Vous comptez barboter sur une planche cet été ? Accrochez solidement votre leash, on parle surf et montres Breitling avec Kelly Slater, le champion incontesté de la discipline. Interview.
Cet été, tu lances ta quatrième collaboration avec Breitling. Cette collab’ était une évidence pour toi ?
Kelly Slater : Complètement ! Ils nous aident financièrement afin de nettoyer des zones océaniques polluées, une cause qui me tient énormément à cœur. Ils ont écouté mon équipe quand nous avons poussé l’idée de créer des bracelets à partir d’un matériel recyclable dans nos montres. On a décidé tous ensemble d’utiliser un matériau éco-responsable, le nylon Econyl. C’est un fil de nylon fabriqué à partir de déchets de nylon récupérés notamment de filets de pêche qui sont jetés en mer – un vrai désastre pour les fonds marins.
Breitling vient de sortir l’édition spéciale la Superocean Automatic 42 Kelly Slater, limitée à 1000 exemplaires, que tu as activement co-designée. Qu’as-tu cherché dans la conception de cette montre ?
On a voulu créer une montre inspirée d’un modèle des années 1960, avec des couleurs marquées. Le modèle orange a une signification particulière pour moi. Il est inspiré de la montre que mon père portait quand j’étais enfant. Un jour, il s’était acheté un nouveau bracelet. Le lendemain, on partait surfer quand le bracelet a lâché au milieu des vagues. La montre s’est perdue quelque part dans l’océan, on ne l’a jamais retrouvée.
Tu as créé ta propre marque de vêtements éco-responsables, Outerknown. En trente-trois ans de carrière, quels changements as-tu observé dans les océans ?
Je me souviens de ma première sortie au Japon aussi, avec le héro de mon enfance, Tom Curren. Nous étions seuls sur une plage. C’était presque le paradis, sauf qu’on a bien cru ne jamais parvenir à atteindre l’océan tant la plage était remplie de déchets. Pour nous frayer un chemin, on a inventé un jeu : celui qui touche le plus de déchets avec ses pieds avant d’atteindre l’eau a perdu. On a rendu le truc marrant, mais en réalité, c’était triste. En Indonésie, l’année dernière, j’ai dû abandonner l’une de mes séances car mon leash s’agrippait constamment à tout ce qui passait.
Utilises-tu une montre quand tu surfes ?
Toujours ! Avoir une montre est essentiel, particulièrement en compétition. Je dois pouvoir prendre mes repères pour ma gestion du temps.
Après plusieurs jours loin de chez toi pour le G-Land, de quoi as-tu envie une fois rentré à la maison ?
Acheter des fruits et des légumes bio !
Vraiment ?
Oui, j’adore cuisiner des aliments sains. Là, je rêve juste d’un poisson accompagné de légumes que je pourrais cuisiner pour ma copine et moi.
As-tu une routine le Jour-J d’une compétition ?
Un jogging dans les rochers (les zones où l’on surfe sont souvent rocailleuses). C’est un moment précieux qui me permet de ressentir le moment présent… et savoir si mes pieds me suivront ce jour-là. J’ai enchaîné les blessures au niveau du pied durant ma carrière.
Un jour normal la veille d’une étape, ça ressemble à quoi ?
C’est de la frustration ! La veille d’une compétition, c’est un moment de stress fort. À ce moment-là, j’ai envie de surfer sans m’arrêter pour faire le vide et me faire plaisir sur les vagues. Mais je dois freiner ma soif de surf pour ne pas m’épuiser pour l’épreuve du lendemain. Je dois alors m’astreindre à rester dans ma routine et m’assurer que mon corps fonctionne bien avec les vagues.
Tu as plus de trente ans de compétition sous les pieds, c’est quoi le souvenir le plus cool que tu gardes ?
Oh… j’en ai une myriade ! Mais le plus récent souvenir constitue aussi le meilleur de toute ma vie. C’était il y a quatre mois, à quelques jours de mes cinquante ans. Je participais au Pipeline à Hawaii. La veille, je doutais. J’ai eu une blessure grave il y a environ cinq ans et à ce moment-là, je n’avais gagné aucune compétition. Malgré toute mon expérience, toutes les choses que j’avais accomplies, il y avait cette voix dans ma tête qui me parlait d’échec. Puis le Jour-J est arrivé. Et j’ai fait le vide. Je me suis concentré sur ma respiration, j’étais dans le moment. Et je me suis offert la victoire !
T’arrive-t-il de côtoyer la peur ?
Elle m’a suivi des centaines de fois. Enfant, les grandes vagues de Floride (Kelly Slater a grandi à Cocoa Beach, Floride, ndlr) me terrorisaient. Mais j’étais toujours poussé par mon envie de surfer, je ne pouvais pas rester pétrifié. Alors j’ai appris à lire l’océan comme une carte. À utiliser ma raison pour dompter mon émotion. Je me disais, OK, ce spot, là-bas, est dangereux. Si j’arrive par ce côté-là, je serai sur une zone plus favorable. Parfois, je me sens comme un officier militaire qui prépare son terrain.
As-tu un spot secret où tu aimes prendre les vagues ?
Oui, mais je ne le dirai à personne (rires). Bon très bien, je vais cracher le morceau. Il y a une île où j’adore aller dans l’océan Pacifique depuis quatre ou cinq ans. C’est difficile d’accès, c’est super cher. Il n’y a que deux périodes très précises dans l’année où les conditions sont correctes pour surfer. L’eau est chaude, une eau de cristal. On peut voir jusqu’à quarante mètres sous l’eau. Et c’est magnifique, ce n’est que du récif, il n’y a pas de sable..
Comment vois-tu le futur du surf ?
On assiste à un grand changement en ce moment dans le monde du surf avec les vagues artificielles, qui permettent une pratique du surf dans les terres.
Tu as d’ailleurs créé ta propre piscine à vagues…
Un projet ambitieux… Je voulais concevoir la meilleure vague artificielle du monde. Et je savais que si la vague me plaisait, elle plairait à tout le monde. Et le plus beau, c’est qu’une fois qu’elle est passée, elle revient. Quand j’entends les gens qui viennent me dire que c’était la meilleure journée de surf de toute leur vie, je me dis que c’est réussi.
J’ai vu une photo de toi avec Anthony Kiedis (chanteur de Red Hot Chili Peppers). Entre Anthony et Frusciante sur une planche, qui s’en sort le mieux ?
Mais non ! Frusciante surfe ? Vraiment ? Je n’ai jamais encore eu l’occasion de surfer avec eux deux. Si je devais choisir, je prendrais les vagues avec Flea (bassiste de Red Hot Chili Peppers, ndlr). Je le connais depuis plus longtemps qu’Anthony. C’est probablement le plus fou du groupe.
Par Guilhem Bernes
Photos B. team
WHEELS AND WAVES
Pour présenter la Superocean, Breitling a invité les meilleurs des baroudeurs au festival Wheels and Waves, à Biarritz. Reporting entre terre et mer.
Photos David Marvier & Dimitri Coste