CAROLINE GASPARD : « LA BEAUTÉ SUPÉRIEURE DU BIJOU »

Caroline Gaspard akillis technikart

La marque de joaillerie Akillis est à l’image de sa créatrice et directrice artistique, Caroline Gaspard : rock, et toujours en quête d’épurer le bijou – avec originalité. Rencontre « less is more ».

Légende photo : BEAUTÉS AKILLÉENES_ Avec sa marque Akillis, Caroline Gaspard incarne le versant glam, rock, chic et sexy de la joaillerie française. Son credo ? Des bijoux sertis aux lignes géométriques franches.

Vous fondez Akillis en 2007, avec l’objectif de dépoussiérer la joaillerie française. Votre ressenti vis-à-vis de l’évolution du marché en dix-sept ans ?
Caroline Gaspard : J’ai créé Akillis car il y avait une forte demande pour une joaillerie différente et moderne, pour des consommateurs de plus en plus jeunes. J’ai remarqué qu’il y avait également une vraie demande pour l’homme. L’avenir m’a donné raison puisque de plus en plus de bijoux sont non-genrés, ce qu’on fait depuis 17 ans.

« Un beau bijou est universellement beau », dites-vous.
C’était important de créer une marque qui permette aux gens d’exprimer leur sensibilité. Chaque matin, face à mes vêtements, je me demande quelle femme je serai aujourd’hui, selon quoi je choisis le bijou que je vais mettre. La joaillerie est une façon de m’exprimer et de vivre ma personnalité.

Cette fluidité créatrice qui vous est propre n’existait que dans les pays émergents ?
La France est un marché très traditionnel. Beaucoup ont été réticents à laisser la modernité s’installer. Nous avons un flagship store rue Saint-Honoré, pour le reste, nous sommes chez des détaillants multi-marques. Lorsque je suis arrivée avec mes bijoux, ils ont eu un peu peur. Mais lorsqu’ils ont vu notre qualité, cela a changé. Il y a une grande expertise joaillerie chez Akillis. Le design, c’est l’ADN de la marque, mais il est associé à un savoir-faire – je suis précise, j’aime les choses parfaites, je ne veux pas faire des bijoux moyens. Le serti de nos bijoux est poli, repoli, jusqu’à ce qu’on puisse mettre nos collants sans les filer.

La marque est de fabrication française, avec un premier atelier à Lyon, et récemment européenne, avec un second désormais en Espagne.
Oui, en Espagne ils sont très forts sur la découpe laser, ce qui nous a permis de faire de très beaux « animaux tattoo » grâce à une technique qui leur est propre. Une technique récente, avant quoi les ateliers de joaillerie traditionnelle travaillaient tous à la fonte, avec des détails parfois imprécis. Le laser permet une découpe parfaite, millimétrée.

La joaillerie est plus accessible depuis que les ventes en ligne se sont développées. Votre credo ?
On a fait de gros efforts pour faire un beau site marchand, lancé en 2020. Par ailleurs, il y a des prix psychologiques au-delà desquels les achats sur Internet sont quasi inexistants. Il faut donc proposer une joaillerie de tous les jours, à accumuler. Tandis que la joaillerie connaissait sa période haute couture, elle œuvre désormais en prêt-à-porter. Une joaillerie exigeante, mais qui se porte.

C’est pourquoi des pièces au design expressif peuvent plus facilement sortir des ateliers, selon vous ?
Exactement. Les gens osent de plus en plus. Et les hommes en consomment davantage.

Est-ce générationnel ?
Je pense. Les nouvelles générations aiment le luxe. Les hommes font plus attention à eux-mêmes. C’est une tendance, je crois, venue du star-system asiatique. Il y a une nouvelle définition de l’homme très plaisante, moins conventionnelle et ennuyeuse !

