FESTIVAL MÊME PAS PEUR 2025 : NICOLAS CAGE EN TONGS

NICOLAS CAGE meme pas peur technikart

À la Réunion, deux chocs du festival du film fantastique Même pas peur : The Surfer et Strange Darling.

Ça se passe au sud de nulle part, en plein océan indien, sur l’île de la Réunion. Depuis quinze ans, Aurélia Mengin, également réalisatrice (Scarlett Blue) organise le festival Même pas peur, dans la petite ville de Saint-Philippe, dans la région du Sud sauvage. Dans une île secouée par les cyclones et les éruptions volcaniques mais pauvre en cinéma, elle offre tous les ans un festival radical, transgressif, un espace de liberté où elle présente une soixantaine de films (courts et longs), des œuvres fantastiques, étranges et décalées, présentées en exclu à un public fidèle, avide de sensations fortes.

Un des grands moments de cette 15e édition aura été The Surfer. Pour son nouveau film, l’Irlandais Lorcan Finnegan (Vivarium, The Nocebo Effect) délaisse le fantastique pur et dur et filme le chemin de croix de Nic Cage venu surfer sur la plage de son enfance en Australie avec son fils ado. Il ambitionne de racheter la maison idyllique ayant appartenue à son grand-père, mais sur la plage, les surfeurs locaux, des mascus tribalistes, lui barrent la route et le menacent. « Don’t live here, don’t surf here ! » Il pourrait partir, il devrait partir, mais il va squatter le parking avec vue sur mer, observer et tenter d’affronter ses adversaires irascibles, menés par Julian McMahon (Nip/Tuck). L’enfer s’ouvre alors sous ses pieds, entre réalité et cauchemar. Dans cette lutte inégale, il va perdre sa luxueuse voiture, sa montre, son portable, ses chaussures, mais surtout sa dignité et sa raison, se transformant au fil des jours, des épreuves et des agressions en clochard. La réalité s’évapore alors que le soleil cogne de plus en plus et le spectateur ressent physiquement chaque microseconde de son supplice. Dans une ambiance à la Beckett, le film se transforme alors en expérience physique, en trip zinzin, et évoque le classique de Ted Kotcheff, Wake in Fright (Réveil dans la terreur, 1971), descente aux enfers d’un jeune instituteur, avec paysans demeurés, alcool, baston et massacres de kangourous dans l’outback australien. Lorcan Finnegan déjoue les attentes du spectateur (le film n’est en rien le revenge movie attendu), filme des animaux qui rôdent (avec la réplique culte « Eat the rat »), la torpeur, la folie, et même l’image semble se gondoler sous l’effet de la chaleur infernale. Poisseux, fascinant, The Surfer est le véhicule parfait pour Nic Cage, une nouvelle fois ahurissant dans le rôle de ce Christ sans croix, qui veut communier avec l’océan et le ciel, sur sa planche de surf mais qui erre constamment sur le bitume brûlant d’un parking. Véritablement stupéfiant, The Surfer devrait sortir dans les salles en mai.

Plus ludique, Strange Darling de J.T. Moliner, est une œuvre programmatique en six chapitres, présentés dans le désordre, à la Tarantino. On commence avec le chapitre 3 et l’on tombe sur un serial killer moustachu qui poursuit dans son pick up une jeune victime, avec la ferme intention de lui exploser la cervelle. Pour le reste, le cinéaste s’évertue à manipuler le spectateur et la réalité (chaque segment contredit le précédent), et l’on évitera de révéler le moindre twist de cette histoire de petit chaperon rouge et du loup, où les apparences peuvent se révéler mortellement trompeuses. Dans ce jeu de massacre à la fois sexy et sanglant, Willa Fitzgerald (que l’on va revoir dans le prochain Kathryn Bigelow) est assurément éblouissante et la sublime photo en 35 mm est signée Giovanni Ribisi, acteur vu dans la série Friends (l’inénarrable frère de Phoebe) ou dans Avatar.

Festival Même pas peur
https://festivalmemepaspeur.com/


Par Marc Godin