KÉTAMINE IN PARIS : ON A TESTÉ LA K DE KANYE

Une rumeur tenace disait Kanye « Ye » West grand fana de kétamine, jadis un tranquillisant pour chevaux. Et qu’il se serait procuré une sacrée dose de la drogue avant ses dérapages de l’an dernier. Notre reporter est parti sur les traces de l’idole déchue…

Nom de Dieu ! Priez pour que ce machin ne me fasse pas rejoindre le Kanye Ketamine Klub… À 21h08, après avoir déjà reniflé un bon quart de ce pochon à l’odeur de piscine, j’ai la tête retournée. Alors que je sirote un « Mach 2 » à 35 balles – un cocktail whiskey et Chartreuse – dans cet espace sombre et surchargé qu’est le Bar Hemingway, je suis soudain pris par une étrange lubie kétaminée. Tous ces gens autour de moi portent deux chaussettes identiques… Quel enfer !

Je tente de garder le contrôle, mais je suis envahi par la réminiscence d’une interview de Catherine Belkhodja – muse de Chris Marker et mère de Maïwenn – que j’avais entendue sur France Culture. Sa mise en garde diffusée sur les ondes de notre radio nationale ? « Pour tous les parents qui espèrent que leurs enfants soient artistes ou intellectuels, c’est presque une nécessité absolue de donner des chaussettes différentes aux enfants. Ça ne sert à rien de leur donner des cours de piano, ou de violon, si c’est pour ensuite leur donner des chaussettes pareilles, c’est lamentable ! » Vérifiant que le sol est toujours sous mes pieds, je vois mes deux chaussettes – dépareillées –, qui me sourient. Un vent de confiance me parcourt.

Certain de toucher du doigt une vérité en coton qu’on nous cache sous des ourlets qui ne tromperont bientôt plus personne, je file aux toilettes prendre une nouvelle dose. J’y suis presque. Arrivé dans ces water-closets ultra-baroques, recouverts de marbre et de dorures, j’ai l’impression d’être à Versailles, ça scintille de partout. À commencer par ces cygnes étincelants qui font office de robinet, et qui commencent à me regarder de travers.

Alors que je remonte les escaliers jusqu’au bar, je commence à croire en Dieu – un dieu qui commence par un K. Je tweete mes découvertes sans attendre. De retour au bar, alors que je projette des amandes à la truffe sur mes voisins tout en fixant deux vieilles au brushing vulgaire, ma pensée se précise sur les pages du carnet de Violaine, cette fois en termes colorimétriques. « Le beige clair est le ciel des minimalistes, le marron foncé est l’enfer des maximalistes, blablabla… » Mais alors que je note, je remarque ce qu’elle a écrit dans son carnet : « Il se lève et hurle, “les toilettes Si Vouuuuus Pléééééé” », et plus loin, « JB est intenable. » Je fais mine de n’avoir rien vu… On bouge d’ici ?

Nous quittons le bar Hemingway, passons devant le Ritz Bar, et empruntons la galerie qui longe le jardin Psyché. J’en profite pour tâter la luxueuse moquette – beige – qui continue d’échapper sous mes pieds. Je colle ma tête dessus, puis enchaîne quelques roulades entre les pyjamas loungewear, les bouteilles de whisky à 2000 balles, et les mocassins à gland des autochtones ayant le malheur de croiser notre chemin – mi amusés, mi effrayés. « Blue in Green » de Miles Davis passe en fond. J’ai l’impression d’être dans un Wes Anderson dont la pellicule est en train de se faire saboter au labo d’impression 35 mm. Super ! Il me vient alors une idée, « et si on essayait de monter sur le toit !?  »

WHITE LINES MATTER

Mais qu’est-ce que je fous au Ritz sous kétamine à vouloir grimper sur le toit ? Toute cette histoire remonte à une nuit d’octobre, peu de temps après la Fashion Week de Paris. Kanye avait déjà commis son suicide médiatique, mais continuait à planter de nouveaux clous dans son cercueil. De mon côté, alors que je trainais mes savates enivrées dans quelque after branchouille de la capitale, une rumeur qui court chez les modeux arrivait jusqu’à mes grandes oreilles.