Avant de créer Akillis, vous avez fait une prépa HEC, une école de commerce. Sur quoi portait votre mémoire de fin d’année ?
Les nouvelles formes du luxe ! J’ai vu qu’il y avait une niche, qu’il y avait des bijoux fantaisie pour hommes, mais pas de vraie joaillerie cher et belle. On a l’image de l’homme portant une grosse bagouze à l’italienne – il fallait des bijoux modernes et dans l’air du temps !

De là, vous vous mettez à travailler le titane.
Oui, un métal noir, empruté à l’aéronautique. Un matériau de pointe, difficile à travailler. Le titane était utilisé en haute et très haute joaillerie, mais en toute petite série. Cela n’existait pas du titane en série, avec du serti de diamant, nous avons été les premiers.

C’est commun, aujourd’hui ?
Parce que la demande est là. Porter un bijou en titane, c’est extrêmement agréable ; il est léger, non allergène, son touché est plaisant, et je trouve que c’est très masculin. On utilise un DLC noir, une technique pour teinter dans toute la masse du bijou. Cela est fait en Suisse, avec la même rigueur que pour l’horlogerie, de sorte que le noir du titane ne s’altère pas.

L’imagerie Akillis, jusqu’à votre propre style vestimentaire, est rock. La joaillerie avant Akillis était-elle dépourvue d’attitude ?
Il y avait la nécessité de proposer de nouvelles formes !

Ce que vous avez fait avec les « balles » Akillis. Votre inspiration ?
Les films de Tarantino, je m’y retrouve bien. La balle se vend toute seule, elle n’a pas besoin de publicité. Les gens adhèrent ou détestent. On reçoit d’ailleurs encore des lettres d’insultes, exprimant qu’« il y a des guerres ». Or, j’estime qu’il vaut mieux les porter que les utiliser… Peace ! C’est un hommage au cinéma et à la vie rock’n’roll.

Akillis, c’est le « less is more », version rock décadent ?
Oui ! Quelqu’un de jeune avec de l’argent, veut autre chose que du classique. Les autres marques se lâchaient en faisant des araignées, et des abeilles, ce que je respecte. Mais quand tu arrives sur un marché, il te faut un ADN propre et un message clair.

Votre message ?
Le plus de diamants possible et le moins de remplissage avec des grains ! Des « diams » partout. Je suis rock’n’roll et généreuse.

Comment garder son ADN tout en continuant d’étonner le monde ?
D’abord, le côté ludique et technique est important pour moi. Des bagues qui tournent sur elles-mêmes, ou des bijoux avec beaucoup d’articulations. Ensuite, un design épuré. Plus c’est compliqué, moins c’est Akillis, c’est-à-dire efficace.

Des designers ou des créateurs vous ont-ils insufflé ce goût du « less is more » ?
J’aime l’art déco. Le Chrysler Building de William Van Halen est une référence en matière de géométrie, d’utilisation des matériaux… C’est épuré tout en étant opulent. C’est un bâtiment qui m’a toujours fait rêver.

Vous vous inspirez aussi de la nature, en attestent vos bijoux « Capture », « Python », etc.
Dans toutes mes pièces « Python », je n’ai pris que les écailles. Leurs formes et leurs matières me fascinent. C’est une grammaire excitante, que je suis en train de remasteriser. Le reptilien est un must de la joaillerie. Toutes les marques y sont allées de leurs interprétations.

Vous avez une prouesse technique ou un rêve de bijoux ?
Je l’ai réalisé grâce aux ateliers qui m’ont maudit avec la collection « tattoo ». Je voulais que mes bijoux soient des tatouages de diamants, qu’ils tiennent comme magiquement sur la peau. Ce qu’on a réussi à faire avec du « file couteau », invisible. Cette collection était une prouesse.

Votre idée du luxe ?
Libre d’expression et non genré. Différent, drôle.

Le futur de la joaillerie d’après Akillis ?
Correspondre aux gens sans faire de bijoux « bateau ». Que la joaillerie offre à portée de main, un médium esthétique pour s’affirmer.

www.akillis.com

 

Par Alexis Lacourte
Photo Axel Vanhessche