CHARLES ZNATY : « PERPÉTUER LA BIENVEILLANCE »

Charles Znaty medef technikart

Le concepteur de la « haute pâtisserie » entend décliner sa recette partout où il passe. Exigence, passion, solidarité et bienveillance sont au cœur de ses mandats de Président du MEDEF Paris et porte-parole du mouvement à l’échelle nationale. Portrait d’un patron fier de sa marque de fabrique.

Quel était votre parcours avant de devenir la référence de la « haute pâtisserie » en co-fondant le groupe Pierre Hermé Paris ?
Charles Znaty : Très jeune, j’ai commencé à travailler en tant que rédacteur dans une agence du groupe Havas, qui faisait ce qu’on appelait à l’époque de la communication institutionnelle. J’ai appris ce métier sur le tas, dans différentes agences du groupe Havas, avant de monter une filiale de design pour l’agence franco-américaine Leo Burnett. Je ne connaissais rien au Design mais grâce aux designers de renoms desquels je m’étais entouré, je m’en suis pris de passion. Et avec le recul, ce qui a émaillé mon parcours et ma carrière, ce sont ces rencontres avec des créateurs. Parmi ces créateurs, j’ai rencontré un pâtissier, Pierre Hermé, qui travaillait alors chez Fauchon. Et de nos échanges, de notre amitié, est née une entreprise que nous avons co-créée, et qui est devenue par la suite la maison Pierre Hermé Paris.

Dans votre carrière, vous avez tour à tour dirigé une agence de com’ spécialisée dans le design, co-fondé une célèbre enseigne pâtissière, participé à la création de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et vous êtes désormais représentant du MEDEF… Quel est le fil conducteur derrière toutes ces expériences ?
En effet, dans ma carrière, je me suis occupé de nombreuses entreprises très différentes les unes des autres. Une organisation de niveau international qui supervise toutes les activités nucléaires – du dentiste qui vous fait un panoramique sans vous irradier la thyroïde, jusqu’à la centrale qui alimente des villes entières – n’a rien à voir avec la confection de macarons. Mais le fil conducteur, pour moi, c’est la notion de marque ; le fait que des produits puissent s’y incarner. Aujourd’hui, c’est très à la mode de parler de l’ADN d’une marque, alors même que l’objet n’a rien de vivant. Le vivant a son propre sens ; une marque, elle, c’est un objet plastique, une sorte d’argile, de glaise qu’on peut façonner à sa guise. Les précurseurs de ces dernières, qui ne sont d’ailleurs qu’un attribut récent du commerce, ce sont évidemment les artisans et les compagnons qui signaient leurs créations. Malheureusement je ne suis pas doué de mes mains ; et pour toucher à ce désir de créer, la marque est l’instrument que je me suis approprié. C’est cette partie-là qui m’intéresse.

Pourquoi avoir voulu intégrer le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ?
Comme beaucoup de choses dans ma vie, ça a été le fruit d’une rencontre. En l’occurrence, celle de Rémy Robinet-Duffo qui était alors Président du MEDEF Paris. À cette époque, j’étais un petit patron empêtré dans mes problèmes de fins de mois, de staff, de développement commercial, de discussion avec les banques ou l’administration ; et Rémy, qui était une personne extrêmement bienveillante, a pris le temps de me dire des choses simples mais qui font du bien à entendre quand on est tout seul face à ses problèmes. Le fait de pouvoir simplement échanger et casser l’isolement du chef d’entreprise dont je souffrais, fut une véritable bouée de sauvetage. Le MEDEF m’est alors apparu comme un petit cocon. Un endroit où l’on n’attendait rien de moi mais où je pouvais rencontrer des gens avec qui je partageais les mêmes préoccupations, les mêmes problèmes. J’y trouvais également des personnalités aux trajectoires inspirantes, avec qui on pouvait échanger de manière généreuse. Inutile de vous dire que pour un garçon de Casablanca, se retrouver au milieu de petits, moyens et grands patrons avec des personnalités qui en imposaient pour certains, c’était impressionnant au début. Et puis très vite, je me suis rendu compte que c’était un environnement horizontal. On a commencé à me proposer de participer à des groupes de travail et, petit à petit, je suis devenu administrateur du MEDEF Paris, jusqu’à mon mandat actuel de Président. J’essaie de perpétuer ce que j’ai reçu ; de la bienveillance, de l’entraide, de la solidarité, que ce soit de la part de l’organisation ou plus simplement de ses pairs.

