À l’occasion de la 15e édition du festival Même pas peur qui présente des œuvres fantastiques et transgressives sur l’île de La Réunion, rencontre avec sa fondatrice, la réalisatrice Aurélia Mengin.
Quel est votre parcours ?
Aurélia Mengin : Je suis née en banlieue parisienne, mais on s’est installé à la Réunion quand j’avais quatre mois. Ma mère est Réunionnaise, mon père franco-allemand. À 22 ans, je suis partie à Paris pour continuer mes études. Je suis arrivée à la Sorbonne pour faire de la recherche en mathématiques mais au bout de six mois – probablement parce que j’avais été confrontée au racisme – j’ai arrêté et intégré une école d’acteurs, grâce à mon frère qui faisait le cours Florent. Très rapidement, je me suis intéressée à la mise en scène et j’ai commencé à écrire des pièces de théâtre et des courts-métrages. J’ai réalisé neuf courts, puis deux longs-métrages, mais je n’ai jamais eu d’aides.
Vous avez donc autoproduit tous vos films ?
Oui ! J’ai toujours fait comme cela, je suis une bête de boulot, je dors très peu ! Et je délègue très peu, je fais tout ! Pour Fornacis (2018), j’avais très peu d’argent, 50 000€, je l’ai produit avec mon père et ma mère, avec 13 jours de tournage. Pour Scarlett Blue (2024), j’avais un producteur mais il a lâché l’affaire…
Quelle est votre inspiration ?
J’ai une écriture automatique, des flashs, des images m’arrivent, et je tente de relier ces images. J’essaie de rester le plus proche des interrogations, de mes peurs, de mes questionnements de femme… Pour l’inspiration, j’aime David Lynch depuis toujours, ça me parle beaucoup, comme le cinéma de Luis Buñuel, que j’ai découvert grâce à mon père. J’aime également Terrence Malick, Yórgos Lánthimos, Alejandro Jodorowsky, certains films de Lars von Trier comme Antichrist, Dogville ou Nymphomaniac. Leurs œuvres me font du bien et j’adore le fait que ces metteurs en scène ne se demandent pas comment leurs films vont être réceptionnés par le public. Ils livrent avec honnêteté ce qu’ils sont. Ils me donnent du courage…
Et votre festival Même pas peur ?
En 2010, Olivier Rivière, maire de Saint-Philippe, dans la région du Sud sauvage de la Réunion, m’a demandée d’organiser un festival, avec Nicolas Luquet. Très vite, le public a adhéré. Avec le festival Même pas peur, on s’engage, on prend des risques, on sélectionne des films qui sortent le spectateur de sa zone de confort, dans le cadre du fantastique au sens large : avec de l’étrange, du cinéma d’horreur, poétique, LGBT, différent, surréaliste, anti-normes… C’est un lieu d’expo et d’espoir pour de nouvelles tentatives narratives, une ode au cinéma indépendant et novateur. Même pas peur est un acte de résistance culturelle, un espace de liberté et d’expérimentation, une oasis pour films difficiles, qui bousculent les codes, mais qui ont besoin d’être soutenus et surtout d’être vus.
Qu’en est-il de cette 15e édition ?
Nous avons sélectionnés 62 films, courts et longs métrages, avec en plus des projections pour les scolaires, des films d’animation pour les tout-petits, des présentations, des rencontres… Les films proviennent de 23 pays différents, des films parfois très engagés sur le corps dont Body Odyssey, par une cinéaste italienne. J’aime aussi beaucoup le film espagnol Mu, The Surfer, avec Nicolas Cage, Kryptic, premier long-métrage de la Canadienne Kourtney Roy ou encore le film coréen Exhuma avec des démons et des chamans, primé à Gérardmer.
Du 19 au 23 février, à Saint-Philippe, la Réunion
www.festivalmemepaspeur.com
Par Marc Godin