Alors qu’il clamait, il y a un mois à peine, que la version en ligne de Touche Pas à Mon Poste cumulait des records d’audience, Cyril « Baba » Hanouna met fin à l’émission un mois plus tôt que prévu. Mais que s’est-il donc passé ? Décryptage.
« Les chéris, j’ai une annonce importante à vous faire ». Vendredi 21 mars, il est 21h10 quand Cyril annonce à ses fidèles chroniqueurs qu’ils ne leur restent que trois émissions à vivre. L’équipe semble apprendre en direct qu’elle participera ensuite à un « séminaire », pour travailler à « la suite des opérations ». Une surprise de la part de celui qui promettait lors de sa (première) dernière du 27 février de durer le plus longtemps possible, « peut-être jusque fin avril ». Cyril Hanouna finalisait alors la création de son nouveau joujou, une chaîne TV en ligne diffusée en direct sur YouTube, Dailymotion (dont Canal+ est actionnaire à 100%) et 6 autres ondes de box wifi. Le jour même de la fermeture de C8 – sur décision de Vincent Bolloré, suite au non renouvellement de sa fréquence TNT par l’Arcom, l’organisme régulant les ondes, qui pointe de nombreux manquements et dérapages –, l’animateur signait précipitamment ses contrats avec plusieurs fournisseurs internet lors de la coupure pub de Touche Pas à Mon Poste.
RÉPRIMANDE DE LA DGCCRF
S’ensuivirent trois semaines d’expérimentations : Hanouna a d’abord tenté d’appliquer à son direct les mêmes stratégies que sur C8. Sa première le 3 mars comportait deux coupures pubs de 15 minutes, dont les annonceurs sont pour la plupart (Carglass, Volkswagen Utilitaire…) chez Havas Market (propriété Bolloré) – avant de se faire réprimander par la plateforme et la DGCCRF (Direction Générale de Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). Depuis cette réprimande, sur YouTube, les revenus des émissions proviennent uniquement de AdSense, la régie publicitaire de la plateforme. Les spots ne sont donc plus contrôlés ni par Canal ni par H2O (la société productrice des émissions d’Hanouna).
Hélas pour « Baba », ces revenus – ceux provenant de YouTube, et ceux ramenés par la régie Canal (les spots diffusés via les box wifi étaient toujours gérés par la régie pub de Canal +) – n’étaient, de toute évidence, pas suffisants. Pour rappel, du temps de sa splendeur (sic), Touche Pas à Mon Poste rapportait en moyenne 145 000 euros par émission, selon Le Figaro en 2018.
« UNIVERS EXTRÊMEMENT VIOLENT »
« Déglingage de porte en slip ! » C’est un titre parmi tant d’autres extraits postés sur YouTube (extraits cumulant entre 10 et 174 000 vues chacun – pas de quoi rendre son YouTuber riche) aux côtés des replays complets de l’émission. La société de production H2O, déjà bien affectée depuis que C8 a cessé d’acheter pour 125 000 euros une émission dont les frais de production s’élevaient à 80 000 euros (selon Le Point en 2018), est à la peine. D’ailleurs, les records d’audience – plus de 1,6 millions de spectateurs pour la troisième partie de TPMP –, partagés par la prod’ lors des deux premières émissions « online » n’ont plus été cités depuis. Sur YouTube, les replays du « premier talk show » (dixit son animateur) cumulent à peine entre 20 et 30 000 vues…
« On est encore là, on fait encore plus ce qu’on veut qu’avant, on est encore plus libres qu’avant, on va encore parler encore plus de sujets de société » fanfaronnait l’animateur à l’antenne le 3 mars. Selon le journaliste média Clément Garin, ce serait plutôt David Larramendy, le président du directoire de M6, qui aurait demandé en personne l’arrêt de l’émission. Une manière de sauvegarder l’image de leur future tête d’affiche : à la rentrée, Touche Pas à Mon Poste doit reprendre sur W9 (groupe M6), et son émission radio sur Fun Radio (également groupe M6). Il faut dire que l’enquête que vient de lui consacrer Médiapart (« Un univers extrêmement violent » disent-ils pour décrire ses rapports avec ses collaborateurs), enregistrements audio à l’appui, n’est pas du meilleur effet. D’autant que son deal avec le groupe M6 pour sa future émission était clair : du pur divertissement, et plus de politique. Le ton des trois dernières semaines, sans compter son émission quotidienne sur Europe 1 (On Marche sur la Tête) poussent à douter : Cyril Hanouna saura-t-il seulement revenir à son ancienne formule de « pure darka » (abandonnée en 2018 au moment de sa couverture du mouvement des Gilets jaunes) ?
APPEL AUX ANNONCEURS
Avec sa Zoubida TV, l’animateur-producteur est devenu également diffuseur, se créant un espace à lui, qu’il a célébré dès sa première émission « online » en citant à l’antenne une dizaine de marques, dont Louis Vuitton, Gucci et K-Way. Un geste pour lequel il affirme ne pas avoir été rémunéré, mais selon Usul, journaliste du média en ligne engagé à gauche Blast, il s’agissait plutôt d’un appel aux futurs annonceurs, visant à montrer qu’il pouvait désormais gérer ses pubs seul, sans le groupe Bolloré, et sans, au besoin, le groupe M6. Hélas pour lui, ces trois dernières semaines l’ont rappelé à la dure réalité. Pas d’audimat, pas de pub, et pas de « flouze »… Vivement sa rentrée sur W9 ?
Par Sheldon Plankton