Comment le mouvement parvient-il à être représentatif de toutes les dimensions patronales françaises ?
La force du MEDEF est d’être constitué d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs, avec des entrepreneurs qui ont des expériences différentes, des âges différents, parfois d’intérêts différents. Mais au-delà de ces différences, ils partagent l’ambition de participer à la promotion d’une croissance responsable, ils s’engagent pour être des acteurs de la cohésion de la société, ils se battent pour l’intérêt économique supérieur du pays. Je crois que ce qui fait la richesse d’une organisation c’est en effet sa diversité. Je crois que c’est de la différence que naît une certaine effervescence, une certaine énergie, une certaine créativité. Ce qui m’intéresse, c’est par exemple de mettre autour de la table des patrons d’entreprise familiale et des jeunes issus de l’écosystème des startups ; de les faire échanger, dialoguer, réfléchir ensemble et éventuellement faire évoluer leurs propres convictions. Cette diversité et cette ouverture du mouvement, elle se retrouve aussi du côté de la féminisation, en allant convaincre les entrepreneuses de nous rejoindre et en les promouvant, notamment via notre club Femmes du MEDEF, qui regroupe des milliers de participantes. Elle se retrouve aussi avec notre volonté d’accueillir les jeunes créateurs d’entreprise dans notre Comex40 qui met en valeur la réussite entrepreneuriale des nouvelles générations. Et puis la diversité s’exprime également dans les parcours. Au MEDEF, il y a des exemples absolument notables du fonctionnement de l’ascenseur social. Avoir toutes ces origines différentes est pour moi une vraie fierté.

Si vous n’êtes pas un parti, vous avez tout de même fixé pour le Mouvement un cap et une orientation, quels sont les combats qui restent à mener ?
J’ai pris mes fonctions de président du MEDEF Paris une semaine avant le COVID, en disant à tous les membres du conseil d’administration que je voulais mettre l’accent sur trois axes : la transition écologique, la transition sociale et la transition digitale. Je crois que ces axes sont plus que jamais pertinents. Toutefois, ce qui est intéressant, c’est que je pensais devoir mener un gros travail de persuasion. Or, je me suis assez vite aperçu que j’enfonçais des portes ouvertes. Une entreprise, c’est des collaborateurs, des clients et un patron. Les aspirations à un mieux vivre les concernent au premier chef. La plupart des adhérents du MEDEF n’ont pas attendu que ces sujets soient à la mode pour s’en préoccuper. D’ailleurs, si on regarde la question des enjeux environnementaux, il n’y a pas à rougir du bilan de la France. Les mauvais élèves, ce n’est pas nous. On peut sûrement faire mieux, mais on donne une direction, une inspiration. Vous savez, pour être patron, il faut nécessairement être optimiste. S’il y a bien quelque chose que l’on peut incarner c’est ça.

Un projet qui vous motive ?
Le premier s’appelle Dengo, qui en portugais veut dire bienveillance, affection. Je me suis associé à cette initiative qui est née au Brésil, il y a sept ans dans la tête d’un homme qui s’est ému de la situation des planteurs de cacao ; une culture qui ne permet pas de vivre décemment du produit de la revente des fèves. L’idée est de rémunérer les fermiers à un prix largement au-dessus de celui du marché, en échange de quoi le producteur applique un cahier des charges d’impact social et environnemental positif. Plus cet impact est élevé, plus le prix l’est aussi. Ce chocolat fermier, comme je l’appelle, il compte 50 boutiques au Brésil et deux à Paris en plus d’un eshop. Ce projet je l’aime parce qu’il est à la fois bon à manger et parce qu’il contribue à changer le monde du chocolat qui, malheureusement, s’enracine souvent dans l’exploitation de la misère, notamment avec le travail des enfants et de la déforestation. Rien de cela chez Dengo. On essaie de faire levier sur le restant de l’industrie pour dire : « regardez, c’est possible. Faut juste s’y mettre ». Et puis le deuxième, c’est l’université d’été du MEDEF, la Rencontre des Entrepreneurs de France (La REF). C’est le plus grand rassemblement d’entrepreneurs de France et le rendez-vous incontournable de la rentrée de septembre. Patrick Martin, le président du MEDEF, m’a demandé de contribuer à en faire un événement ouvert à tous les entrepreneurs, un événement qui montre la vitalité et l’engagement de nos entreprises et de nos adhérents, un événement qui fait émerger des idées nouvelles mais aussi un évènement festif et fédérateur. Je me consacre à ce projet avec passion car c’est enthousiasmant de montrer la richesse et la diversité de nos entreprises. Moi, ce qui me fait me lever le matin, c’est la création de projets et les gens avec qui je les mène. Je crois bien que cela correspond à la vision que Patrick Martin a de notre organisation.

 

Par Benjamin Cazeaux-Entremont