LE POINT PORCHER : PAS TOUCHE À MA TVA !

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Qu’il est dur d’être riche. Dans un pays où nos amis les milliardaires trouvent qu’ils participent trop au financement du service public, certains voudraient plus d’impôts proportionnels comme la taxe sur la valeur ajoutée (payée à égalité par 100 % des Français) que d’impôts progressifs. Vous êtes perdu ? L’économiste le moins régressif de France nous explique.

Légende photo : ONCLE BAYROU_ À chaque nouveau gouvernement, le serpent de mer de la TVA revient dans les débats. Dernier coup d’éclat de notre François national ? L’adoption (dans le budget 2025 de l’État) puis la suspension de la TVA pour les petits auto-entrepreneurs. Passera, passera pas ? La suite au prochain numéro…

Chaque année, on a droit dans tous les journaux économiques à des articles nous expliquant que la France est le pays le plus taxé au monde. Ces articles entraînent des émissions de débats et des heures de discussions à la télé où l’on vous explique que cette situation nuirait à la compétitivité et ferait fuir les meilleurs entrepreneurs. Bien que dans les travaux économiques, il n’y ait pas de consensus avéré entre le niveau de fiscalité et l’activité économique ; bien que dans le classement des hommes et des femmes les plus riches au monde, la France, petit pays à la fiscalité lourde, a pu remporter, certaines années, la médaille d’or dans la catégorie masculine et féminine ; bien que la fortune des 500 ménages les plus riches en France ait pu être multipliée par cinq en dix ans, l’argument de la fiscalité qui serait un poids pour l’économie est toujours mis en avant dans les débats médiatiques et largement accepté par tous.

Bien entendu, personne ne parle de ce que financent ces impôts et personne n’avance que toute comparaison sérieuse sur les niveaux de fiscalité devrait mettre en face les services publics qui y sont associés. Eh oui, en face d’un impôt, il y un service public et une protection sociale. Quand un Français entre dans un hôpital, on lui demande sa carte vitale, alors que dans d’autres pays, on vous demande votre carte de crédit. Partout où les impôts sont faibles, la protection sociale est remplacée par des assurances privées. Dans tous les cas, privé ou public, il faut bien avoir conscience que l’argent sort de votre poche, soit elle se fait par l’impôt, soit elle se fait en payant une assurance privée. À la fin tout le monde débourse. L’avantage avec la fiscalité est le côté redistributif qui réduit les inégalités. Par exemple, alors que les 10 % des plus riches disposent de 18 fois plus de revenus que les 10 % les plus pauvres, cet écart passe à 6,7 fois après prélèvement et redistribution, et à 3 une fois les services publics pris en compte. À l’inverse, dans un pays à faible fiscalité, ceux qui ont les moyens contractent des assurances privées et les autres non, ce qui augmente les inégalités. D’ailleurs, aux États-Unis, 2 millions d’Américains font faillite à cause de factures médicales.

FAIRE PAYER TOUT LE MONDE

Dans ce contexte où tout le monde est conscient que l’impôt est nécessaire pour financer le service public, les plus fortunés n’ont pas intérêt à ce que cet impôt soit progressif, c’est-à-dire qu’ils paient plus que les pauvres. C’est pour cela qu’ils défendent ce qu’on appelle des « impôts plats » (flat tax) c’est-à-dire des impôts proportionnels plutôt que progressif. La TVA en est un. Lorsque vous achetez un bien, vous payez 20 % de TVA. Tout le monde paie la même taxe, quel que soit son revenu. Par exemple, la personne la plus riche de France paie la même TVA sur un litre d’essence que la personne la plus pauvre. Cet impôt ne modifie pas la distribution des revenus et, en pourcentage de revenus, pèse plus sur les pauvres que les riches. On peut donc qualifier la TVA d’impôt régressif car, comme le rappelle un rapport du conseil économique et social « chaque ménage consacre 5,3 % de son revenu au paiement de la TVA. Pour les 10 % les plus pauvres, ce taux est de 8,1 % et pour les 10 % des plus riches, il n’est que de 3,4 % ». Mais comme tout le monde est taxé, cet impôt rapporte énormément, près de la moitié des recettes fiscales de l’État français ! Plus simple de faire payer un peu tout le monde que de réfléchir à une contribution plus juste de certains.

Par Thomas Porcher