Hanté par des zombies onanistes, des spectres facétieux et des cannibales nécrophiles, le festival Gérardmer a célébré la vitalité du genre et récompensé cette année un premier film hypnotique et radical.
Après une orientation un peu arty avec des elevated horror un poil fumeux, le festival du film de fantastique de Gérardmer a présenté pour sa 32e édition une des sélections les plus solides de ces dernières années. Au programme, des avant-premières comme Presence de Steven Soderbergh, la découverte de la V Horror (films d’horreur vietnamiens) avec des œuvres aussi insoutenables que KFC (que l’on peut découvrir aux Éditions Spectrum), un hommage à l’excellent Ti West avec la projection de la trilogie X (X, Pearl, Maxxxine)… La compétition regroupait neuf longfs-métrages et le jury de la comédienne Vimala Pons a récompensé la proposition la plus radicale du festival, In a violent Nature, premier film du Canadien Chris Nash. À la manière d’un Béla Tarr ou d’Elephant de Gus Van Sant, le jeune cinéaste filme un énorme psychopathe de dos, déambulant sans fin dans une forêt, à la recherche de proies à massacrer, et s’attarde parfois sur des supplices d’une incroyable inventivité. Grâce au format carré de l’image 1. 33, aux cadrages à la symétrie inquiétante, à la déambulation du monstre qui évoque parfois les jeux vidéo en open world, l’image se fait hypnotique et le film se transforme en expérience sensorielle. Si l’intrigue est secondaire (comment faire passer la tête d’une femme à l’intérieur de son propre abdomen ?), In a violent Nature devient bientôt mythologique quand il suit pas à pas cette réincarnation de Jason dans les Vendredi 13, cette force cinématographique brute qui pulvérise tout sur son passage, déconstruit le genre pour mieux le réinventer. Un très grand film, véritablement tripal, à découvrir en mars sur la plateforme Insomnia, même si le passage sur le petit écran devrait minimiser, voire amputer l’impact de l’œuvre.
Récompensé par le jury jeunes et la critique, Les Maudites (The Wailing) est également un premier long-métrage, signé de l’Espagnol Pedro Martin-Calero. Coécrit par la scénariste de l’immense Rodrigo Sorogoyen, le film raconte le destin tragique de femmes persécutées par un spectre sur plusieurs générations. Très habilement, le jeune réalisateur mélange les époques, montre seulement le fantôme via des écrans (téléphone, ordinateur…) et génère une trouille atomique, même si la pression retombe quelque peu dans la seconde partie de cette œuvre ambitieuse sous influence lynchienne. Prix du public, Oddity est de facture plus classique, avec meurtres de femmes, méchant mari, dément bouffeur d’orteils et Golem rédempteur. Le film offre quelques belles scènes de terreur mais patauge dans un académisme d’un autre temps. Dommage…
Après cinq jours de gore et d’amour, le festival a tiré sa révérence devant un public, toujours plus nombreux, ravi de ce marathon de l’horreur sans cesse renouvelé.
PALMARÈS DU 32ᵉ FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FANTASTIQUE
Grand Prix : In a violent Nature de Chris Nash
Prix du jury : Rumors de Guy Maddin, Evan et Galen Johnson
Prix du jury : Exhuma de Jang Jae-hyun
Prix de la critique : Les Maudites de Pedro Martín-Calero
Prix du public : Oddity de Damian McCarthy
Prix du jury jeunes : Les Maudites de Pedro Martín-Calero
Grand prix du court-métrage : Les Liens du sang de Hakim Atoui
Par Marc Godin