Les kings mexicains de l’électro-métal indus fêtent leurs trente ans de carrière avec une tournée aux Etats-Unis et en Europe. Entretien avant leur passage à Paris au Petit Bain le 9 juillet.
Derrière les concerts électro métal indus et le studio, avez-vous une vie normale ?
Oscar Mayorga (keyboards) : Évidemment ! On ne vit pas dans une cave ! J’habite dans une grande maison où j’ai mon propre studio, et j’y passe le plus clair de mon temps à composer et à tester. Sinon, je fais du tennis, la cuisine, j’adore conduire… Mais j’aime par-dessus tout faire de la musique.
Erik Garcia (chanteur) : Eh oui, on a une vie normale et ennuyeuse. J’ai une femme et des enfants, je fais les courses…
Vous donnez vos concerts en combis cuir un brin flippantes – vous êtes des fanas de Mad Max ?
Oscar : On est plutôt David Lynch, Mulholland Drive et Lost Highway, le Dobermann de Jan Kounen…
Erik : Sans oublier Enter the Void de Gaspar Noé !
Vous enregistrez chez vous, Erik à Leipzig en Allemagne et Oscar à Mexico city. Vos voisins vous en veulent beaucoup ?
Erik : J’habite dans une maison, sans voisin : Je peux crier toute la journée sans problème ! Même si je meurs et que je crie à l’aide, personne ne viendra à mon secours (rires). J’ai vécu en appartement il y a 12 ans, et c’était un problème à ce moment-là. Je ne pouvais chanter qu’en journée durant les heures où les voisins étaient partis travailler. Quand j’ai fait construire ma maison, j’ai enfin eu mon propre espace où je pouvais crier à n’importe quelle heure, même à 2 heures du matin.
Pour vos noms de scènes, vous avez mis à l’envers vos prénoms, Erik et Oscar. En panne d’inspiration ?
Oscar : Oscar est très commun au Mexique, pas cohérent avec le milieu de la musique où tu dois être un ovni.
Erik : On voulait inventer des personnages différents et nous détacher des personnalités d’Oscar et Erik, pour créer sans affect en oubliant qui nous sommes, notre famille et notre vie de tous les jours.
Erik, tu es le chanteur du groupe. Quelle est ta routine pour éviter de perdre la voix entre deux shows ?
Erik : Je fais ça depuis 30 ans donc je sais jusqu’où je peux aller pour ne pas me blesser en concert et pendant les répétitions. Au début, je me cassais régulièrement la voix. Avec l’expérience je sais exactement comment l’utiliser, je peux enchaîner les concerts pendant des mois sans jamais abîmer mes cordes vocales. Parfois je fatigue un peu, mais je prends beaucoup soin de moi, je prends du thé, du gingembre, et tout un tas de trucs.
En 1989, vous vous lancez sur le projet Niñera Degenerada, et vous bricolez vous-mêmes vos instruments, vos synthés. La débrouille, ça fait partie de l’ADN de la musique électronique ?
Oscar : À cette période, on n’avait aucune idée de ce à quoi ressemblait un synthétiseur (rires). On a commencé à brancher notre clavier à une ampli et à produire un son particulier. On a fini par le casser en le reliant au courant. C’était fou, on avait 15 ans et on découvrait de nouveaux styles !
Erik : On n’avait pas les moyens d’acheter un micro donc on utilisait le magnétophone que mon père m’avait offert, et on s’en servait comme micro.
Comment utiliser un magnéto comme micro ?
Erik : On enregistrait avec le magnétophone, et on se connectait à un câble branché à la sono pour enregistrer les voix ! C’était fun d’exploiter tout ce qui nous tombait sous la main.
Vous découvrez aussi de nouveaux styles grâce à Rock 101.
Erik : C’est l’émission de radio qui nous a attirés vers l’underground ! Ça a été une vraie révélation de découvrir des groupes comme Skinny Puppy ou Clinic. N’importe où les radios ont tendance à jouer les mêmes morceaux mainstream. Grâce à cette émission, on a été très tôt confrontés à ce genre musical. Un jour on a même rencontré l’un des présentateurs et on lui a filé nos disques.
Oscar : C’était le début de la musique métal-goth et on était fascinés, c’est ce qui nous a poussés à créer Hocico.
Mais aujourd’hui des émissions à large audience comme l’Eurovision mettent en avant des artistes atypiques comme Maneskin.
Erik : Mes enfants les adorent ! C’est une manière pour eux de découvrir le rock. C’est mieux qu’une bande comme eux gagne l’Eurovision plutôt qu’un groupe pop plastique.
Dans vos textes, vous évoquez la mort, les abus sexuels. Bien loin des valeurs chrétiennes dans lesquelles vous avez grandi. Le métal était l’opium qui vous permettait de vous évader ?
Erik : Ça, c’était la mentalité des débuts ! On voulait être des rebelles, faire un doigt d’honneur à la société, être extrêmes et jouer là-dessus. C’est devenu une arme de résistance, et exposer les côtés sombres de la vie pour la critiquer. On aborde l’injustice, la violence, pour faire réfléchir le public sur sa situation et son rôle sur terre. C’est vraiment cathartique de parler de ces choses dont on ne parle jamais au quotidien. On se sent bien après, on n’a pas envie d’aller frapper quelqu’un ou commettre un meurtre… quoique… (rires)
Billetterie du petit bain :
https://billetterie.petitbain.org/evenement/09-07-2022-20-00-hocico-amk-afterparty-punish-your-machine
Entretien Théo Lilin