Ils écrivent leurs éditos comme s’ils s’agissaient d’appels de détresse destinés à alerter le GIGN. Larmoyants, catastrophés et ultra-flippés, voici nos 8 éditorialistes, tendance ouin-ouin, préférés.
MICHEL ONFRAY
LE SOUVERAIN SOUS-ALIMENTÉ
Depuis que la revue s’est séparée, en mai dernier, de son co-fondateur Stéphane Simon (le serial entrepreneur des médias porte la guigne à tout ce qu’il touche – son média Factuel s’est cassé la binette en quelques mois, Thierry Ardisson, son acolyte du PAF, l’a laissé sur le carreau et voilà qu’on le prie de quitter Front Populaire), Michel Onfray a-t-il du mal à trouver l’inspi ? Dans ses derniers éditos (« Viande de peuple & Gauche cannibale », « L’Apocalypse vegan » – dans un numéro sobrement intitulé « Manger tue »), Michou, se lassant d’épingler l’aculture générale, fait une fixette sur la boustifaille (sujet qu’il maîtrise, voir son livre Le Ventre des philosophes). Et nous qui pensions qu’il avait un problème avec la gauche. Que pouic. Michel Onfray est juste mal nourri.
24 rue Anatole France 92300, Levallois-Perret
AURÉLIE JULIA
MADAME S’ÉVADE
On était passés à côté du changement de ligne éditoriale de la Revue des deux mondes. Après le passage de Valérie Toranian (l’ex-dirlo de la revue est, depuis 2022, directrice du Point), plus intéressée par la politique que les lettres (ses anciens éditos parlent d’eux-mêmes : « L’impossible débat sur l’immigration », « L’irrésistible progression de Marine Le Pen »), la revue a repris une ligne intello-voltairienne, plus raccord avec l’héritage de Michel Crépu (dirlo de la revue de 2010 à 2014, puis réd-chef de la NRF de 2015 à 2002). La nouvelle directrice de la revue, Aurélie Julia, préfère, quant à elle, raconter la vie de Léo Taxil (le mythomane du Vatican) en citant Da Empoli, que de s’attarder sur les derniers ragots politicards et construit sa revue autour de Rimbaud, Proudhon ou Patti Smith plutôt que Michel Onfray, Sylvain Tesson et Philippe Séguin. Si elle évite de revenir au sujet éculé du wokisme, elle finira par rendre cette revue lisible.
97 rue de Lille, 75007 Paris
J.-C. FLORENTIN
BRIDGET PERSÉCUTÉE
Le monde entier est contre lui. Si, si. Le dirlo de Playboy, qui se sert de ses éditos comme d’un journal intime, est un homme incompris. D’abord, il y a eu la guéguerre avec Libération, qui accusait le mag’ de charme de collusion avec l’extrême-droite (Florentin s’est vengé en publiant, dans son édito, des tweets émanant de « lecteurs » de Libé déçus). Puis, ça a été au tour de David Swaelens-Kane, sorte de dandy hurluberlu belge, auquel Florentin a dealé la licence française Playboy. Depuis, David, qui aurait oublié la transaction selon J.-C., réclame la paternité du magazine (sur le compte Instagram de Playboy France, dont il détient les codes, Davidou passe son temps à troller la publication de Florentin). (On peut arrêter de parler de leur guéguerre ? Je commence à avoir mal au crâne, ndlr). Dernier rebondissement dans le J.-C. diary ? Ses échanges SMS infructueux avec Afida Turner et Rahim Redcar (alias Chris and the Queens) intégralement retranscrits dans son dernier édito. À quand une adaptation à la Bridget Jones ?
