JÉRÉMY CLAPIN : « TOUT EST PARTI DE MA FASCINATION POUR L’ESPACE »

film Pendant ce temps sur Terre

Après le génial film d’animation J’ai perdu mon corps, Jérémy Clapin passe au film live avec Pendant ce temps sur Terre, une œuvre étrange et sombre sur le deuil et… une invasion extraterrestre.

Qu’est-il est arrivé à votre main ?
Jérémy Clapin : Je me suis déchiré le tendon et je me suis fait opérer parce que je ne pouvais plus dessiner, je fatiguais très vite. C’est le scapho-lunaire. J’ai été opéré sous arthroscopie et j’ai regardé l’opération via un écran. C’était de la haute couture !

Donc votre prochain film ne sera pas un film d’animation ?
Bah si, je crois que ça sera quand même un film d’animation (rires). Après, je pense que je peux dessiner, mon dessin n’est pas une finalité. Je peux me permettre de dessiner mal, du moment que l’on comprend un peu ce que je fais.

Qu’est-ce qui vous a fait passer du film d’animation précédent, J’ai perdu mon corps, où vous avez eu tous les honneurs, à ce film de SF live, Pendant ce temps sur Terre ?
Un film qui marche bien et qui est universel, c’est une forme de hasard. Donc essayer de reproduire ça, c’est se décevoir soi-même et les autres. Ça m’était déjà arrivé avec mon court-métrage, Skhizein, je ne peux pas reproduire ça de manière fabriquée. Donc je m’en éloigne en allant vers des trucs que je ne sais pas faire.

Pendant ce temps sur Terre est votre premier film de fiction.
En prises de vues réelles, c’est le premier, oui. C’est un peu déraisonnable, mais j’ai toujours voulu me confronter à la prise de vue réelle et j’ai profité du succès de J’ai perdu mon corps pour me le permettre. J’avais bossé sept ans sur J’ai perdu mon corps, très long, j’avais envie d’aller vers autre chose.

Le pitch, c’est une invasion extraterrestre lo fi ?
Pas forcément, parce qu’un pitch est forcément réducteur avec ce genre de film. Au début, je ne me suis pas dit que j’avais envie de raconter une histoire d’extraterrestres. J’aime le fantastique, mais surtout à petites doses, quand il bouscule peu à peu la réalité. Il y avait d’abord une volonté de faire un film sur l’espace, depuis la Terre, de raconter cette fascination que j’ai pour l’espace. Tout est parti de là ! On est coincé sur Terre, on n’ira jamais dans l’espace. Et pourtant, ces deux mondes-là se font face et se regardent l’un l’autre en permanence. J’ai commencé à développer cette histoire de deuil. Un personnage sur Terre, Elsa, dont le frère a disparu, car il est parti dans l’espace. Et ça me permettait d’établir un univers dans un entre-deux mondes.

Le spectateur ne sait jamais où se déroule l’action.
Je ne voulais pas forcément ancrer le film dans le réalisme. Nous avons filmé en Auvergne, dans des lieux que l’on ne voit pas beaucoup au cinéma. On a un EHPAD qui ressemble à un vaisseau spatial, une forêt qui est à la fois très naturelle mais très construite et architecturée, une forêt qui fait écho à la structure du vaisseau. Il y a des univers très différents dans le film, mais avec des architectures un peu poreuses, des liaisons.

Combien de temps avez-vous travaillé sur ce film ?
J’ai écrit ce scénario pendant la pandémie, c’était comme une résidence à la maison. Je l’ai écrit assez rapidement, et évidemment, il y a eu une deuxième version où j’ai traîné un peu et j’ai écrit aussi pendant le tournage… Le tournage a duré sept semaines. J’ai trouvé cela dur parce que c’était ma première expérience, donc j’étais peut-être moins préparé que d’autres, mais j’avais un storyboard précis. Avec le temps qui passe trop vite, je devais faire des choix, réduire… Je crois que c’est un film qui se situe dans les 4 millions.

Vous avez aimé diriger des comédiens ?
C’est à la fois facile et compliqué. Tout le monde a envie de réussir le film, mais c’était très dur pour les comédiens, notamment pour Megan qui est dans tous les plans. Son personnage est très isolé dans le film et elle parle à une voix intérieure. Ça peut être très violent, un tournage. Mais Megan a un instinct, elle est toujours juste.

Ça vous a plu ?
Beaucoup, ça m’a beaucoup stimulé, ça a été très intense. Le tournage amène dans des zones d’inconfort, dans lesquelles il faut arriver à rester soi même. J’ai réussi tout ce que j’étais en mesure de réussir le jour J. Certaines séquences ne sont pas comme je les avais pensées, mais je trouve cela bien. Le film a sa vie propre ; les décors peuvent venir changer ce qu’on avait écrit, les personnages aussi. C’est aussi cela que je venais chercher par rapport à l’animation.

Vous avez écrit déjà le prochain ?
Je suis en train d’écrire plusieurs projets. Il y en a un qui est déjà écrit et qui est déjà en cours de production. C’est un film en stop motion. Je pense que le prochain sera un film d’animation. Et un autre en prise de vue réelle.

Vous avez quel âge ?
Je viens d’avoir 50 ans. Je n’ai plus de temps à perdre… 

Pendant ce temps sur terre de Jérémy Clapin
Sortie en salles le 3 juillet


Par Marc Godin