MATTHIAS BACCINO : « BRISER LE TABOU DE L’ARGENT ! »

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Directeur Commercial Européen de Trade Republic depuis mai 2023, Matthias Baccino s’attache à créer une banque plus juste. Ancien trader, il cherche aujourd’hui à relooker le secteur financier et son jargon pour le rendre plus accessible. Son mojo ? L’argent, c’est simple.

Le 14 novembre, vous avez sorti un livre titré Prenez votre argent en main. Dans sa promotion, vous dites vouloir lever le tabou autour de l’argent. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Matthias Baccino : La majorité des Français sont malheureux à cause de l’argent. Ils ressentent de la frustration, de la peur, de l’angoisse, un sentiment de ne pas être en contrôle, de ne pas comprendre. Ce ne sont que des émotions négatives, exacerbées par le fait de ne pas en parler. Si on en discutait plus librement, on se rendrait compte que les gens autour ont les mêmes problèmes. Mais l’argent fait partie de ces sujets qui sont un angle mort de notre société, on ne peut pas en parler. Avec ce livre, je cherche à dépassionner, dédramatiser le sujet. Et surtout à rappeler que c’est un sujet simple. J’ai sincèrement envie que les gens comprennent que le problème avec l’argent, c’est un problème émotionnel. On présente l’argent comme un sujet purement intellectuel, technique, un peu comme une matière à l’école. Alors qu’en fait, c’est un sujet d’expérience. On apprend à gérer petit à petit, à prendre les bonnes décisions…

Pourquoi un livre comme celui-ci aujourd’hui ? 
La situation économique en Europe change, qu’on le veuille ou non. La population européenne vieillit. On est de plus en plus nombreux, on est de plus en plus vieux. Or le système économique européen est basé sur le fait que ceux qui travaillent payent pour ceux qui ont besoin de protection. C’est très bien, c’est ce que je veux aussi ! Je crois que la solidarité collective, c’est ce qui fait une société aussi plus avancée. Je ne veux pas qu’on soit des Américains où trône le « chacun pour soi et on est tous dans la merde ». En revanche, quand une population vieillit, on est obligé d’optimiser un peu. Exactement comme la transition écologique. Il y a 50 ans, laisser les robinets d’eau couler, c’était pas très grave. Parce qu’à l’époque, on pensait qu’on en avait plein de l’eau, on ne savait pas quoi en faire. Aujourd’hui, personne ne laisserait couler le robinet pendant trois minutes pendant qu’il se brosse les dents. L’argent, c’est pareil. Aujourd’hui, il fuit de tous les côtés. Il y a des centaines de milliards d’euros gaspillés d’argent des foyers, des gens. C’est ça qui doit changer, sinon l’Europe va s’appauvrir. Et moi je ne veux pas que ça arrive parce que quand on s’appauvrit, on a moins de bande passante pour accomplir des projets humains, philosophiques, pour le progrès social.

« L’ARGENT EST UN PROBLÈME ÉMOTIONNEL, PAS INTELLECTUEL. »

 

Vous dites que l’argent fuit. Où ça ?
La plus grosse fuite, ce sont les intérêts des banques. On parle de 95 milliards d’euros par an de frais sur les foyers français. D’autant que pour lutter contre l’inflation, les comptes bancaires ne rapportent rien. Alors que pour la banque, ça rapporte. Votre argent, qui dort ? Il ne dort pas pour la banque. L’autre élément, c’est les crédits à la consommation. Ils représentent 20 milliards d’euros par an d’intérêts payés par les gens. Mais qui a besoin de faire appel aux crédits à la consommation ? Les pauvres. Donc dans ce système où 85% de la population n’a pas d’éducation financière et n’a pas accès, dans les banques traditionnelles, à des bons services, les choses n’avancent pas. C’est pour ça qu’il faut en parler.

Certains prennent la parole sur le sujet. Je pense notamment aux nombreux influenceurs qui conseillent d’investir sur les réseaux…
Les créateurs de contenu, c’est toute une histoire. Certains ont profité de l’absence d’éducation financière des Français pour lancer des arnaques, surtout lorsqu’est arrivée la vague d’intérêt autour des cryptomonnaies. Mais aujourd’hui, il y a des repères simples pour identifier un créateur de contenu de qualité. Tu peux rapidement savoir si quelqu’un a été certifié par l’autorité des marchés financiers. L’AMF, c’est le régulateur, la police de l’épargne, de l’investissement. D’un autre côté, l’Autorité de Régulation de la Publicité, et l’AMF, ont créé ensemble un certificat de créateur de contenu en matière financière. Et enfin, de plus en plus de créateurs de contenu passent tout simplement le diplôme de CIF, conseiller en investissement financier. Dans mon livre, je liste tous ceux qui, à mon sens, ont appris vraiment tout ce qu’il y a à savoir, et ont décidé qu’ils n’allaient pas juste entuber 200 personnes dans leur cabinet de gestion de patrimoine. À mes yeux, une fois que tu suis ces comptes-là sur les réseaux sociaux, comme tu es naturellement attentif sur ton feed, ton éducation financière, tu la fais sans même t’en rendre compte.

D’où vous vient cette envie d’aider ?
Lorsque j’étais enfant, ça a été un problème énorme. Ma mère était surendettée et en a beaucoup souffert. Quand, à 12 ans, les huissiers viennent à ta maison et vident tout, tu ne le vis pas très bien. Je n’étais pas Causette non plus, mais une des raisons pour lesquelles je suis arrivé en finance, c’est aussi parce que je ne voulais pas que ça m’arrive. Et même alors que j’étais trader, j’ai mis des années à gérer mon argent correctement. Je cherchais toujours à plaire, à offrir. J’ai longtemps dépensé plus que ce que je gagnais. C’est ce qui m’a aidé à écrire ce livre, mais aussi pour Trade Republic. Je suis à la fois un connaisseur du sujet, car je bosse dans la finance depuis quinze ans, mais j’ai aussi une compréhension de la situation du Français moyen.

Vous êtes directeur européen de Trade Republic. C’est une autre manière d’aider, de recentrer la banque sur les usages du Français moyen ?
Je suis ravi de ma place, parce qu’en sept ans à être trader en salle des marchés, j’ai eu une activité rémunératrice, mais je ne me sentais pas utile à la société, ça me frustrait. Au début, ce métier m’a rendu fier, parce que j’avais eu le sentiment de progresser socialement, mais c’était un écosystème assez malsain, très viriliste. Avec Trade Republic, j’ai la sensation de faire quelque chose d’intérêt général. Le pari fou de cette banque, c’était d’aller chercher tous les professionnels de la finance, pour leur tordre le bras en disant « nous aurons des millions de clients, si vous voulez y accéder, il faudra rendre vos services accessibles ». C’est comme ça qu’on a réussi à construire une offre si peu chère. Mais c’était risqué, on aurait pu ne pas avoir suffisamment de client d’un coup. Heureusement, ils ont été au rendez-vous, et aujourd’hui on est huit millions.

www.traderepublic.com

 

Par Adèle Thiéry
Photos Axel Vanhessche