L’artiste Guillaume Bresson s’est fait connaître par ses fresques où scènes de rue et peinture figurative se rencontrent. Le château de Versailles lui consacre une rétrospective. Essentiel.
Ton processus de création te distingue de tes contemporains : tu commences par des photos préparatoires, puis tu composes tes toiles sur photoshop, avant de peindre sur des immenses formats. Quelle est ta genèse ?
Guillaume Bresson : Ça a commencé un peu par hasard. Je voulais représenter un mouvement de foule, et je ne savais pas comment y amener la vie. J’ai fait poser des amis, un par un, dans mon atelier. Puis, ce qui était juste une partie de la construction du tableau, a commencé à avoir un intérêt en soi. Maintenant, c’est presque le cœur de mon travail.
Ce travail de chorégraphie, de pose, tu le diriges ?
Mes ateliers se déroulent toujours plus ou moins de la même manière. Je présente mon art, j’essaye d’expliquer comment on raconte une histoire muette, avec le corps. Puis je les laisse poser. J’essaye de diriger le moins possible. C’est leur personnalité, leur façon d’être, qui influence la composition du tableau. Et selon l’âge des modèles, selon leur origine sociale, selon leur genre, ça peut partir dans des directions complètement différentes.
Ta première série, réalisée juste après les Beaux-Arts, porte sur les violences urbaines. Pourquoi choisir ce sujet ?
C’est venu naturellement. À Toulouse, j’étais graffeur. Je baignais dans la culture hip-hop. Les clips de rap, les films de mafia, ça nous influence quand on a 22 ans. Et tous les personnages qui sont dans ces tableaux-là sont mes amis avec qui j’ai grandi. Ça n’était pas conscient à l’époque, mais c’était déjà sensible de ramener ces corps-là dans le champ de la représentation artistique.
Christophe Leribault, le nouveau président du château de Versailles t’a invité à exposer à Versailles, en partie dans les salles d’Afrique, au milieu des œuvres d’Horace Vernet, rarement montrées au public…
J’ai accepté d’exposer dans ces salles, parce que ces grandes fresques à la gloire de ces conquêtes coloniales étaient presque de la propagande. Et avec le regard contemporain, elles sont devenues des pièces à conviction. Ça nous dit aussi qu’en fonction des époques, le regard change le contenu même des œuvres. C’est le spectateur qui finit l’œuvre, qui finit le récit.
Pourquoi avoir choisi d’y exposer ta série sur les violences urbaines ?
Pour que les tableaux se télescopent par leur violence. Ça renforce le contraste entre mes œuvres et celles d’Horace Vernet. Il peint les puissants, les grands généraux, dans de grands cadres dorés. Moi, je peins les anonymes, les marginalisés, dans une scénographie de béton brute imaginée par Antoine Fontaine, qui travaille régulièrement avec l’Opéra de Paris.
Tes tableaux sont sans titre, et l’exposition contient très peu de cartels.
Oui, à l’inverse des peintres classiques ou les peintres du XIXe auxquels ma méthode pourrait ressembler, je ne travaille pas d’après un récit qui existe déjà. Une bataille particulière, l’histoire de tel héros mythologique. Tout part de ce que mes modèles proposent avec leur corps. Placés dans un décor que j’ai choisi, ça raconte quelque chose, mais je ne sais pas vraiment quoi. C’est très abstrait, et mettre un titre fermerait le sens de tout ça.
C’est ta première rétrospective. Quel effet cela te fait-il de voir toutes tes œuvres rassemblées ?
C’est presque le plus important de l’exposition pour moi. Comme je peins très lentement, j’expose mes œuvres trois par trois, au maximum. On a récupéré certains tableaux qui étaient restés dans des salons pendant 15 ans…
Lorsque tu n’exposes pas à Versailles, tu es à New York. Quels seront tes prochains projets ?
J’ai toujours plusieurs séries en même temps. Je travaille sur deux grands formats pour ma série « Los Angeles », que j’ai commencée en 2021. Et j’ai une commande pour l’église Saint-Eustache. Un très grand format qui va répondre à un tableau de Simon Vouet, présent dans l’église.
Guillaume Bresson Versailles, du 21 janvier au 25 mai au château de Versailles (78000)
Par Adèle Thiery
Photo Axel Vanhessche