À l’affiche de Prodigieuses, le biopic mélo du duo de réals’ père et fils Frédéric et Valentin Potier, Camille Razat prépare une année surbookée : boîte de prod’, label, collabs fashion… Interview multi-casquette.
Vous êtes à l’affiche de Prodigieuses, l’histoire vraie de deux jumelles, prodiges du piano, touchées par une maladie orpheline fragilisant leurs mains. Elles sont poussées à dépasser leur maladie par leur père… Peut-on encore considérer que l’excellence artistique justifie un apprentissage douloureux ?
Camille Razat : La douleur est-elle un moteur pour devenir le ou la meilleur(e) ? Peut-être. Il s’agit donc d’une histoire vraie, celle des jumelles Pleynet, et j’interprète la plus extravagante des deux. Elles ont une maladie incurable malheureusement, donc elles passent par la douleur pour finalement développer cette technique qu’elles sont seules à avoir, et qui leur a permis d’inventer quelque chose de l’ordre du génie.
Quelle serait l’équivalent pour une comédienne ?
Je ne sais pas, l’apprentissage d’un texte, par exemple, est quelque chose de très personnel. Il y a quelques années, j’ai été au théâtre pendant trois mois dans un seule en scène, Le Vieux juif blonde d’Amanda Sthers, texte que j’ai appris avec beaucoup de douleur, mais aussi beaucoup de passion. Ce genre de rôle demande un dépassement de soi – mais je n’ai jamais autant appris que sur les planches en les jouant.
Tu t’es fait connaître du monde entier avec un rôle beaucoup moins austère, celui de Camille dans Emily in Paris. Ce regard un peu amoureux porté sur la France par les Anglo-Saxons a-t-il changé ton propre regard sur Paris ? Sachant que tu as grandi à Toulouse avant de t’installer ici à 20 ans…
Disons que Emily in Paris, on la doit à Darren Starr, créateur de Sex and the City, de Beverly Hills 90210… Il a toujours eu ce regard sur les villes dans lesquelles sont situées ses séries, y compris New York – alors qu’il y a passé énormément d’années… Avec Sex in the City, on voit bien que c’est une sorte de réalité augmentée. C’est-à-dire qu’on n’est pas là pour faire de la sociologie ou pour coller à la réalité, mais pour vendre du rêve. De là à dire que ça me correspond, ah non ! Le Paris de la série n’est pas celui que j’aime le plus. Moi, j’aime le 11e, le 20e, le 19e, le 10e…
En plus, tu es une grande fan de hip-hop, genre musical qu’on n’associe pas avec la série… Quels sont tes artistes de chevet ?
Plein ! Je dirais que ma plus grande passion – et j’ai commencé par lui –, reste Eminem. Suivi de près par Nas, Busta Rhymes, Snoop Dogg, toute la team Dr. Dre… Et chez les Français, toute l’époque Lunatic…
Tu n’as vraiment rien à voir avec la Camille de Emily In Paris.
Non, c’est un vrai rôle de composition !
Qu’a-t-elle – la Camille de la série – en commun avec toi ?
Disons que j’ai essayé de connecter avec le personnage à travers des choses qui peuvent me rapprocher d’elle : il y a le côté entrepreneuse, déjà. La Camille de la série vient d’une famille un peu aisée, elle aurait pu continuer dans le champagne, et finalement elle décide de bosser dans une galerie d’art. Elle a quand même choisi d’aller vers un milieu qui n’était pas sa voie tracée, et c’est un peu mon cas.
Oui, ton père est à la tête de Mécahers, un sous-traitant majeur dans l’aéronautique, ta mère est sophrologue, et tu as choisi de devenir comédienne…
Et aussi productrice, avec ma boîte de prod’ Tazar. Comme je le dis souvent, le métier d’actrice, c’est, le plus souvent, attendre que son téléphone sonne. Avec Tazar, il y a une dimension collective qui me manquait jusque-là, et que j’ai toujours aimée. Donc là, on a produit cinq courts-métrages, on bosse sur des longs… Et on a fait un clip pour le morceau « Wynona » de Gennre, qu’on sort sur notre propre label.
Tu as produit un film Bompard (voir encadré), dans lequel tu joues… Tu t’intéresses à toute la chaîne de création.
Oui, je pense très souvent à la boîte de prod’ A24, qui sort les meilleurs films depuis dix ans environ, et j’essaie de m’inspirer de leur façon d’avancer. Ils ont eu cette vision indépendante très tôt, avec une dimension collective très forte. Parce que je ne suis pas toute seule dans ma maison de production, je bosse toujours avec les mêmes personnes. Je prendrais A24 comme exemple parce qu’ils sont restés très indépendants, et la « patte A24 » est présente dans chacun de leur projet. Je voudrais qu’avec Tazar, ce soit la même chose.
Tu es également égérie pour Messika…
J’aime particulièrement cette maison de joaillerie, mais j’avoue que dans la vie de tous les jours, des bijoux, j’en mets pas trop – mais quand j’en porte, ce qui est rare, je préfère les belles pièces ! Je suis allergique au toc…
En joaillerie ?
Et chez les gens, évidemment. (Rires.) Quand quelqu’un n’est pas sincère, je le sens tout de suite.
Et quel est ton rapport au monde de la mode, un élément central de Emily in Paris ?
J’ai toujours aimé la mode. C’est un univers qui paraît frivole pour la plupart des gens mais, mine de rien, le vêtement que l’on porte est la première image qu’on renvoie à quelqu’un. Et généralement, une première impression, on a du mal à s’en défaire. Donc la mode, c’est primordial !
Tes créateurs préférés ?
Margiela, Alexander McQueen… En plus d’être des créateurs, ils étaient de grands artistes, des génies de la scénographie, leurs shows étant des happenings à chaque fois. On a là des génies qui savaient s’en amuser.
La suite pour toi ?
Je serai à l’affiche d’une série Disney Plus sur l’affaire Jacques Rançon, elle nous raconte l’histoire du point de vue des victimes et de la police. Ensuite, une série Netflix française dans laquelle j’interprète une sorcière. Et à côté de ça, la boîte de prod, le label… Une année pleine !
Prodigieuses de Frédéric et Valentin Potier : en salle
Par Laurence Rémila
Photos Kiara Lagarrigue