Leader, depuis 130 ans, de l’industrie de l’image, la marque de produits électroniques et électroménagers Thomson se relance en grande pompe. Alexis Rolin, Directeur marketing Europe de la marque nous explique. Interview haute définition.
Vous êtes arrivé à ce poste en 2023. Comment envisagez-vous le renouveau de Thomson, marque depuis longtemps implantée en Europe (le siège de la Maison est à Vienne, ndlr) ?
Alexis Rolin : Après avoir fait une grande partie de ma carrière dans de grosses machines et passé beaucoup de temps en process et réunions, j’avais envie d’un projet qui m’offrirait une agilité que les grands groupes n’ont plus, avec la possibilité de réaliser quelque chose de nouveau. J’ai travaillé, pendant de nombreuses années, avec les groupes asiatiques. Ce poste me permet de développer une approche plus européenne, de comprendre le consommateur local, qu’il soit français, espagnol, italien, belge ou polonais. Et c’est beaucoup plus valorisant. Chez Thomson, nous demandons aux utilisateurs ce dont ils ont besoin au lieu d’appliquer la même stratégie à tout le monde. Nous n’innovons pas pour innover, mais pour répondre à des besoins intelligibles.
La marque à plus de 130 ans et a toujours été très attachée à son expertise dans l’image. Est-ce toujours le cas ?
C’est exact, Thomson a été un des premiers inventeurs de la télévision en couleurs, leader dans l’industrie de l’image dans les décennies 1960, 1970 et 1980. La marque a contribué au lancement du DVD, ce qui en a fait, à l’époque, d’un des acteurs principaux du monde de l’image. De plus, la marque est très bien perçue par les consommateurs européens, on peut même aller jusqu’à dire qu’il y a un attachement affectif.
Quel est votre position vis-à-vis de la concurrence ?
Le mot d’ordre, c’est se différencier. Il y a déjà pas mal d’acteurs dans ce domaine et si vous arrivez avec le même produit, les mêmes offres sur le marché, quel est l’intérêt ? Nous avons une approche européenne, à l’écoute des consommateurs, comme je le disais. Nous regardons beaucoup ce que les autres marques ont laissé tomber, ce qu’elles n’osent pas faire pour des raisons économiques, etc.
Aborder les choses différemment pour attirer le client, en quoi ça consiste ?
Être différent, c’est par exemple faire du 12 volts en 24/32 pouces pour les camping-cars. Le marché du véhicule de loisir est gigantesque, c’est 100 000 camping-cars par an en France, tous équipés d’une télé, et aucune autre marque ne le fait. C’est aussi faire une télé blanche. Nous avons tout un line-up qui va du 24 au 55 pouces, avec de la HD, du Full HD, de l’UHD et bientôt, du Qled.
Pourquoi une télé blanche ?
Les clients en ont marre d’avoir des gros produits en plastique noir dans leur salon ou leur chambre. Une télé blanche, c’est plus joli, ça s’intègre mieux dans la pièce. Les autres marques ne le font plus, parce que ça coûte cher à produire, il faut changer le moule, arrêter la production… d’un point de vue industriel, ce n’est pas idéal. Nous en vendons des palanquées !
Et en termes d’innovations ?
Nous avons mis en place, sur nos téléviseurs – haut de gamme et entrées de gamme – un pied central pivotant. C’est une innovation qui s’inspire en réalité de l’approche design initiée par Philippe Starck pour Thomson au début des années 1990. Les données techniques n’intéressent pas la plupart des utilisateurs. Par contre, qu’on leur propose un téléviseur blanc, qu’ils trouvent beau et qui irait bien dans leur salon ou leur chambre à coucher, ça les intéresse. En ajoutant ce pied central pivotant, l’utilisateur peut regarder sa télé depuis son canapé, puis depuis sa table… La télévision devient un accessoire manoeuvrable et qui répond à un chiffre : 50 % des consommateurs posent leur téléviseur sur un meuble… Parmi les petits plus pour le confort des utilisateurs, nous avons aussi des télécommandes rétro-éclairées ultra-premium, qui permettent de voir les touches dans le noir. Les autres marques ont fait des économies de bout de chandelle sur cet accessoire, pourtant, la télécommande, c’est le seul lien physique avec son téléviseur. Enfin, on se différencie aussi par nos services après-vente dans chaque pays, notamment en France, nous sommes la seule marque à offrir trois ans de garantie d’office sur tous les produits et sans avoir à s’inscrire parce que l’on croit la fiabilité de nos produits, à cette durabilité.
