Le point porcher : Faut-il promouvoir votre bot ?

promouvoir votre bot

Quel est le point commun entre votre assureur et un robot ? Ils sont tous les deux dénués d’humanité. Sauf que le robot, lui, a l’avantage de (vraiment) faire le taf. L’économiste le plus huilé de France suggère une petite réattribution des tâches

Légende photo : HEY, WILL !_ Nous aimons beaucoup nos amis de KPMG. Nous les aimons tant, que nous avons une suggestion pour leur CEO, William B. Thomas : et si vous embauchiez notre robot ? – Il maîtrise Excel et la sur-facturation. 

Pourquoi le poinçonneur des Lilas de la chanson de Serge Gainsbourg a disparu ? Parce qu’il a été remplacé par la poinçonneuse à ticket automatique. Pourquoi les guichetiers disparaissent dans les gares ? Parce qu’ils sont remplacés par des billetteries automatiques. Et les caissières dans les supermarchés ? Par les caisses automatiques. Et les comptables ? Bientôt peut-être par l’intelligence artificielle…

L’innovation est un facteur important de notre économie. Elle a permis d’améliorer les processus de production et d’augmenter la productivité ce qui a permis aux salariés de travailler moins et de produire plus. Elle nous a permis également d’avoir accès aux énergies, de nous déplacer et de mieux nous soigner. L’économiste Schumpeter (1883-1950) a mis l’innovation au cœur de sa théorie. Pour lui, cette dernière expliquait les cycles de l’économie. Selon lui, les innovations viendraient apporter une sorte de tempête sur l’économie. De la sorte, on assisterait à une « destruction-créatrice ». Les anciennes techniques disparaitraient au profit de nouvelles. Dans la foulée, des emplois seraient détruits et d’autres viendraient à naitre.

L’innovation a donc permis de créer des machines qui ont remplacé les humains mais d’autres emplois ont été créés pour notamment concevoir et entretenir les nouvelles machines. Théoriquement, cela devrait être une bonne chose puisque les humains sont soulagés de tâches difficiles et peuvent profiter de la vie en faisant autre chose. Suivant ce raisonnement, il faudrait généraliser les robots à tous les métiers. D’ailleurs, les apôtres de l’IA prévoient que 60% des emplois pourraient finir par être remplacés par l’IA. Excellente nouvelle, nous allons pouvoir travailler moins et profiter de la vie.

CHÔMAGE TECHNIQUE

Sauf que le mode de fonctionnement de l’économie est différent. Nous vivons dans le capitalisme. Pourquoi les salariés ont été remplacés par des machines ? Parce qu’ils coûtent plus chers que les machines. Dans tous les pays où la main d’œuvre est peu chère alors les emplois demeurent. Les machines sont exploitées à partir du moment où elles permettent de baisser les coûts. Aucunement, elles n’ont vocation à nous permettre d’avoir plus de temps libre. En réalité, l’innovation a détruit un certain nombre d’emplois de services de base mais elle pourrait bientôt s’attaquer au cadre avec l’IA et les robots. Est-ce à dire que cela nous permettra de ne plus travailler ? Rien n’est moins sûr. Par contre, elle devra nous obliger à être plus compétitif que la machine, comment ? Soit en étant plus performant ce qui est difficile car un homme a besoin quand même de dormir contrairement à une machine. Soit en étant moins cher, ce qui laisse présager d’une forme de précarisation des emplois. Les innovations permettront probablement de produire plus mais il est illusoire de penser qu’elles permettront de jouir plus du temps libre. Elles nous feront travailler moins certes mais de manière imposée, ça s’appelle le chômage technique. L’organisation capitalistique de notre économie fait que les entreprises cherchent constamment des nouveaux débouchés notamment en prenant des parts de marchés à leurs concurrents. Temps que cette logique sera présente, la question de la compétitivité sera l’alpha et l’oméga. Le reste comme le bien-être, la baisse du temps de travail à salaire égale n’est que secondaire.

L’innovation est devenue le couteau suisse des experts pour nous sauver de tout. Certes certaines innovations ont amélioré notre quotidien (four, machine à laver, internet,…) mais innovation ne rime pas constamment avec progrès social. Or, cela devrait être sa seule boussole.

 

Par Thomas Porcher