Depuis son éviction de l’Elysée, l’ex-garde du corps de Macron s’est lancé dans le bizness de la sécurité et, avec fracas, sur les réseaux sociaux. Il a accepté de venir à la rédaction inspecter la cybersécurité des serveurs.
Vous seriez, à en croire un twittos que j’ai lu ce matin, en pré-campagne pour la Mairie de Saint-Denis. Et vous venez de sortir Ce qu’ils ne veulent pas que je dise – c’est un livre de candidat ?
Alexandre Benalla : Ah non ! C’était une façon pour moi de donner ma part de vérité : la justice médiatique, elle, s’était déjà prononcée, j’étais coupable. Après, chacun en fait ce qu’il veut, on n’est pas obligé de me croire.
Et aujourd’hui, un an et demi après « l’affaire Benalla », vous soutenez toujours votre ancien mentor, Emmanuel Macron ?
Toujours, je pense que c’est l’un des meilleurs présidents qu’on ait eus. Il est en forme, il est jeune, il va vite.
Vous êtes vraiment un inconditionnel.
Le macronisme originel, celui de la gauche du coeur sans le laxisme, la droite des valeurs sans le racisme, me parle toujours.
Mais c’est du pipeau, voyons : « la gauche du coeur », chez Macron…
Je l’ai vu dans la rue, se faire aborder, il est attentif aux problèmes. C’est pas le type qui vous sert la main, « vous voulez une photo ? », et qui s’en va. C’est un mec qui aime vraiment les gens.
D’accord. Mais c’est surtout un ultra-libéral passé par un gouvernement PS, non ?
Oui, mais on peut être ultra-libéral et proche des gens. Trump, par exemple, c’est un ultra-libéral populiste, proche des petites gens et qui a surtout les moyens de son ambition.
Comment ça ?
Il a la capacité d’agréger de la dette. Vous avez 30 mille milliards de dette aux US, et ils continuent de faire marcher la planche à billets. Si Trump veut faire 6000 milliards de dette, il peut. Pas la France. C’est pour ça que les tentatives de réformes coincent toujours, ici…
Dernièrement, vous avez fait une entrée remarquée sur les réseaux sociaux, vous y jouez les trolls, vous avez des centaines de haters… Leurs commentaires vous touchent ?
À partir du moment où je ne connais pas une personne, qu’elle dise du mal de moi, ce n’est pas vraiment de sa faute : elle ne me connaît pas. Un jour peut-être qu’on aura la chance de se rencontrer… (Rires.) Pas pour lui faire du mal, hein ! Mais pour échanger avec la personne, les faire changer d’avis. Je veux comprendre les haters !
Vous avez dit sur Twitter qu’un étudiant pouvait s’en sortir s’il se passait de son pack de 6, de son paquet de clopes, des happy hours… Euh, c’était quoi exactement, vos études ?
Travail. J’avais pas le temps pour le reste. Je faisais un master de sécurité publique à l’Université d’Auvergne, je bossais beaucoup, je révisais… Il faut savoir pourquoi on va à la fac. Pour faire la fête, ou étudier ?
Et vous veniez d’où exactement ?
D’un milieu modeste : une mère prof mais pas titulaire, c’était assez dur, elle était sur plusieurs collèges à la fois. Elle a élevé trois enfants seule, d’abord à la Madeleine d’Evreux, un quartier sensible, et dans un village au fin fond de l’Eure.
« EN POLITIQUE, ÇA MANQUE DE CHIRAC, DE PASQUA… »
Vos tweets mélangent politique et potacheries. C’est un bon mix ?
Je pense qu’il faudrait plus d’humour en politique, que les politiques se prennent moins au sérieux. Il vaut mieux utiliser un peu l’humour, ça manque un peu de Chirac, de Pasqua.
Aujourd’hui vous vous considérez comment ? Candidat à la Mairie de Saint-Denis ? Chef d’entreprise ? Expert en cyber-sécurité ?
Plutôt comme un aventurier qui a ouvert une boîte, qui a envie qu’elle se développe, mais qui en même temps ne doit pas oublier d’où il vient… Si je peux m’impliquer, aider des jeunes, leur donner quelques clés, je le fais avec grand plaisir.
Et vous allez présenter votre candidature à la Mairie de Saint-Denis alors ? Ou pas ?
Pour l’instant il n’y a pas de candidature. Mais vous savez, je m’implique dans tout le territoire de Saint-Denis, je rencontre des jeunes à leur demande, je vais voir des associations. Mais il y a tout un tas de fantasmes, qu’il faut faire dégonfler. Il faut leur expliquer que l’Elysée c’est pas le but de tout le monde (rires), mais qu’on peut vouloir être chef d’entreprise, cadre à EDF, patron d’un grand groupe, policier… C’est pas parce qu’on vient de tel quartier qu’on ne va pas y arriver.
Vous avez fondé votre boîte de sécurité, Comya, au Maroc en novembre 2018. C’est du sérieux ?
J’ambitionne de devenir un intégrateur de solutions de sûreté, qui va de la sécurisation de sites jusqu’à l’intelligence économique, ou de l’intelligence économique jusqu’à la sécurisation. Aujourd’hui je focalise sur le Nigéria principalement, et un pays du Golfe que je ne citerai pas.
Mais que proposez-vous exactement à vos clients ?
D’être un guichet unique pour les entreprises qui souhaitent se développer en Afrique, au Moyen-Orient, et on va voir si on va pas s’étendre un petit peu. L’idée est de faire de la sécurité intelligemment.
Contrairement à un certain 1er mai 2018…
(Rires.) Voilà, on peut dire ça comme ça, même si les termes « sécurité » et « intelligence » ne sont pas souvent associés.
Et pourquoi le Maroc ?
C’était le meilleur endroit pour avoir une expansion sur l’Afrique francophone, et c’est également le pays de mes parents. Mais aujourd’hui je suis en train d’installer la structure en Suisse, à Genève, c’est plus simple et plus clair. Quand on veut avoir une dimension internationale, on est plus crédible quand on est en Suisse qu’au Maroc.
Niveau crédibilité, vous êtes comment aujourd’hui ?
Je dis toujours qu’il n’y a pas de racisme en France, si ce n’est de classe. C’est très français, on a besoin de coller une étiquette sur les personnes. On a peur de ce qu’on ne connait pas, de ce qui ne nous ressemble pas, de ce sur quoi on n’arrive pas à mettre une étiquette, c’est pour ça qu’il y a si peu de profils atypiques en France. Quand il y en a un, il se fait dézinguer par l’establishment. Alors que chez les Anglo-Saxons, un profil atypique c’est une force. Ici c’est un handicap quand vous êtes un OSNI, un « Objet Social Non Identifié ».
Qui a intégré la garde rapprochée d’un président…
Il a fallu franchir des limites là où d’autres auraient mis des barrières avant même d’avoir commencé à avancer. Et quand on fait ça, on se prend des bâches de temps en temps ! Mais ça forge. Vous vous dites : « Je m’y suis mal pris, donc je vais retenter, mais d’une autre manière».
Ce qu’ils ne veulent pas que je dise (Plon, 288 pages, 19€)
Entretien Jean-Baptiste Chiara & Laurence Rémila
Photo : Florian Thévenard