73 rue Claude Bernard, 75005 Paris
CYRIL HANOUNA
LE BABA ÉCONDUIT
Ce lundi 21 octobre, l’animateur-producteur de « Touche Pas à Mon Poste » a du mal à cacher son émotion. Tel Sardou devant le public de ses concerts d’adieux, Cyril « Baba » Hanouna, l’œil humide et des trémolos dans la voix, attend la fin du show pour évoquer la suite. En guise de droit de réponse à l’article publié par le Parisien en début de weekend (« “Le divorce est inévitable” : pourquoi Cyril Hanouna s’apprête à quitter le groupe Canal+ »), selon lequel son boss Vincent Bolloré ne lui pardonnait pas la fermeture de C8 par l’Arcom, Baba réussit un tour de force : ne jamais dire que Bolloré l’a laché, mais ne jamais dire le contraire non plus. « Si le recours (contre la décision de l’Arcom, ndlr) est accepté, « TPMP » continue comme d’habitude sur C8. Si le Conseil d’État retoque et que C8 disparaît, il y aura d’autres solutions. » Bien évidemment, ces autres « solutions » (une websérie sur Dailymotion ?) ne sont pas détaillées. Et, chose rare pour Cyril, son monologue est ponctué d’hésitations. Ah, l’émotion que ce doit être, une tournée d’adieu…
1 place du spectacle, 92130 Issy-les-Moulineaux
ELISABETH LÉVY
LE SOS DE BABETH
En lisant le dernier éditorial d’Elisabeth Lévy (numéro 127 de Causeur, intitulé « Sans et saufs » et rédigé en direct de la terrasse du Bellanger), les plus sains d’entre nous se demandent s’il s’agit d’un appel à l’aide, des effets secondaires d’une grève de la faim ou d’une crise de la soixantaine à peine dissimulée (quand on en vient à mélanger les excès héroïnomanes des rockers, l’abus de café et Montesquieu, c’est qu’il faut s’asseoir et faire le point). Dans cet édito, ponctué de « non, je rigole », d’anti-phrases et d’ironie pataquès, Elisabeth ose à peine le dire : on ne peut plus flinguer notre capital vie en paix : « Nul ne peut ignorer que presque tout ce qui est bon est mauvais pour la santé : l’alcool, le tabac, les tripes, le sexe » (qu’on nous livre l’auteur de cette liste). Maintenant, j’hésite entre arrêter de fumer ou brûler mon Antoine Blondin. Par pitié, qu’on libère Babeth de la substance sous laquelle elle écrit ses éditos, la vie d’une femme est en jeu.
2 rue du Faubourg Poissonnière, 75010 Paris
ALEXIS BRÉZET
LE DIRLO SYBILLIN
Le journal de toutes les droites (ils ont plus d’éditorialistes et de tribunes que les nuances de bleu n’ont de sièges à l’Assemblée) est devenu une source d’inquiétude pour nos camarades des médias. Il y a quelques semaines, Jack Dion (Marianne) se souciait du dernier édito de la journaliste Laurence de Charette, elle-même préoccupée, dans son dernier édito, par une grave épidémie française : la richophobie (« La haine des riches, une pathologie française »). Quelque temps avant, Alexis Brézet, dirlo des rédactions du Figaro, provoquait un vif émoi au Monde et au sein de sa propre rédaction, après plusieurs interventions au moment des législatives sur Europe 1 (il se disait à mi-mot en faveur du RN). Plus personne n’en dort la nuit. Les Français veulent savoir ! Le Figaro va-t-il, oui ou non, régler ce problème de flex-office ?
23-25 rue de Provence, 75009 Paris
LAURENCE FERRARI
BOLIDE AU GARAGE
Laurence Ferrari est née en 1966 – ce qui en fait l’éminente représentante d’une génération trop souvent oubliée, les GenX. Pourtant, depuis que cette journaliste a rejoint C8 en 2012, elle s’est transformée en boomeuse avant l’heure. Aujourd’hui, quand elle ne tient pas le crachoir sur CNews (l’émission « Punchline »), elle dirige JDNews, le rachitique newsmag rattaché au JDD (on peut mentionner Les crimes commis contre Photoshop ?, ndlr), y signant des éditos ampoulés, riches en citations et placements de produits maison (on est corpo’, c’est bien). Le dernier ? On démarre sur du Paul Valéry (les civilisations sont « mortelles » rappelait le poète un lendemain de cuite), puis on y case le dernier ouvrage Philippe de Villiers, Mémoricide (édité chez Fayard, groupe Vivendi). Bon, soyons fairplay : notre grande sauveuse y cite également Nietzsche (Friedrich ne fait pas encore partie du groupe), avant de chuter sur une note d’espoir, signée Lolo (« Nous avons encore la capacité de résister et d’éviter le naufrage »). Verdict ? Ces chefs d’œuvre collapsologistes feraient passer Christine Kelly et Pascal Praud pour de dangereux amuseurs à la solde des Bolcheviks. Un sans-faute, donc.
2 rue des Cévennes, 75015 Paris.
D. SCHNEIDERMANN
DANY RÉVOLTÉ
À force de taper sur tout ce qui bouge (Daniel Schneidermann n’aime rien, sauf les chats et la feta), le fondateur d’Arrêt sur images s’est retrouvé dans la panade. Éditorialiste pour Libération (une chronique que nous n’avons pas lue depuis les années Jospin, sorry), le plus ronchon de ses journalistes a été convoqué par la direction du quotidien pour un tweet jugé déplacé à propos d’un collègue en direct du Liban (dans ses chroniques, comme sur X, il prend partie pour la cause palestinienne). Celui qui pratique l’indignation comme d’autres le footing (obsessionnellement, donc) marche depuis sur des charbons ardents. (L’Informé révélait dans une enquête les tensions en interne chez Libé sur fond de guerre au Moyen-Orient). On lui souhaite bon courage – et à Dany de retrouver un bon traiteur grec pas trop loin de chez lui.
113 avenue de Choisy, 75013 Paris
Par Violaine Epitalon