« Les gars, je vous ai pas dit ? Truc de ouf ! Vous voyez qui c’est mon pote X ? Bref, il est “dealos” et il vend beaucoup aux gens de la mode, et pendant la Fashion Week il a vendu 40 grammes de kétamine… à Kanye West mec ! » Quoiiii ? « Enfin, c’était à son assistant, mais 20 grammes un soir, et il y a eu un rappel le lendemain soir pour avoir la même. » Mais pourquoi autant ? « C’est souvent comme ça, quand t’es millionnaire il n’est absolument pas question de manquer de kétamine. Mais surtout, c’était quelques jours avant que Kanye pète un plomb et se fasse virer d’Insta. Truc de ouf ! C’est p’têtre ça qui l’a rendu fou… » Juste ciel ! – Pour rappel, lors d’une semaine de l’enfer, Kanye avait fait scandale avec son tee-shirt « White Lives Matter », avait accusé Puff Daddy d’être contrôlé par les juifs, et s’était fait viré d’Insta et Twitter. Dans la foulée, bye bye Balenciaga, adios Adidas, et sa réputation lui dit arrivederci.

En me réveillant de mon after, je file sur Internet et trouve en effet des traces visibles d’un lien entre Kanye et la kétamine. Via différents articles – aujourd’hui supprimés mais encore linkés par ChatGPT – on sait que Kanye a au moins pris de la kétamine pour des raisons médicales. Un article NME de 2016 évoque Kanye prenant de la kétamine pour soigner ses problèmes d’anxiété, puis une interview de Kim Kardashian pour GQ en 2019, où il est question d’injections de kétamine contre la bipolarité. On trouve également une interview toujours en ligne de son pote et ex-beau-frère le basketteur Lamar Odom, qui lâchait un potentiel lapsus révélateur en août dernier sur le podcast de Talib Kweli : « I wanna get with Kanye, and hopefully I can get with him on his ketamine week…  on his ketamine wave. »

coke kanye west
LA POUDRE AUX YEUX
« L’homme a-t-il créé la drogue, ou la drogue a-t-elle créée l’homme ? », « Dieu a-t-il créé l’homme, ou l’homme a-t-il créé Dieu ? », « L’œuf ou… ces deux cygnes dorés qui me fixent du regard ? »


Car Kanye est malade, et il tente de nous le dire depuis déjà un moment. Comme il y a déjà dix ans, en 2013, où il s’était ramené à un concert en camisole de force… Mais visiblement tout le monde s’en fout un peu. Mais alors, Kanye a-t-il touché à cette ké parisienne ? On ne sait pas, mais moi en tous cas, oui. Et si je n’ai acheté qu’un gramme de cette Yé-tamine, après avoir aspiré une bonne moitié du machin, je me sens voler – ou du moins grimper dans les étages du Ritz.

LE JARDIN PSYCHÉ

Il est 22h08. Avec Violaine, nous entamons l’ascension des escaliers qui mènent aux étages du palace, direction le toit. Au fil des marches tapissées en rouge, et de ces rambardes semblables aux côtes d’une bestiole géante, j’ai l’impression d’être Jonas remontant le ventre de la baleine – guidé par l’envie de sortir par le haut. Mais une fois au dernier étage, je tente d’ouvrir différentes trappes… hélas rien n’y fait. Nous redescendons donc via un immense suppositoire placé dans un conduit en verre, qui ressemble à un ascenseur – l’intestin de la bête ? Kling ! Une fois en bas, un groom nous attend et tire la gueule. « On vous suit sur les caméras. Vous faisiez quoi là-haut ? » « Oh, on cherchait juste les toilettes, et on s’est perdus… » Bien que peu convaincu par notre argument, le jeune inconscient nous laisse repartir libre de nos mouvements.

Après avoir fumé une clope dans le jardin Psyché, tenté une incruste au salon du même nom, et avoir visité les sous-sols du Ritz, je reprends de la kétamine dans le jardin, et on se met en direction du Ritz Bar. Il est 23h08, et nous prenons place autour de ce très chic comptoir circulaire, typique d’un James Bond. Je prend une bière à 22 balles, pendant que le serveur prépare un vodka martini à mon voisin – qui ne porte pas de chaussettes. Je suis perdu.

