Une belle programmation à l’affiche du nouveau Festival de Saint-Jean de Luz, avec notamment l’excellent Harka. Et une master class de Jean Paul Gaultier.
C’est un des meilleurs festivals du circuit avec une programmation pointue signée du délicieux Patrick Fabre, des vedettes qui se déplacent, un public d’aficionados, le tout dans le décor de rêve des Pyrénées-Atlantiques. Pour cette 9e édition, présidée par la délicieuse Géraldine Pailhas, la recette ne change pas avec une programmation riche en avant-premières et une belle sélection de films en compétition. Si le film d’ouverture était le très inégal Une comédie romantique, sauvé par le talent insolent d’Alex Lutz qui joue dans le premier long-métrage d’un de ses collaborateurs, on attend beaucoup d’Amore Mio, premier long-métrage du comédien Guillaume Gouix, Ailleurs si j’y suis avec Jérémie Renier, Butterfly Visions, Les Engagés avec Benjamin Lavernhe, L’Astronaute de et avec Nicolas Giraud ou encore Les Pires, de Lise Akoka et Romane Gueret.
PREMIER CHOC
Dès le mardi, on passe aux choses sérieuses avec l’excellent Harka, de Lofty Nathan, Anglais d’origine égyptienne, qui signe son premier long de fiction. Nous sommes en Tunisie et Ali rêve d’une vie meilleure. Entre deux galères, il tente de survivre dans une Tunisie gangrenée par la pauvreté et la corruption en vendant de l’essence de contrebande sur un bout de trottoir, en attendant de se faire racketter par des policiers ripoux. Il pense à fuir ce pays et cette existence misérable, mais à la mort de son père, il doit s’occuper de ses deux jeunes sœurs, criblées de dettes. Il va bientôt se rebeller et s’éveiller à la révolte.
Brûlant, sidérant, insoutenable, Harka (qui signifie en Tunisie la migration illégale à travers la Méditerranée, mais aussi s’immoler) parle de rêves brisés, d’impasses dans le désert et de vies en cul-de-sac, dix ans après la révolution de jasmin. C’est supérieurement écrit, très fin (autour d’un plan de quelques secondes, on découvre que les jeunes Tunisiens ne peuvent absolument pas communiquer avec des filles), et d’une force politique assez hallucinante. Derrière la caméra, Éric Dumont, ancien chef op’ de Stéphane Brizé et de Les Pires, sculpte les corps et la lumière crépusculaire du désert, tandis que le réalisateur cadre très serré son acteur principal, le sublime Adam Bessa, une future star, aussi magnétique que… Brando !
LE CINÉ DE JPG
Membre du jury, Jean Paul Gaultier a gratifié le public de Saint-Jean de Luz d’une belle master class où il a bien sûr parlé de ses rapports avec le cinéma. « Tout a commencé à 13 ans, quand j’ai découvert Falbalas à la télé. Je me suis dit aussitôt ‘‘C’est ce que je veux faire’’. On voyait le côté spectacle avec les défilés. Le spectacle, la lumière, le public, c’est ça qui me faisait rêver. Je n’aurais jamais pu être un costumier pour des films traditionnels. C’est un métier très exigeant, très fin, très beau, mais il faut habiller les acteurs comme dans la vie de tous les jours et c’est difficile à réaliser. Moi, j’aime bien aller dans l’excentricité. Le premier film sur lequel j’ai travaillé est Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway, qui avait déjà mis en scène Meurtre dans un jardin anglais. J’étais flatté, ravi. Il m’a fait regarder des tableaux de Rembrandt en me demandant si je pouvais moderniser un peu tout cela. Je me souviens particulièrement d’une robe d’Helen Mirren dont la couleur changeait selon les pièces qu’elle traversait. Puis, j’ai fait trois films avec Pedro Almodóvar et ses merveilleuses actrices. Pedro veut tout voir, il veut avoir le pouvoir sur tout et il assistait même aux essayages. Je me souviens que les essayages de La Mauvaise Éducation se sont mal passés. Gael García Bernal ne semblait plus très satisfait d’interpréter un travesti et il a mis quatre jours pour venir essayer sa robe lamée, très moulante, à Barcelone. Il nous a fait un caca nerveux, et ça s’est envenimé avec Pedro, je me suis même demandé si le film n’allait pas s’arrêter… J’ai déjà été jury au festival de Cannes. Il y avait parfois des réactions étonnantes, des prix d’interprétation que certains ne voulaient pas donner, peut-être à cause de rivalités… Je ne vous donnerai pas de noms… Je me souviens que Nanni Moretti, président cette année-là, nous a dit qu’il n’aimait pas le cinéma de Michael Haneke, mais il nous a laissés libres de notre vote et nous avons donné la Palme d’or à Amour. »
Festival international du film de Saint-Jean de Luz
Du 3 au 9 octobre au cinéma Le Select
Plus d’infos : www.fifsaintjeandeluz.com
Par Marc Godin