EMMA STONE, LA FAVORITE : « LE SEXE COMME UNE CHORÉGRAPHIE… »

Emma Stone

Girl next door vue dans SuperGrave, La la Land ou un Spider-Man, Emma Stone, 35 ans, se réinvente dans Pauvres Créatures, un film vraiment stone du Grec Yórgos Lánthimos.
Résultat, un Golden Globe et bientôt un second Oscar mérité.

Légende photo : LE MONDE EST STONE_ Avec le cinéaste grec Yórgos Lánthimos, Emma Stone prend un virage vers un cinéma plus étrange. Sa performance est époustouflante et elle est en course pour l’Oscar

Comment expliquer votre collaboration avec le cinéaste Yórgos Lánthimos, avec qui vous avez déjà tourné La Favorite, le court-métrage Bleat et un film mystérieux qui doit sortir en 2024, Kind of Kindness ?
Emma Stone : Je me pose cette question tous les jours. Nous sommes presque à l’opposé l’un de l’autre. Il est très mesuré dans son approche alors que j’ai envie de rire et de m’amuser. J’ai pour lui une admiration que je ne saurais exprimer par des mots.

« ON FAIT DES CHOSES DRÔLES ET PARFOIS EMBARRASSANTES, MAIS COMME CELA, ON EST PRÊT. »

 

Il y a-t-il une méthode Yórgos ?
On se comprend parfaitement sans trop parler. Yórgos n’aime pas trop intellectualiser les choses, ce qui est vraiment formidable. Il est très ouvert aux suggestions, et avec lui, le travail est très pratique. On essaie différentes options, on tâtonne, on avance… Et j’adore le matériau sur lequel il travaille. C’est une merveilleuse collaboration, vraiment. Pour Pauvres Créatures, nous avons répété pendant trois semaines, exactement comme pour La Favorite. Les acteurs jouent, s’amusent ensemble, on intègre les dialogues et les mouvements corporels, on fait des choses drôles et parfois embarrassantes, mais comme cela, on ne bloque pas au moment du tournage, on est tous prêts. C’est vraiment le fonctionnement d’une compagnie théâtrale. C’est juste formidable. Et fun, bien sûr. 

Qui est votre personnage ?
Bella est comme une enfant. Elle n’est pas conditionnée, ne sait pas ce que la société attend d’elle. Elle se construit avec un appétit de liberté qu’elle place au-dessus de tout : du genre, des conventions, du regard des hommes… Chez elle, j’adore surtout son amour de la vie.

Vous marchez de travers, balancez des horreurs, recrachez votre nourriture, apparaissez souvent nue… Vous jouez à la fois une enfant et une adulte. Comment avez-vous réussi cette performance ?
Le script de Tony (McNamara, scénariste de La Favorite, ndlr) était brillant et nous avons tourné dans l’ordre chronologique. Encore une fois, on a beaucoup expérimenté. Bella a un corps d’adulte, mais au début, c’est un bébé, une enfant, elle n’est absolument pas coordonnée. J’ai essayé des mouvements robotiques, saccadés, travaillé mes expressions faciales… C’était un boulot au jour le jour, en expérimentant tout le temps. 

C’est votre rôle le plus difficile ? 
Ça a surtout été mon rôle le plus joyeux !

Vous avez travaillé avec une coordinatrice d’intimité pour filmer les scènes de sexe. C’est important pour une actrice ?
Avec toute la préparation lors des répétitions, je pensais que nous n’en avions pas besoin. J’étais même contre, mais j’avais tort. La confiance que je plaçais en Yórgos me semblait suffisante. Il voulait absolument une coordinatrice d’intimité sur le plateau, ce n’était pas négociable. Ça a été une expérience extraordinaire. Elle McAlpine (qui a travaillé sur les séries Mercredi ou The Full Monty, ndlr) a créé un environnement très sécurisant, très intime. Elle a envisagé les scènes de sexe comme des chorégraphies qui permettent aux scènes intimes d’être plus réalistes. Tout était tellement plus simple avec elle, son apport a été décisif. Elle a été une collaboratrice artistique de premier ordre.

Envisagez-vous Pauvres Créatures comme une œuvre féministe ? 
C’est le récit de la prise de pouvoir d’une femme, le film est donc éminemment féministe. J’aime tellement Bella, elle a changé mon regard sur le monde. Quant au personnage de Duncan, il incarne la masculinité toxique. Le fait qu’il soit interprété par Mark Ruffalo est un choix brillant de la part de Yórgos.

Parlez-nous de votre danse incroyable avec Mark Ruffalo ? 
C’est une des seules séquences que nous avons répétées convenablement, avec la danseuse et chorégraphe Costanza Macras, qui avait déjà travaillé sur La Favorite. C’était vraiment amusant de tourner cette séquence, avec le coup de pied dans les couilles de Mark. On a attendu des mois avant de danser et on a filmé cela à la toute fin du tournage. 

Vous êtes également productrice du film. En quoi a consisté ce boulot ? 
Ça été juste une suite de conversations avec Yórgos. Il a un contrôle créatif complet, j’étais là pour l’aider à imposer sa vision, pour le soutenir. 

Des décors immenses ont été construits dans des studios de Budapest, où ont été recréés Londres, un paquebot, Paris et son bordel, l’hôtel d’Alexandrie et des bidonvilles…
Le premier jour, j’ai été époustouflée parce qu’il m’a fallu 45 minutes pour parcourir l’ensemble du site. Il y avait des restaurants et des hôtels, c’était comme s’ils avaient créé une ville entière. Ces décors m’ont facilité le travail, tout était tellement détaillé, vrai. C’était juste hallucinant.

Avec un tel personnage, avez-vous été obligée de jouer différemment de d’habitude ?
Hum, j’espère surtout que je n’ai pas d’habitudes de jeu… Avec un peu chance, tout ce que vous créez est différent. Si vous faites votre job correctement, bien sûr (elle éclate de rire).

Pauvres Créatures, en salles

 

Par Marc Godin
Photo Yórgos Lánthimos