Après avoir fait un scandale au barman suite à sa proposition de « partir sur un petit vin biodynamique », on sort fumer une clope, je reprends de la kétamine, et Violaine annonce son départ. Je suis désormais seul dans le jardin Psyché, complètement à l’West. Alors qu’elle sort du palace, le portier fronce les sourcils en la voyant seule : « Il est où, votre ami ? », « il m’ennuyait, j’ai décidé de partir. » La panique se lit alors sur le visage du portier, qui colle déjà sa main sur son oreillette. « Trouvez-le ! »

CURIOSITÉ MORBIDE

Mais à ce moment-là, aux alentours de minuit, alors que l’équipe du Ritz doit s’affairer à me retrouver afin d’empêcher un drame, je me suis évaporé. Car au fond du jardin Psyché, derrière un petit bosquet, il y a une porte. En la passant, je me retrouve dans un jardin privé – celui de l’hôtel d’Evreux –, où une soirée chic à lieu. Débarquant du fond du jardin avec mon baggy et mes cheveux longs, j’arrive sur les graviers, à hauteur de mes nouveaux convives. « Salut les gars ! » Inutile de dire que ma couverture ne tient pas longtemps auprès de cette bande de fous qui, non seulement portent tous sans exception deux chaussettes similaires, mais sont de surcroît tous habillés avec les mêmes costumes, de la même couleur. Suis-je dans un asile de fous ? En terres macronistes ? Presque ! La soirée est organisée par un prestigieux cabinet d’avocats, et je suis dans leurs bureaux.

LA STUPIDITÉ A-T-ELLE DES VERTUS ?… ÇA Y EST, JE SUIS DANS LE KANYE-HOLE.

 

Je n’ai pas le temps de leur exposer mes théories sur les chaussettes que les regards commencent à se poser lourdement sur moi. « Mais t’es qui ? » Afin de contenter cette curiosité morbide, je leur expose ma mission en cours : la kétamine, Kanye West, le Ritz, l’article, tout ça. Certains rigolent, d’autres pensent que je plaisante. Un associé du cabinet finit par venir me chercher, et me demande à son tour ce que je fous là. Kanye West, l’article, le Ritz, la kétamine, tout ça.

Et là, miracle ! Comme un éclair de couleurs scintillantes dans un océan de merde bleu marine, je vois le visage de l’associé transmuter. Ses sourcils se relèvent, ses yeux pétillent, il est excité comme une puce : « Sérieux, t’as de la kétamine ? » Bien sûr mon grand ! Quelques minutes plus tard, je file donc à l’associé une énorme trace de kétamine dans un des toilettes de l’hôtel d’Evreux, avant de me voir pousser vers la sortie. « Tu comprends, tu peux pas rester là », me lâche-t-il alors comme seule excuse, tout en se touchant frénétiquement le nez.

Je suis maintenant rue des Capucines, devant une grande porte rouge, face à moi-même. Dépassant la place Vendôme et le Ritz, alors que je remonte lentement le tunnel de la rue de Rivoli en déposant au feutre des inscriptions cryptiques sur les colonnes, mon esprit divague. La stupidité a-t-elle des vertus ? Ça y est, je suis dans le Kanye-hole. Comment vais-je rentrer chez moi ? Tiens, un groupe passe par là. Ils me dégotent un taxi.

Arrivé chez moi, je m’endors lourdement. Mais aux alentours de 5h08, alors que mes songes m’avaient plongé dans un monde où nous sommes tous les personnages d’une grande téléréalité, je me réveille. Ma chambre est devenue tellement immense que les échelles de grandeur sont indescriptibles. Elle est peut-être un milliard de fois plus grande qu’à la normale. Un sentiment de vertige me pénètre, suis-je dans l’espace ? Est-ce la pièce qui est immense, ou suis-je devenu plus petit qu’un quark ? Je suis minuscule, mais j’ai aussi l’impression d’avoir une masse considérable, l’expérience est aussi traumatisante qu’extrêmement intrigante. Suis-je en train de rêver ? Si c’est le cas, à mon réveil, je vous prie de me tenir éloigner de tous mes réseaux sociaux… Merci.

 

Par Jean-Baptiste Chiara

AVERTISSEMENT

CONSOMMER DES STUPÉFIANTS EST ILLÉGAL ET RÉPRIMÉ PAR LES TRIBUNAUX. LA DROGUE MET EN DANGER LA SANTÉ ET LA VIE DE CEUX QUI LA CONSOMMENT. ET REND souvent TRÈS CON…