BILAL HASSANI : « CHANTER LES PLAISIRS IMMÉDIATS »

BILAL HASSANI technikart album Glitter Sleaze Utopia (House of Hassani)

Arrêtez tout. Bilal Hassani sort sa nouvelle « mixtape », Glitter Sleaze Utopia, dans laquelle il fait le décompte de ses amours et désamours. Nous lui avons demandé de commenter chacune de ses pistes pour une interview « track by track ». Branchez le micro.

« J’ai découvert une nouvelle vie sans le Prince charmant… » Sur sa nouvelle mixtape Glitter Sleaze Utopia , Bilal Hassani revient avec une collection de dix chansons d’électro-house dédiées aux rencontres sans lendemain et à la cristallisation amoureuse. Présent à la Marche des Fiertés depuis ses 17 ans, cette sortie au mois de juin, à quelques jours de la Pride qui se tient le 29, n’a rien d’un hasard. « Noël, c’est Mariah Carey… Et juin, ce sera le mois de Bilal », prédit-il lorsque nous le retrouvons dans les bureaux qu’il partage avec sa « momager » Amina (elle se montre incollable sur la discographie du flamboyant chanteur de Queen Freddie Mercury lorsque nous tombons sur sa photo posée sur le rebord de la fenêtre).

Alors qu’il peaufine ses shows à venir – Arras le 8 juin, Montpellier le 15 juin, Nice le 23 juin –, nous en profitons pour le faire parler de cette « récréation » (Bilal ne considère pas Glitter Sleaze Utopia comme une « vraie » suite au Théorème sorti fin 2022). Sur cette mixtape, il a invité Lilian Mille, du jazz-band Bada-Bada, à jouer du clavier sur plusieurs morceaux. Histoire, une fois de plus, de frotter sa sensibilité pop à des musiques plus avant-gardistes. Car, comme il l’avoue, « j’ai toujours adoré mixer radical et mainstream… » Y compris dans les paroles qu’il va nous commenter ?

« Debout, debout »
Bilal : C’est une track qui existe pour parler d’un renouvellement hormonal après avoir fait un peu mal à son corps… ce qui arrive lorsque tu ne fais plus trop attention à toi, à ton énergie. Alors tu dois te retrouver un peu, te relever en quelque sorte. Ça a été l’idée de départ de cette mixtape. C’est Dorothée qui revient d’Oz, pour reprendre une vie normale à la ferme après un gros tourbillon. C’est le morceau post-post-tout.

« Baby Botox »
C’est un délire, une façon de vivre surtout. Le Baby botox, c’est encore une de ces inventions rigolotes en cosmétique, pour traiter les micros imperfections. Avec un copain, on avait entendu cette expression, on trouvait que ça évoquait tout de suite les petits plaisirs de la vie, les plaisirs immédiats. Cette chanson est dans la continuité de « Debout, debout » : que doit-on faire tout de suite pour se relever ? Il faut voir les gens qu’on aime, sortir dans les lieux qu’on connaît, comme Singapour qui est une destination où j’ai vécu enfant, retrouver ce rapport à la familiarité qui rassure. Musicalement, j’écoutais beaucoup PinkPantheress à ce moment-là, j’étais à fond dans l’ambiance UK garage, jersey, etc.

« Cloud 9 »
Cette chanson parle un petit peu d’accepter de coucher avec quelqu’un pour pouvoir satisfaire le besoin d’être aimé… Ce n’est pas un sujet très léger. Je dis à la personne que je n’ai pas le temps de lui dire que je l’aime, qu’on doit être au lit ensemble et que je me façonne d’une certaine manière pour qu’il puisse me désirer et avoir l’impression que c’est uniquement par ce biais-là que je peux être vu et perçu et aimé et désiré… Une sorte de paradis physique éphémère.

« Bucket List »
Ah, ma bucket list ! Il me reste beaucoup de choses à barrer dessus… Mais j’ai trouvé marrant d’écrire cette chanson au cours d’une de mes années les plus prolifiques. J’ai commencé à faire du cinéma, avec Les reines du drame (Alexis Langlois) notamment. Pour la musique, je rêvais de faire un projet free comme Glitter Sleaze Utopia. Dans ce morceau, il y a aussi des histoires avec des garçons. C’est une musique un peu bête et méchante sur le sujet, dans le style de la comptine. Le deuxième couplet, je l’ouvre en disant « tu m’as donné envie de mourir », je voulais exagérer un peu mes ressentis. Et finalement, ce truc très bubblegum, je trouvais ça un peu punk. C’est un peu silly et fragile, dans le bon sens du terme.

