LE POINT PORCHER : 109 MILLIARDS POUR VOS PROMPTS

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Depuis que notre Président est retombé dans ses anciens travers du « quoi qu’il en coûte » version I, Robot, on hésite entre prendre un abonnement Business Mistral AI ou se reconvertir en brouteurs. L’économiste le plus smart de France nous répond. 

Légende photo : SON PROJET_ 109 millards, a annoncé Emmanuel Macron. C’est le montant investi par des entreprises privées pour le développement de l’Intelligence artificielle. Pas mal, hein ? C’est français – enfin, presque : « Ce montant recouvre notamment un centre de données sur un campus IA financé par les Émirats arabes unis » nous apprend info.gouv.fr).

Pendant la grande messe que fut le sommet de l’IA à Paris, nous avons pu apprécier les articles et commentaires des journalistes technophiles qui, tels des évangélistes, prônaient la bonne parole. L’IA va régler la question du réchauffement climatique nous dit-on, guérir les cancers, augmenter la productivité, libérer l’homme de tâches difficiles… Bref sauver le monde.

Cet enthousiasme pourrait être partagé par tous si on ne nous avait pas déjà fait maintes fois le coup. Dans leur excellent livre Pouvoir et progrès – Technologie et prospérité, notre combat millénaire, les économistes Daron Acemoğlu et Simon Johnson nous rappellent que déjà dans les années 1950, à la suite de la conférence organisée au Dartmouth College et financée par la Fondation Rockefeller, conférence qui est à l’origine du terme « intelligence artificielle », de folles promesses avaient été faites, comme celle de l’économiste Herbert Simon qui avait affirmé « que les machines seront capables d’ici 20 ans de faire n’importe quel travail qu’un homme peut faire ». 70 ans plus tard, ce n’est toujours pas le cas…

SURCROÎT D’OPTIMISME

Nous avons connu exactement le même enthousiasme avec Internet. Souvenons-nous, Internet devait nous aider à mener la transition écologique, la fusion entre Internet et les énergies renouvelables devait être le pilier de la troisième révolution industrielle, nous répétait-on. Résultat, Internet et les machines qui y sont associées s’avèrent plus polluantes que prévu, les énergies fossiles non conventionnelles, comme les très polluants gaz et pétrole de schiste, se sont développés dans le pays des GAFAM. On nous a également dit qu’Internet permettrait d’avoir accès à des données bibliographiques énormes et, résultat des courses, nous passons un temps fou à scroller des vidéos de chat – dans le meilleur des cas – ou des vidéos débiles – dans le pire des cas. Internet devait améliorer fortement la productivité, et aujourd’hui les économistes peinent à voir ces améliorations dans les statistiques. Le résultat final est qu’Internet est partout dans nos vies, les patrons des différentes applications sont devenus milliardaires, mais on peine tous à voir en quoi cette technologie a amélioré le monde.

Dans l’histoire, il y a toujours eu un surcroît d’optimisme concernant l’innovation. Si elle est importante, et nous en convenons tous, mal orientée, elle peut finir par enrichir quelques personnes aux dépens de la majorité d’entre nous. Si l’IA est utilisée pour se substituer à des emplois dont les tâches sont jugées automatiques, alors elle s’attaque à une partie des travailleurs dans le but de diminuer les coûts et d’enrichir une minorité de personnes (comme les actionnaires de ces boîtes). Idem, si l’IA a pour but de nous maintenir sur sa plateforme en faisant des multiples recherches pour tout et rien afin de nous vendre de la publicité, alors elle profitera également à une minorité. À l’inverse, si l’IA est utilisée pour compléter le travail humain plutôt que le remplacer, alors elle pourrait avoir un impact positif. Le bien commun ou les intérêts particuliers ? Pour éviter un cas Musk bis – milliardaire de la tech mettant son argent et son réseau social au service de son idéologie – il faut que l’État finance une IA française, la protège de la concurrence mais aussi, et surtout, l’oriente et la règlemente pour qu’elle soit au service de tous.

 

Par Thomas Porcher