Un jeune couple se retrouve prisonnier d’un étrange lotissement de banlieue. Un cauchemar graphique doublé d’un film d’horreur marxiste
Comme son nom l’indique, Larcan Finnegan est Irlandais. Il a 40 ans, il aime la bière et les champignons hallucinogènes. Il aime également le cinéma et la découverte de Gremlins à cinq ans et du 2001 de Kubrick deux ans plus tard change sa vie. Après des études de graphisme à Dublin, il réalise en 2011 un court-métrage épatant, Foxes, inspiré du boom immobilier de 2006 en Irlande, puis de la crise de 2008 qui a jeté des milliers de personnes à la rue, qui se retrouvaient abandonnés dans des complexes pavillonnaires vides, inachevés, envahis par la nature. Il décide de transformer son court-métrage en long et imagine les grandes lignes de Vivarium. En panne de financement, il embraye avec Without Name, conte de fées psychédélique. Et parvient finalement à faire produire Vivarium quand l’excellent Jesse Eisenberg (The Social Network) accepte le rôle principal.
UNE MAISON POUR TOUJOURS
Des Femmes de Stepford à Get out, la banlieue a toujours été un terreau fertile pour l’horreur indicible. Ici, Tom et Gemma, un gentil petit couple bien conventionnel, sont à la recherche de leur première maison. Bientôt, ils effectuent une visite en compagnie d’un mystérieux agent immobilier dans un lotissement isolé, aussi étrange qu’ensoleillé : Yonder. Quand l’agent immobilier s’éclipse, le cauchemar commence. Le couple, pris au piège d’un labyrinthe de maisons toutes identiques, ne peut retrouver son chemin et doit s’installer dans la demeure-témoin. Un matin, on leur livre même un enfant dans une boîte qu’ils doivent élever ! Et si la maison de leur rêve se métamorphosait en prison, en mausolée ?
Vivarium, c’est d’abord la révélation du talent insolent de Larcan Finnegan. Pour ce cauchemar cotonneux, il s’inspire de tableaux de René Magritte, des installations d’Olafur Eliasson, de photos d’Andreas Gursky, convoque la série La Quatrième dimension, mais aussi David Lynch ou Kafka. Malgré un budget riquiqui de 3, 5 millions, chaque plan est hyper stylisé, somptueusement ciselé, et Finnegan génère un incroyable sentiment d’inquiétante étrangeté 24 fois par seconde dans une banlieue visualisée comme l’enfer sur terre. Et il n’oublie pas d’injecter quelques moments de pure terreur. Mais le plus fort de ce conte surréaliste, c’est peut-être son aspect métaphorique. « Devenir propriétaire n’est une aubaine que lorsque l’on se croit dans un conte de fées. Une fois pris au piège, nous travaillons toute notre vie pour payer nos dettes. Le consumérisme nous consume. Je ne fais qu’amplifier les choses pour montrer comment tout ceci est foutrement ridicule. Quoi de plus ridicule de bosser toute sa vie pour payer les intérêts de sa maison ? »
Après Parasite et la lutte des classes sauce coréenne, voici le brûlot anticonsumériste, le film d’horreur marxiste. Spectateurs de tous les pays, unissez-vous pour faire un triomphe à Vivarium..
VIVARIUM
LORCAN FINNEGAN
(EN SALLE LE 11 MARS)
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Par Marc Godin