« Alter ego »
J’existe un peu avec cette sorte de relation à un autre moi. Je fonctionne comme ça depuis que je suis tout petit. La première image de Bilal Hassani, c’est un dessin que j’ai fait à l’âge de sept ans d’un ami imaginaire pop star un peu elfe avec de grands cheveux et qui me protégeait. Quand j’ai eu 12-13 ans, j’ai pu devenir ce dessin. J’ai donc développé une personnalité en accord avec ce personnage. Évidemment, le titre porte sur les questions autour de l’identité, pourquoi l’on a envie d’être autre, pourquoi est-ce conflictuel à ce point, qui existent dans mon catalogue depuis toujours, de Roi jusqu’à Il ou elle et maintenant avec Glitter Sleaze Utopia. J’ai très envie de changer de peau tout le temps.

« Les amours imaginaires »
Qui sont-ils ? C’est un mélange entre des hommes que j’ai connus, que j’ai aimés, mais aussi des figures qui sont créées dans ma tête, dans mes rêves. Dans cette chanson je supplie un peu le ciel de donner vie à cet amour qui ne vient pas. Dans ce titre, il y a des miroirs entre le premier couplet où je raconte cette idylle fantasmée et ensuite on revit exactement cette journée et cette nuit dans cette limousine avec cette robe qui tombe, on la vit dans mon réel. Cet amour manifesté mais non vécu se sent dans le projet.

« Candy »
D’abord, « je vous ai apporté des bonbons », c’est une référence rigolote à Jacques Brel. Mais Candy, c’est aussi une chanson qui parle de drogue et de fête et qui existe un peu comme un conte préventif. Sans être moralisateur, je voulais alerter sur le fléau que peut être le chemsex, en particulier dans ma communauté. Ces soirées-là existent depuis longtemps, mais à force de rencontrer des gens qui sont à force devenus des non-hommes à cause de l’excès de ce monde-là, je voulais le chanter. Je parle de ces personnages un peu romanesques qui trouvent leurs réponses dans quelque chose d’un peu hard. Mais je ne peux pas leur en vouloir… Donc elle n’est pas très joyeuse, mais très dansante. Je voulais quand même la mettre dans cet écrin-là, dans cette boombox, parce qu’elle le mérite pour se raconter correctement.

« 2 m 02 »
C’est une liste de courses pour un garçon idéal. Donc je dis « 2 m 02, giga pectoraux, je mets mes talons hauts il se penche quand même ». Là, on vit une longue, longue fête. Et puis, on a rencontré l’étalon, on le show off, on le montre partout. Mais ce n’est pas une bonne personne le mec de 2m02, il va pas être très gentil, il va pas être parfait et il va surtout pas être brillant. Je ne rap pas vraiment, mais j’aime bien raper un peu parfois, et c’est ce que je fais dans cette chanson. Je m’étais essayé un peu à ça sur un titre que j’ai fais avec Alkpote en 2019, et je ne l’avais plus refait depuis, un peu sur « Transfert Trottinette », mais là j’avais très envie de spitter un petit peu. Et ça m’a fait trop kiffer, j’ai très envie d’en refaire plus. Peut être avec moins de house, peut être pur rap j’aimerais bien. Donc on sait jamais ça peut arriver un jour.

« Speed Up »
C’est le lendemain de soirée. Un morceau très important pour les anxieux sociaux qui ne savent pas s’ils ont bien agi la veille. Je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup. Si je parle avec quelqu’un trois jours après je vais m’en souvenir et je vais me dire « pourquoi j’ai dis ça », « je l’ai dis comme ça, et j’ai vu dans son visage qu’il y avait un truc, que son langage corporel était réceptif », « j’ai fais une bêtise je dois l’appeler et lui demander pardon ». « Speed up », c’est ça. C’est la crise d’angoisse mélangée avec cette gueule de bois qui arrive le lendemain, où l’on regrette tout, et qu’on veut juste disparaître. Le Covid a rendu les relations sociales plus complexes, je pense. On avait pour beaucoup 18/19 ans quand ça a commencé, et on en avait 23 quand on en est sorti. Et il fallait ressortir, fallait revoir des gens, faut réinteragir.

« Souvenirs d’un été »
C’est un morceau beaucoup plus nostalgique, c’est le lendemain du lendemain, ce moment où tu décides d’aller vraiment te poser s’il y a un rayon de soleil et de te recentrer un petit peu. C’est presque le prélude de « Debout Debout », si on imagine que le projet est une boucle. Mais « Souvenirs d’un été », c’est aussi un appel à l’enfant un peu. Je parle d’un lac, d’une forêt, des copains qui sont en train de se baigner… Et je parle de « cette forêt enchantée où je venais danser ». C’est un morceau qui se veut calme, doux et qui apaise le cœur quand on a l’impression que tout va trop vite.

Glitter Sleaze Utopia (House of Hassani)


Par Laurence Rémila & Alyssia Lavenant