Julien Cazier est champion de jiu-jitsu brésilien (il a ouvert trois salles à Paris avec l’académie Gracie Barra), donne des cours de MMA à Sciences Po Paris, et est chroniqueur dans l’émission hebdomadaire « Mandale » sur Winamax TV. Décryptage d’un phénomène.
Légende photo : MANDALE_ Julien Cazier incarne la sagesse du champion de jiu-jitsu brésilien dans l’émission « Mandale » (Winamax TV).
En octobre, un record d’affluence pour un combat de MMA a été battu en Allemagne, avec plus de 60 000 spectateurs. Comment analyses-tu la ferveur croissante pour le MMA ?
Julien Cazier : Plusieurs phénomènes se superposent. D’abord, une explosion d’attention liée à la légalisation du MMA en France, en 2020. Tandis qu’il fallait combattre à l’étranger, une organisation s’est créée chez nous, avec l’opportunité de faire carrière en France pour nos sportifs. Cela a permis de supprimer le mythe entourant le MMA – d’être un sport de bagarre où tout serait permis, ce qui est faux.
Il y a par ailleurs la montée en puissance de la médiatisation ?
Absolument. Winamax est, de fait, devenu un acteur important. Nous sommes partenaires du King Of Fighters (KOF), de la PFL, du Bellatore, parmi les plus importantes fédérations de MMA, aujourd’hui. De même, RMC et Canal+ montrent et promeuvent de plus en plus le MMA en France. Le dernier phénomène que je perçois, ce sont les sports annexes, comme la lutte ou le karaté, qui veulent mettre un pied dans le MMA.
Positif ?
Oui, cela draine de nouveaux acteurs ! Je pars par ailleurs du principe que plus les gens apprennent à se battre, moins ils l’utilisent dans la rue, parce que c’est le développement d’une éthique de vie, à rebours d’une violence inconsciente et dangereuse.
On voit l’arrivée de shows de plus en plus bling-bling avant les combats de MMA. Crains-tu qu’en devenant mainstream, les combats de MMA perdent de leur charme ?
C’est comme dans la boxe où tu vois des choses absurdes. Mais si tu dois te farcir vingt minutes de concert de Ciara pour regarder un combat entre Artur Beterbiev et Dmitry Bivol, alors ok ! Nos disciplines étaient underground, mal vues, dans l’ombre du foot ou du judo – ne boudons pas notre plaisir et ne faisons pas les fines bouches !
Dans l’émission « Mandale », vous commentez les cotes des combats. Es-tu toi-même un parieur ?
Rarement sur le MMA ! Parce que j’ai un biais. En revanche, baseball, foot, basket… Oui, beaucoup !
La dernière grande surprise des bookers ?
Max Holloway contre Justin Gaethje ! Max était sous-coté et il envoie le KO de l’année au round cinq !
Winamax organise des tournois de poker. Te verrais-tu organiser des compétitions de MMA avec le site ?
Indirectement, Winamax le fait déjà, étant le plus gros partenaire du KOF. Si tu compares avec les différents partenaires du marché, qui sponsorisent des athlètes, Winamax a choisi de sponsoriser des équipes et des événements, ce que je trouve très important. On n’est pas acteur simplement en sponsorisant des maillots, mais on travaille à l’intérieur de la discipline. La team de l’émission « Mandale » voyage beaucoup pour suivre les combats en live et rencontrer les acteurs de la discipline.
Il y a quelques années, pour réussir dans les sports de MMA, il fallait partir à l’étranger, comme toi au Brésil et aux États-Unis. Est-il nécessaire pour un jeune aujourd’hui d’aller à l’étranger pour apprendre à combattre ?
Il est désormais possible de faire carrière en France, ce que fait très bien Salahdine Parnasse. Pourtant, même lui fait des passages à l’étranger. Je pense qu’une composante cruciale de ces disciplines est de sortir de sa zone de confort. Il faut être prêt à se faire mal, à sacrifier beaucoup, et, surtout, très bien s’entourer.
Selon Franck Gastambide, si saison deux il y a de sa série La Cage, l’action se situerait hors de l’octogone pour répondre à la question suivante : « Comment les athlètes de MMA gèrent-ils la pression des supporters ? »
Naturellement, les combattants sont durs avec eux-mêmes, rarement satisfaits de leur combat. En plus, l’invincibilité en MMA a été banalisée. Or, ça n’existe pas. Ils doivent effectivement apprendre à perdre… Et à gérer des réseaux sociaux sur lesquels le public est assez dur avec les combattants.
Tes interventions sur « Mandale » sont, à ce propos, très mesurées. Cela vient-il de ta pratique du Jiu-jitsu ?
Surtout du fait que je sois professeur. Rafael Cordeiro, qui a entraîné Wanderlei Silva, ou Mike Tyson, me disait qu’il fallait éduquer et accompagner les foules. Mais ce qui m’a toujours aidé dans ma carrière, c’est d’avoir deux enfants, et d’être le plus grand champion pour eux. Peu m’importait alors les victoires ou les défaites – j’avais déjà gagné.
L’avenir de la MMA est-il de reproduire le modèle du football, avec des championnats dans chaque pays ?
Contrairement à beaucoup de disciplines, le MMA n’est pas parti de la base pour aller vers le professionnalisme.
C’est-à-dire ?
Il y a déjà eu un niveau professionnel avant d’avoir un niveau loisir. Donc, la constitution d’un championnat type ligue de football est compliquée. Mais il est désormais mis en place, en France, au niveau amateur, par la FMMAF (French MMA Federation, ndlr), une compétition qui permet de se qualifier pour l’équipe de France. J’invite, à ce propos, les gens qui veulent se lancer en MMA à y faire une à deux saisons ! Mais je ne pense pas qu’il y aura au niveau professionnel un championnat, parce que c’est un sport de promotion comme la boxe.
La suite ?
Continuer de combattre et d’entraîner. Peut-être ouvrir une quatrième salle dans Paris. Et participer au développement de l’émission « Mandale ».
Par Alexis Lacourte
Photo Julien Grignon