Avec ses 1, 93 m de mollesse élastique (entre Pierre Richard et Sacha Baron Cohen), le co-réal de « Tout Simplement Noir », César du meilleur espoir 2021 est le nouveau héros de la comédie française. Vivement la suite !
Les récompenses, c’est important ?
Jean-Pascal-Zadi : J’ai toujours voulu me faire reconnaître en tant que Français à part entière, en tant que citoyen, et maintenant, j’ai la reconnaissance de mes pairs. Je suis content. Et fier ! Ça veut dire que s’il y a beaucoup de problèmes en France, de la discrimination, il y a également de petites zones de lumière. Si tu te fais confiance et que tu passes les obstacles, si tu as du talent et si et si et si, tu peux y arriver (il se marre). C’est possible, j’en suis la preuve ! Mes enfants grandissent dans une France qui est différente de la mienne, où les Noirs peuvent rêver d’une carrière en dehors du foot et du rap. Leur père est même cinéaste !
2020 a été une belle année pour toi.
Quand je discute et qu’on me dit que 2020 a été une belle année de merde, je réponds oui, oui, mollement. J’ai gagné de l’argent, je suis nommé aux César, pas mal… Tout simplement noir devait sortir le 15 avril et il y a eu le confinement. Le film est sorti dès la réouverture des salles, et malgré la régle des « un siège sur deux », nous avons fait 780 000 entrées. Les gens étaient stressés, ils avaient envie de se marrer et je suis heureux d’avoir aidé les gens à rigoler, c’est presque un service rendu à la France, frère. Le but, c’était de faire rigoler, mais en utilisant la gêne, le malaise, avec des sujets graves, une cartographie de l’identité noire française, sans manichéisme.
Le propos politique du film est très fort.
C’était primordial. On voulait dire que le Noir est une invention, une création. Noir, Blanc, ça n’existe pas, ce sont des identités construites. Je suis noir, Fabrice Eboué est noir, on n’a rien en commun, ce n’est pas cela qui nous caractérise. Toi et Dominique de Villepin, vous n’avez rien en commun, pourtant, vous êtes blancs. Ce qui compte, c’est l’humanité. Il faut arrêter de se percevoir en fonction de sa couleur de peau, de son genre, de son orientation sexuelle ou de sa religion. Nous sommes des êtres humains, tout simplement.
As-tu été victime du racisme ?
Tu rigoles ? Je ne rentrais jamais dans les boîtes, car on ne voulait pas de nous. J’étais obligé d’aller dans les soirées de Noirs, les soirées afro, ou on écoute du zouk, du rap. On était prêt à danser sur de la dance, ou même de la techno ! Mais bon, les soirées zouk, c’est pas mal ! Au cinéma, j’ai fait quelques castings. À chaque fois, c’était homme de ménage, dealer ou vigile. C’était l’état du cinéma français de l’époque, avec les mêmes réalisateurs qui tournaient les mêmes types de sujets. Il y a maintenant des cinéastes avec des profils différents : Ladj Ly, Mati Diop, Alice Diop, Maïmouna Doukouré, l’école Kourtrajmé… Ça change ! Quand j’étais en maternelle, les autres ne voulaient pas me donner la main, parce que j’étais noir. Mais ce sont nos blessures qui nous construisent. Il y a bien sûr quelque chose de brisé en moi (il se marre). Comme tout le monde !
Quand j’ai découvert Tout simplement noir, j’ai été épaté par tes qualités de mime, cette façon de jouer avec ton corps qui m’a rappelé… Pierre Richard.
Je prends le compliment, merci. C’est une de mes références. Je voulais que mon corps fasse partie intégrante de la comédie. Quand Claudia Tagbo me met une tarte, je voulais vraiment tomber et éclater la table. J’avais dit à mon coréalisateur, John Waxx, « Si on casse pas une table, ce sera pas un bon film ! » Du pur Belmondo, ou Pierre Richard, j’aimais trop cela étant petit.
Quelles sont tes influences ?
J’ai une culture 100 % française : Le Magnifique, Les Trois Frères, La Grande Vadrouille, Louis de Funès, Jean-Paul Belmondo ou Jean Gabin, un Normand comme moi. Je suis noir aussi, mais je suis Normand ! Et cela fait autant partie de mon univers que Eddie Murphy et Will Smith. J’ai grandi avec les films de TF1, car je viens d’une famille pauvre. Pour aller au cinéma, il fallait acheter le ticket de bus pour aller à Caen, acheter les places alors que nous étions dix frères et sœurs. Moi, les films, c’était donc à la télé. Et donc L’Arme fatale, Les Bronzés, Clint Eastwood ou Un justicier dans la ville. Puis, ado, j’ai cherché plus d’identification et comme il n’y en avait pas ici, je l’ai trouvée avec Eddie Murphy. Il y a bien eu Isaach de Bankolé à un moment, avec Black Mic Mac et Vanille fraise, mais Eddie Murphy, qui faisait marrer les Noirs et les Blancs, a tout raflé.
La saison 2 de Craignos arrive.
On est super contents. Ça va être en mars sur France TV, dix épisodes de 26 minutes, avec Eric Judor, Rossy de Palma, Fadily Camara… Du Craignos avec un peu plus de moyens car la saison 1, on l’avait faite pour le net. Et plus de thriller…
Et à la Gaumont, ils t’adorent maintenant ?
(Il se marre.) Ça se passait très bien quand on a fait Tout simplement noir. C’est la première compagnie qui m’a fait confiance et je les remercie. J’écris le second avec John Waxx et on pense tourner en septembre, une comédie sociale, très libre, sur un sujet pas drôle. Ça me fait même peur ! Comme disent nos amis les rappeurs, ça va être du très très lourd ! Grâce au succès, je reçois beaucoup plus de scénarios, pour faire l’acteur, notamment avec Michel Hazanavicius, ou pour réaliser. Je ne suis plus un pestiféré !
Et sinon, la place de Jean-Pascal Zadi dans le cinéma d’après?
Je vais continuer à être sincère et à faire des choses qui me ressemblent. Je veux pas essayer de faire des trucs pour faire de l’argent , pas essayer d’être partout pour être partout, ça marche pas ca … Rester fidèle à soi-même, c’est important.
Les Craignos saison 2 : disponible sur France TV
Entretien Marc Godin
Photo : Emma Birski