FRANCK GASTAMBIDE : « LES COMBATTANTS ? DES SUPER-HÉROS ! »

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Abonné aux actioners matinés d’humour, le réal’ revient avec La Cage, la première série d’envergure sur le monde du Mixed Martial Arts. Interview entre deux rounds.

Légende photo : CAGE MASTER_ À l’origine de la série la plus violente et la plus excitante de cette fin d’année, le réalisateur Franck Gastambide.

La Cage, c’est une sorte de promenade animée dans le monde du MMA, un peu ce que tu avais fait avec Validé mais dans un nouveau domaine ?
Franck Gastambide : Pour être très honnête, la manière dont je pitchaise ce projet, c’était Validé dans le monde du MMA. Avec la même méthode très assumée, je voulais raconter l’ascension fictionnelle d’un futur combattant, dans le milieu bien réel du MMA.

Tu t’es inspiré de quelque chose ?
Toute la genèse, que ce soit pour Validé ou La Cage, peut se rapprocher à celle d’Entourage, la série HBO avec Mark Wahlberg. Des personnages de fiction évoluent dans le monde du cinéma, et ils croisent des vraies personnalités. J’ai transposé ce mécanisme dans le rap français, puis dans le milieu du MMA.

C’est un milieu que tu connais bien ?
Je le fréquente depuis plus de dix ans à différents postes, également en tant que pratiquant, mais avant tout en tant que fan.

Pour La Cage, tu as travaillé avec le Québécois George Saint Pierre (grand champion des poids moyens entre 2006 et 2017, ndlr), l’Américain Jon Jones (grand champion des mi-lourds, ndlr), qui sont parmi les meilleurs…
Ce sont carrément les légendes !

Comment ont-ils réagi à ta demande ?
Forcément, lorsque l’on approche un professionnel du milieu, il a d’abord des appréhensions sur la manière dont le sujet sera traité. J’ai donc pris le temps de leur expliquer mes ambitions. Réussir à les convaincre, c’est la plus grande des récompenses pour moi. Jon Jones, Ciryl Gane ou George Saint-Pierre n’ont ni besoin de moi, ni d’argent. S’ils viennent, c’est parce qu’ils ont décidé de me faire confiance.

Tu as eu des stars de la cage, mais aussi des coachs, comme Hatch. C’était important pour toi de mettre ce métier en valeur ?
Le MMA est un sport qui laisse des possibilités illimitées de combinaisons pour atteindre la victoire. Une sorte de jeu d’échecs, avec des game-plans, qui sont contrôlés par les coachs ! Ce sont de véritables stars, des stratèges qui sont présents pendant les combats. Ils crient des instructions, comme s’ils télécommandaient le combattant dans un jeu vidéo. Pour leur rendre hommage, j’ai insisté pour avoir Firas, le coach historique de George Saint-Pierre, et Brandon « Six Guns » Gibson, celui de Jon Jones, qui jouent leur propre rôle.

C’était un challenge ?
Évidemment ! Il aurait été plus facile de trouver un acteur, mais j’ai préféré prendre un peu plus de temps et travailler avec eux pour qu’ils soient crédibles à l’écran. J’ai toujours pensé qu’il fallait que les vrais fans de ce sport aiment la série et qu’ensuite ils propagent la bonne parole auprès du grand public. 

Ce que tu décris, le stratège, le pilote, ça ressemble un peu au métier de réalisateur…
Ça explique aussi pourquoi j’ai tant d’admiration pour les coaches et leur travail.

On observe le travail de ces coachs lors de scènes de combats très réalistes…
Quand tu parles du MMA, si tes combats sont ratés, ta série est ratée. C’est aussi simple que ça. Et à la fois, c’est ce qu’il y a de plus dur à filmer ! L’UFC et ses plus de huit caméras installées autour de la cage en témoignent. Je me devais de servir aux fans de ce sport les combats les plus réalistes possibles, et à la fois, proposer au public des combats compréhensibles. Les combats au sol, quand on n’y connaît rien, c’est juste deux types collés l’un à l’autre.

