Avec Outposts, JR capture l’instant d’innocence avant que le réel ne s’impose. Entre photographie, peinture et grandes actions collectives, l’artiste continue d’explorer les frontières de l’art et du monde. Rencontre avec un créateur qui transforme les images en liens.
Jusqu’au 3 mai, ton exposition Outposts est visible à la galerie Perrotin, à Londres. Que contient-elle en plus des œuvres de votre série « Déplacé·e·s » mettant à l’honneur des populations réfugiées ?
JR : J’y rassemble des œuvres réalisées en atelier (Les Enfants d’Ouranos) et à travers le monde, pour le projet « Déplacé·e·s ». Mené sur plusieurs années, il met en lumière un moment de l’enfance où l’insouciance est encore présente, avant que le poids du monde ne se fasse sentir. On y retrouve des images qui semblent en apesanteur, comme si les enfants couraient sur la Lune, parfois en négatif, d’autres ressemblant à des peintures. L’exposition mêle ainsi photographie et peinture, mais aussi des images documentant ces grandes actions collectives, où des centaines, voire des milliers de personnes ont participé.
Ces rencontres avec des populations déplacées ont-elles renforcé tes convictions ?
Mon travail pose des questions plutôt que de dicter des réponses. Chaque contexte est différent : déplacés climatiques, réfugiés de guerre, migrations internes comme en Colombie… L’élément central reste toujours la force de l’art pour rassembler et créer du lien. J’ai pu le constater aussi bien en travaillant avec des communautés locales qu’en Italie, où des milliers de personnes ont participé à une œuvre collective représentant des enfants des cinq continents courant ensemble.
Ta participation au Musée Imaginaire d’Oli ?
Oli m’avait déjà contacté plusieurs fois. Son énergie, son enthousiasme et son talent m’ont toujours inspiré. Quand il m’a proposé de participer, j’ai accepté immédiatement. Ce projet, qui croise différentes formes d’art et fédère un public varié, est une belle initiative.
Son parcours d’artiste t’a-t-il touché ?
Oui, il explore des univers qui l’inspirent sans se poser de limites, et c’est cette spontanéité qui rend son travail unique. Cela me rappelle mes propres débuts, où je me lançais dans des projets sans tout connaître, mais avec passion. J’admire sa capacité à fédérer et à soutenir d’autres artistes émergents.
En 2001, tu trouves dans le métro parisien un appareil photo avec lequel tu commences ta carrière artistique. Avais-tu une idée précise de ce que tu souhaitais faire ?
Pas du tout. J’ai commencé à coller mes photos un peu partout : dans la rue, les boutiques, le métro… Sans barrière. Ce qui comptait, c’était de partager. L’appareil (un ancien Samsung) n’était pas professionnel, mais il avait un flash puissant qui me permettait de capturer des images dans les tunnels ou sur les toits. Je n’ai jamais été attaché à un appareil en particulier, tout dépend du projet et de son usage.
As-tu des projets de cinéma ?
Oui, je travaille sur un film depuis trois ans, un projet totalement différent de celui avec Agnès Varda (JR et Varda ont coréalisé Visages Villages en 2017, ndlr). Il implique Robert De Niro, nous sommes encore en phase de tournage. C’est un projet exigeant, mais j’ai hâte de pouvoir le partager.
De Niro et Varda avaient déjà travaillé ensemble…
Oui, dans Mille et Une Nuits. C’était émouvant de voir cette connexion perdurer avec le temps.
Ton prochain projet sera exposé à Pont-Neuf…
Pour les 40 ans du Pont-Neuf, la famille de l’artiste Christo m’a invité à imaginer une œuvre en hommage à son travail. Je suis encore en pleine création. Le projet sera dévoilé progressivement. La mise en place nécessitera plusieurs mois de préparation, et l’annonce officielle aura lieu à la rentrée prochaine.
JR : Outposts
Exposition à la galerie Perrotin à Londres, jusqu’au 3 mai
Entretien Lina Bacchieri & laurence rémila