Voilà dix ans que Guillaume Gibault et sa joyeuse bande montrent qu’un Slip Français peut être made in France pour de vrai. Rencontre (presque) à nu.
Guillaume arrive souriant, à dos de son vélo griffé Made In France et son look très casual. Il est en full Slip Français, et pas seulement en boxer (il nous confiera que c’est le sous-vêtement qu’il porte le plus) ! La marque propose des tenues complètes dignes des meilleurs. Mais au-delà de son air détendu, il s’anime dès qu’il s’agit de parler des engagements que la marque défend depuis dix ans maintenant. Cette aventure qui partait d’une blague l’a porté vers une entreprise aujourd’hui symbole du savoir-faire français, exemple pour les nouvelles générations. Le jeune homme nous en dit plus sur les dessous de sa vision …
Le Slip Français fête ses dix ans cette année que avez fondé en commençant à vendre vos 600 slips. Aujourd’hui, la jeune génération réclame de la mode éthique mais n’a jamais autant consommé de fast fashion. Comment convaincre cette dernière d’acheter du Made in France quand on voit que le lot de six culottes chez H&M est à 12,99 euros contre 100 euros chez vous ?
Guillaume Gibault : Tout l’enjeu repose sur la consommation, le but est d’acheter moins souvent mais des produits de qualité. Le prix est révélateur de tout le travail qu’il y a derrière. H&M vend des culottes à 12 euros mais ils fabriquent leurs produits à l’autre bout de la planète, dans des pays où le droit du travail n’existe presque pas, et dans quelles conditions ? Nous produisons pour beaucoup plus cher financièrement mais le prix sociétal et environnemental est bien meilleur parce que c’est un circuit court donc moins émetteur de carbone. À la place de faire beaucoup de marges nous répartissons mieux la valeur entre le client, l’usine, les gens qui fabriquent et la marque.
Dans une interview, tu parles de Vinted pour éviter la sur-consommation. Mais penses-tu que l’on ait envie de racheter des sous-vêtements d’occasion ?
Alors c’est vrai que le sous-vêtement est un peu un cas particulier (rires) ! C’est moins pratique pour la seconde main. Mais sur notre site, nous avons ouvert une partie dédiée à ça pour les maillots de bain, les pulls, etc. Et pour le sous-vêtement on pense au recyclage. On travaille depuis deux ans sur un projet qui s’appelle « Mon Coton » en collaboration avec la marque 1083 et on récupère des gisements (des vieux vêtements, ndlr), on les défibre entièrement pour refaire un fil à partir de ça, ce qui en fait vraiment une économie circulaire sans récréer de la matière. Mais oui, il y a une barrière psychologique qui va être dure à passer pour les sous-vêtements de seconde main.
En 2020, le Slip Français est devenu une « entreprise à mission ». Quel est le bilan ?
Notre mission consistait à réinventer avec panache l’industrie du textile français. Nous étions entre l’ambition et le concret. Le bilan aujourd’hui est que l’entreprise à mission est un outil formidable parmi toute la palette de choses pour créer une entreprise durable, responsable et qui s’attache à un impact social et environnemental. La mission donne un point de départ où s’alignent les parties prenantes dont les clients qui font partie de notre comité. Au bout d’un an, ça a permis de clarifier ce que l’on faisait sans le formaliser, on sait que c’est pour ça que les gens viennent travailler dans notre boîte.
« ON VEUT RÉINVENTER AVEC PANACHE L’INDUSTRIE DU TEXTILE FRANÇAIS. »
Cette mission est en lien avec la création des masques que vous avez lancée ?
Oui complètement ! La mission a été écrite en février 2020 et finalement, trois semaines plus tard, les restrictions dues au Covid démarrent. On a participé à créer le réseau Façon de Faire dont je suis le président aujourd’hui, qui a fabriqué plus de 200 millions de masques et 10 millions de blouses pour les hôpitaux. Je suis très fier qu’on ait pu faire ça en temps qu’équipe et entreprise ! On a été au rendez-vous dans un moment important.
Quel public visiez vous avec votre marque en 2011, en 2021 et en 2031 ?
Je pense qu’il ne bougera pas trop. Les gens vont vieillir avec la marque mais il y aura aussi du nouveau. Depuis le début, on a vraiment le même public avec une moyenne d’âge de quarante ans. Nous avons le même pourcentage d’acheteurs hommes et femmes. Et dans dix ans, il faudra s’adapter pour capter des nouveaux leviers.
Quelles sont les premières réactions que tu as eu en lançant la marque ? Et quel regard portes-tu sur celle-ci aujourd’hui ?
Les mêmes qu’aujourd’hui. Tout le monde en fait des blagues, tout le monde se marre. Et je pense que le nom de la marque est à la fois sa plus grande force mais aussi une faiblesse. Beaucoup de gens pensent qu’on ne parle que de slip, ils ne voient que le côté second degré de ce qu’on fait, alors qu’on se bat vraiment tous les jours pour fabriquer localement. Et porter le nom « Français », c’est une responsabilité. Mais je n’en choisirai pas un autre. J’aime ce côté d’audace, de pari et j’essaye de le garder vivant même après dix ans.
Pourrais-tu relancer des projets comme le « slip qui sent bon » en 2013 ?
Dans le côté de projet innovant et audacieux oui. Après nous avons mûri, j’avais 25 ans au début, on rigolait tout le temps avec le mot « slip » et là, je commence à avoir fait toutes les blagues autour de ça (rires). Aujourd’hui, on veut vraiment rester innovant et audacieux mais sur des projets un peu différents. La semaine prochaine on lance notre première usine de chaussons parce qu’on les vend très bien et on n’arrive pas à les fabriquer assez vite.
Et qu’en est-il des projets comme « bouge ton pompon » pour aider le Téléthon ?
C’était la dernière année en 2020, on l’a fait pendant huit ans et reversé plus de 600 000 euros à l’association. Mais cette association était un peu plus éloignée de notre coeur de métier donc on a décidé de continuer nos actions solidaires avec la Fabrique Nomade. Elle accompagne les migrants et les réfugiés régularisés en France qui ont un savoir-faire textile et du mal à trouver du boulot.
Votre chiffre d’affaire a augmenté d’environ 13 % entre 2019 et 2020, malgré le Covid. Comment l’expliquez-vous ?
Le Covid nous a pas mal portés, puisque nous vendons principalement sur Internet, beaucoup de gens sont venus acheter chez nous quand les boutiques étaient fermées. La pandémie a fait réfléchir les gens sur ce qu’ils achètent, comment, pourquoi. Nous avons eu des nouveaux types de clients, ce qui prouve que les mentalités ont pas mal évolué.
Quel sous-vêtement irait le mieux à Technikart ?
Le Samuel, le boxer en modal qui est vraiment tout doux, parce que je trouve qu’il y a une bonne vibe, un bon accueil dans votre équipe.
Par Margot Pannequin
Photos Alexandre Lasnier