Le chroniqueur est en passe de devenir le réac le plus écouté de sa génération. Interview.
On vous colle volontiers une étiquette de réac. À raison ?
Charles Consigny : Pour moi, il ne s’agit pas de quelque chose qui doit être connoté négativement, au contraire. Quelqu’un qui est réactionnaire – c’est-à-dire qui a le goût de la conservation, de la poursuite des choses telles qu’elles sont – est un joyeux, au fond. C’est quelqu’un qui aime son époque avec son passé, avec ses pesanteurs, qui n’est pas obsédé par le changement. Sur les questions économiques, il est vrai que je suis extrêmement libéral : c’est ce qui fait que je me sens à droite, que j’ai plutôt tendance à voter à droite… et qu’il m’arrive d’être classé parmi les réacs !
Vous sentez-vous proche des « jeunes » stars de la droite comme Eugénie Bastié, Gaultier Bès (la revue écolo-réac Limite)… ?
J’ai plutôt de la sympathie pour tous ces gens qu’on décrit traditionnellement dans les médias comme « réacs ». C’est même très intéressant que les médias ne parviennent plus à dire autre chose que « untel est réac, untel est progressiste ». La palette est beaucoup plus étalée que ça… Mais il est vrai que quand j’écoute les propos d’Eugénie Bastié ou d’autres, je me sens très peu de points d’accord avec eux. Par exemple, ils sont contre l’Europe par patriotisme, tandis que je suis extrêmement pro-européen. Ils brocardent systématiquement l’architecture contemporaine, moi je trouve qu’elle peut donner lieu à des choses fantastiques. À leur différence, je crois que ce n’est pas parce qu’on est adoubé par son temps qu’on est forcément mauvais. C’est cela qui me différencie des réactionnaires, même si leur position ne me semble pas du tout attaquable en elle-même.
Le réac de droite fait-il désormais office de figure mainstream ?
C’est un créneau qui s’est imposé dans le paysage médiatique, de la même manière qu’il existe un comique politiquement correct de gauche. En ce qui me concerne, dans On n’est pas couché, je ne suis ni dans la posture ni dans une stratégie, je n’essaie pas d’être tel ou tel personnage, et je pense que les téléspectateurs s’en aperçoivent. Je reste courtois avec les invités, car je ne vois pas l’intérêt de les agresser ou de les humilier. J’espère être sympa, donc, mais je ne me sens pas du tout réac ! Je souhaite seulement faire correctement mon boulot et garder ma liberté de pensée, ce qui est devenu compliqué dans un univers médiatique où le politiquement correct fait un retour très offensif.
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Vous n’êtes donc pas si provoc’ que ça, finalement ?
Disons que j’ai l’esprit de contradiction, j’aime bien susciter des réactions. Par exemple, les gens s’étouffent à moitié quand j’explique qu’à mon sens Donald Trump n’est pas un type aussi horrible qu’il est décrit partout et que j’observe simplement qu’il a de bons résultats économiques. Trump a du bon ! Il ne s’intéresse certes pas aux passions de son époque, comme le féminisme et la diversité, mais il se consacre en revanche à l’industrie, l’emploi, à réduire le chômage et l’insécurité. Or ces thèmes-là intéressent les classes populaires américaines. Trump a évidemment des défauts, mais je pense qu’il gardera l’image d’un bon président des États-Unis pour les gens qui voudront bien faire l’effort de voir les choses de manière objective. Contrairement à Obama, qui a fait beaucoup de communication, assommé les Américains avec un discours moralisateur, et les a gavés comme des oies avec tous les totems de l’époque. Comme tout le monde dit la même chose, dans les médias, si vous dites cela, on a l’impression que vous tenez des propos provocateurs. Est-ce que c’est le cas ? Je ne crois pas. / Clémence de Blasi
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