Philippe Starck, directeur de la création artistique de Thomson en 1993, avait aussi, à l’époque, conçu une télévision inclinée, la Zeo qui pouvait s’incliner. Vous pensez un jour ressortir ces produits iconiques ?
On y réfléchit, oui, toujours avec cette notion d’usage. Finalement, la Zeo inclinée a été pensée en fonction de l’usage : lorsque je suis assis dans mon canapé, je la regarde en me tenant droit, mais quand je suis allongé dans mon lit, je l’incline pour mieux la regarder.
La télé sur pied, pivotante… C’est un héritage de la Zeo donc ?
Oui, puisque dans cette même optique, nous venons de sortir un produit très innovant, une télé sur batterie et sur roulette, la Thomson GO TV. C’est la télévision qui vous suit partout du salon, à la cuisine ou dans la chambre ou sur la terrasse. Cela évite d’avoir une télévision dans chaque pièce. C’est un 32 pouces avec une autonomie de 4 heures, bien sûr elle est Android télé.
Vous vous attachez à des détails que vos concurrents abandonnent pour des raisons économiques. Comment parvenez-vous à obtenir ce rapport qualité/prix ?
Grâce à cette innovation utile, compréhensible et accessible, quand l’on va directement à l’essentiel de ce que l’utilisateur veut. Alors, on arrive à obtenir des prix d’appel très intéressants. Par exemple, nous avons relancé la gamme Easy TV, des téléviseurs non connectés – alors que désormais le marché ne fait plus que ça. Certaines personnes n’ont pas besoin de Smart TV, puisqu’ils ont une box ou veulent juste regarder la télé. Si on enlève le module wifi, les licences, le prix baisse nécessairement…
La sortie de votre boîtier, la Thomson Streaming Box 240, c’est aussi une façon de vous adapter aux besoins de l’utilisateur avant tout ?
C’était surtout une approche de durabilité. Nous voulons être responsables. Ce boîtier s’adresse aux utilisateurs qui possèdent déjà une télévision dont ils sont satisfait, parce qu’elle a une bonne qualité d’image, etc., mais qui n’ont pas accès aux derniers services de streaming (Netflix, Apple TV…). Plutôt que de jeter leur téléviseur, et de dépenser de nouveau 700 euros, nous leur proposons ce boîtier de streaming, qui offre tous ces services.
Beaucoup de marques commencent leurs téléviseurs un peu haut de gamme à partir du 55 pouces. Vous, non.
Il n’y a plus de grandes marques qui font du 24 pouces. À nos yeux, tant qu’il y a des besoins ou une demande, nous devons être présents pour y répondre.
La suite pour Thomson ?
Il y a un axe que l’on souhaite aborder : le consommateur cherche toujours des écrans de plus en plus grands, sauf qu’un écran de plus en plus grand a un effet financier. Il coûte plus cher et il a un impact écologique, parce que ce sont des gros produits avec beaucoup de matériaux. C’est compliqué à transporter avec un bilan carbone évident. Mais une technologie est en train de vraiment bien s’améliorer, c’est celle de la projection. On travaille sur des gammes de projecteurs, nomades ou pas. Le marché est très concurrentiel, mais notre avantage c’est notre connaissance du monde de l’image, et la fidélité à notre base line : être technology friendly sans jamais délaisser l’innovation utile !
Entretien Serge Adam