La 7ème édition des journées nationales de l’architecture débute aujourd’hui et se prolongera tout au long du week-end, les 14,15 et 16 octobre. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre d’Aurélie Cousi, en charge de ce temps fort au Ministère de la Culture.
Les journées de l’architecture débutent avec le programme “Levez les yeux”, une première réservée au public scolaire. L’objectif est de sensibiliser le jeune public aux questions architecturales. Est-ce que ce programme se déploie aussi sur l’ensemble du territoire ? Et comment l’événement va-t-il s’organiser pour les écoles ?
Aurélie Cousi : L’opération « Levez les yeux » se traduit depuis 2019 par un partenariat entre le ministre de la Culture et le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse à destination du public scolaire le vendredi des journées nationales de l’architecture. Elle permet aux élèves accompagnés de leurs enseignants, lors d’une journée hors les murs, de partir à la découverte de leur environnement pour apprendre à lire l’architecture, à décrypter le paysage, à déchiffrer la ville et la campagne.
Cet apprentissage est indispensable pour former ceux qui plus tard auront la capacité de participer activement à l’élaboration des espaces dans lesquels ils vivront. En bref pour former nos futurs citoyens. L’architecture est une discipline qu’il est difficile d’appréhender, qui semble savante et très éloignée du public. Et pourtant, l’architecture, tout le monde la fréquente tous les jours ! Il est donc indispensable de doter les plus jeunes d’éléments de lecture et de compréhension des espaces qu’ils vivent. L’objectif de « Levez les yeux » est là. Cette opération est déployée localement par les académies et par les directions régionales des affaires culturelles.
Elle est aussi l’occasion de mettre en lumière les très nombreuses activités proposées toute l’année aux scolaires par les Conseils en architecture, urbanisme et environnement actifs sur tout le territoire national, ainsi que par les maisons de l’architecture.
L’édition de cette année sera marquée par la sortie de deux ouvrages destinés aux 8/12 ans, publiés par les Editions du Patrimoine à l’initiative du ministère de la Culture. Les aventures d’« Achille et Basile » amèneront les lecteurs à découvrir le métier d’architecte, avec le titre « Permis de construire » et la construction avec « Chantier en cours ». Deux autres tomes devraient sortir en 2023 ou 2024. Nous faisons le pari que certains adultes les ouvriront aussi pour comprendre un peu mieux ce qu’est l’architecture.
Pourriez-vous nous décrire en quelques mots le programme des journées suivantes ? En particulier : les enjeux mis en avant (environnementaux, sociaux, économiques et scientifiques)
Les événements proposés lors des Journées Nationales de l’Architecture sont conçus dans tous les territoires par l’ensemble des professionnels de l’architecture, que ce soit les écoles nationales supérieures d’architecture, les architectes, les réseaux comme les CAUE ou les maisons de l’architecture déjà évoqués ou encore les collectivités dotées du label « Ville ou Pays d’art et d’histoire ». Le programme est varié, promenades, visites de bâtiments, visites d’agence, conférences, ateliers, films… il y en a pour tous les goûts et pour tous les âges.
Ces journées montrent ce qu’est l’architecture aujourd’hui : une discipline du quotidien, vivante, créative, qui s’attache à répondre à l’évolution de nos modes de vie, à la transition écologique, en intégrant l’approche culturelle et sociale à l’approche technique. En cela, les événements organisés illustrent cette diversité : réhabiliter, concevoir un logement, construire, expérimenter de nouveaux matériaux plus respectueux de l’environnement…
Quels sont pour vous les objectifs, à court et moyen terme, de ces journées ? Est-ce un laboratoire d’idées qui amène à des propositions concrètes pour le futur aménagement du territoire ?
Ce n’est pas vraiment l’objectif des JNA. Elles sont vraiment destinées au grand public, pour « décomplexer » le rapport à l’architecture. Il est important que chacun comprenne que l’architecture, c’est aujourd’hui qu’elle se fabrique et qu’elle construit les espaces dans lesquels chacun va vivre. Et comme l’architecture est faite pour durer, autant exprimer ses attentes et ses besoins avant qu’elle ne soit conçue. En participant à la définition de ce qu’on appelle le « programme » qui est la base de la conception architecturale. Dans le programme, on exprime ce qu’on attend du bâtiment à venir, qu’il soit neuf ou issu de l’adaptation d’une construction existante. C’est là que le futur usager doit pouvoir s’exprimer. Les JNA ont cet objectif, donner à chacun l’envie (et peut-être le courage) d’aborder une discipline qui peut apparaître comme très technique et savante. Une fois ce premier pas franchi, il existe de nombreuses manières aujourd’hui d’impliquer les usagers au projet, par l’expérimentation ou par l’accompagnement d’un architecte placé en immersion par exemple. C’est ce qu’illustrera par exemple la journée organisée à Genevilliers par la Preuve par 7.
On voit qu’il y a un paradoxe majeur pour l’architecture contemporaine : à la fois continuer à développer les infrastructures en ville et à la campagne, tout en préservant évidemment le plus d’espaces naturels… Comment réussir aujourd’hui à concilier développement urbain et respect de la biodiversité ?
De nombreux architectes ont depuis longtemps intégré ce paradoxe dans leur réflexion et leur approche du métier. Quand des personnalités comme Philippe Madec se saisit des enjeux environnementaux pour prôner la frugalité heureuse ou Patrick Bouchain de l’association des habitants à la requalification de lieux en errance, ils le font près de 20 ans avant que ces sujets ne se généralisent. Faisons confiance à ces professionnels de haut niveau pour concilier ce qui semble inconciliable L’exemple des Pritzker Lacaton et Vassal est également révélateur de la capacité des architectes français à favoriser la réutilisation de l’existant, à entendre les besoins des habitants de rapport avec l’extérieur, et à utiliser des solutions sobres pour y répondre. Le propre du métier d’architecte est bien de savoir faire la synthèse des contraintes pour élaborer une réponse adaptée. Comme les contraintes évoluent, la conception architecturale évolue également sans cesse. Les architectes sont à l’écoute des évolutions de la société, à l’écoute de phénomènes émergents et ils s’en saisissent.
Découvrez le programme complet : journeesarchitecture.culture.gouv.fr
Photo : Jean-Luc Luyssen