La dernière fois que tu es venu chez Technikart, tu déclarais que Rocky était « le chef d’œuvre ultime »…
C’est une inspiration permanente dans ma vie, dans ma façon d’écrire. Avec La Cage, je rêvais de faire mon petit Rocky. Ce film, c’est la détermination, l’abnégation, le dépassement de soi et l’amour. C’est les valeurs dont je me nourris. J’ai pris du premier film avec l’ascension d’un personnage en qui personne ne croit, et du troisième avec le méchant, Clubber Lang. Mon modèle pour le personnage joué par Bosch.

Une des forces de Rocky, c’est la musique. Comment as tu travaillé celle de La Cage ?
J’ai décidé d’oser les musiques orchestrées, qui allaient dépasser les émotions de ce que je filmais.

D’ailleurs, encore dans un Rocky, Stallone lui aussi joue dans le film qu’il a coécrit…
Pour être honnête, jouer me gâche un peu du plaisir. Je n’ai jamais souhaité être acteur, mais quand j’ai commencé mes petits sketchs de Kaïra Shopping, j’ai dû me mettre devant la caméra parce que personne ne voulait le faire. Puis quand mon travail a atterri sur les bureaux de Canal, ils m’ont dit « on continue si tu joues dedans ». Cette phrase m’a suivi toute ma carrière. Je suis devenu le visage de mes films contre mon gré.

Tes séries prennent place dans des milieux violents et durs. Pourquoi ?
Je suis fasciné par les combattants, pas tant par la violence. Pour moi, ce sont des super-héros, des mecs que j’essaye d’imiter quand je réalise des films d’action – sauf que moi je suis un clown. Cette admiration est liée à la détermination, l’abnégation et la passion dont ils ont besoin pour être des sportifs de très haut niveau. Surtout quand tu sais que la majorité d’entre eux ne gagne pas énormément d’argent.

Même dans des environnements sombres, tes films racontent toujours une ascension…
Oui, et c’est d’ailleurs un problème. Je me rends bien compte que je ne vais pas pouvoir le faire toute ma vie. Un jour, il va falloir raconter une chute…

Pourquoi cet attrait pour les parcours glorieux?
Parce que je sais ce qu’est une ascension. Ma mère est femme de ménage, et mon père, je ne sais pas où il est. Il y a 20 ans, je dressais des chiens au fin fond du 77. Il m’a fallu gravir les étapes et accomplir des choses pour arriver aujourd’hui à être une figure du cinéma français, et de la série.

Dans La Cage, il y a quatre personnages féminins – et dans le MMA ?
C’est un milieu masculin dans lequel il y a plein de femmes qui dirigent. Parmi les combattantes, il y a quelques exceptions. Ronda Rousey, par exemple, est une superstar aux États-Unis ; elle joue même dans Expendables aux côtés de Stallone. En France, Manon Fiorot va peut être remporter la première ceinture de l’UFC pour la France. Pied de nez magistral à ce milieu très viriliste !

En mars dernier, le combat entre Cédric Doumbè et Baki à l’Accor Arena était sold-out en 20 minutes. Le MMA s’est démocratisé en France, pourquoi selon toi ?
Ma théorie sur l’explosion du MMA ? Que ce sport a fabriqué ses personnages, et que ceux-ci sont en train de devenir des superstars. Ciryl Gane, le gendre idéal. Benoît Saint-Denis, le patriote. Morgan Charrière, le combattant génération Z, extrêmement suivi sur les réseaux sociaux. Tous ces champions permettent à différentes catégories de s’identifier : chacun a son combattant préféré.

La suite pour toi ?
Je suis en montage de la saison 3 de Validé et en pleine écriture d’un film, probablement tourné avant l’été. Une grosse comédie d’action, pour changer !

La Cage : Une série en 5 épisodes disponible sur Netflix à partir du 8 novembre


Entretien Adèle Thiéry
Photo Julien Grignon