Ces derniers temps, les marques spécialisées dans le « produire vite » et « vendre cheap » tentent de rejoindre la classe premium, entre prix coûteux et collabs’ luxe. Zoom.
Samedi 30 novembre, dans les boutiques et sur le site Internet de Zara, la capsule co-créée avec la super-modèle Kate Moss pour la saison des fêtes a été inaugurée. Quelques mois plus tôt, dans le 7e arrondissement de Paris, un flagship nommé « Bac 117 » attire l’attention. Ce n’est autre que l’enseigne Zara Home, qui a posé ses valises dans un écrin luxueux au 117 rue du Bac, et qui flirte avec la clientèle du Bon Marché, situé en face, et celle du Lutetia à deux pas, au cœur de Saint-Germain. Le géant du groupe Inditex ne cesse depuis 2022 d’arborer les codes et stratégies tarifaires des mastodontes du luxe en brouillant les différents segments du marché. Enquête sur un créneau inattendu : la fast-luxury.
LA PREMIUMISATION
La montée en gamme des référents de la fast-fashion est opérée main dans la main avec les acteurs du luxe, qui eux aussi se laissent séduire par ce terrain de jeu. Le styliste Stefano Pilati, ex-directeur artistique de chez Saint Laurent de 2004 à 2012, a (ré)endossé son rôle de DA pour la création d’une collection avec Zara en octobre dernier. Tout est rodé comme si cette capsule était destinée à une maison de couture : campagne incarnée par Gisèle Bündchen et capturée sous l’œil de Steven Meisel, agrémentée d’un lookbook et d’un édito. Une collaboration loin des 29,99 euros qui ont fait le succès de la marque, avec des prix atteignant les 359 euros pour une de leurs nouveautés.
Face au phénomène du monstre chinois Shein (7200 références par jour), les marques du groupe Inditex en profitent pour se normaliser aux yeux de l’industrie et se réinventer une posture de premiumisation, alimentée par une augmentation de leurs prix. Ceux de Zara indiquent une évolution de 20 % depuis 2022, une stratégie que le géant du prêt-à-porter estime gagnante au vu d’un résultat record de +10 % net au premier trimestre 2024 par rapport à 2023. L’anoblissement de la fast-fashion marque son premier point dans l’ouverture d’autres lignes au champ lexical luxe : « H&M Studio », « Zara Studio Collection », « COS Atelier », « Bershka Série »…
Malgré une volonté de redorer leur image, ces enseignes ne se risqueraient pas à la perte de leur clientèle aux plus petits revenus. En septembre, H&M a développé son offre Pré-Loved – déjà présente à Londres, New York et Barcelone depuis 2023 – une solution digitale et physique (à Paris) de seconde main où l’on peut retrouver 20 ans de collaboration entre la marque et des créateurs de la haute couture. Idem chez Zara qui, pour internaliser et éviter de perdre ses clients de plus en plus séduits par les alternatives (aka Vinted), a ouvert en ligne l’onglet Pré-Owned, où, tout comme sur les plateformes de seconde main, l’achat de pièces Zara sont disponibles. Une façon de concilier une double stratégie de marché et d’améliorer leur réputation par le biais de solutions exposées comme durables, tout en continuant de produire en masse une culture du dupe (copier à sept différences près et minimes un modèle de la haute couture).
cercle du luxe
Les enseignes de fast-fashion ont appris la partition par cœur et font un copier-coller des codes du luxe à la perfection. Chez H&M, Loli Bahia (ci-contre) incarne la campagne automne-hiver 2024, entre un défilé Chanel et une campagne Courrèges, Lila Moss égérie de Burberry se mue aussi en icône H&M entre Loli et la plus grande influente du moment, la brat-girl Charlie XCX. Dans un appartement du 2e arrondissement, la collab Zara X Kate Moss, est célébrée en intime avec Mario Sorrenti et Roméo Beckham. Chez Mango, c’est au tour du photographe Tim Elkaim de shooter la campagne de l’automne 2024, le mannequin Mica Argañaraz – la veille aux côtés de Bella Hadid au défilé Saint Laurent – prend la pose sur une chaise de bureau fringuée en néo-intello telle l’esthétique de la marque Miu Miu (numéro 1 du classement des plus désirables selon Lyst). À l’instar d’Uniqlo qui engage des DA pour créer de nouvelles collections, comme celle avec Clare Waight Keller, anciennement chez Givenchy, et H&M qui vient d’embaucher Glenn Martens, la tête de chez Diesel pour 2025, la présence de créateurs phares dans ce milieu n’est pas encore fluctuante. Vous voilà prévenus : ne jouez pas les étonnés si vous vous retrouvez à faire la queue pour une soirée H&M soi-disant exclusive.
Par Anaïs Dubois