale de la Danse), j’étais bon en danse classique, et ma prof m’obligeait à faire des claquettes et du théâtre, à faire des cours de chants. Elle voulait que je participe à une comédie musicale avec le Jeune Ballet Européen. Je n’aimais pas ça, je trouvais ça trop étrange qu’on me demande de jouer une fleur.

Et quel a été le déclic ?
Quand on est passé du devoir d’école à un vrai projet professionnel. Le côté scolaire m’était insupportable, alors que quand j’ai fait NTM, j’ai pu le prendre au sérieux, et réellement m’incarner.

La vie est un combat ?
Ta réussite n’est pas tangible. Dans un combat, quand tu as soumis l’adversaire, tu as gagné. C’est une question de technique. Dans le cinéma, dans la vie de manière générale, j’ai quand même envie d’atteindre un top, même si ce n’est pas le top de tout le monde. La victoire est plus subjective…


Entretien Adèle Thiery &
Laurence Rémila
Photo Axel Vanhessche