En Thaïlande, Xavier Gens réinvente le film d’action. Du sang et des larmes, un immense K.O. technique, sans équivalent au sein du cinéma français.
« Je voulais réaliser un vrai, un grand film d’action populaire français, un film méchant, vénère, qui n’a pas à rougir devant les productions étrangères. » Xavier Gens, 48 ans, usine du cinéma de genre depuis une vingtaine d’années, des films d’action, d’horreur, de SF, de monstres, des films gore… Bref, le bonhomme a la foi, des idées et surtout du talent. En 2019, son pote le réalisateur gallois Gareth Evans (The Raid et bientôt Havoc avec Tom Hardy qui s’annonce apocalyptique) lui propose de réaliser trois épisodes de sa série Gangs of London, un mix électrique entre Le Parrain, Sam Peckinpah et Shakespeare, avec en bonus des hectolitres de sang. Sur la série, Gens obtient 20 jours de tournage par épisode, un budget conséquent et une consigne : pousser les curseurs à fond. Notre homme ne se fait pas prier et cisèle un épisode 6 glacial comme Funny Games où une femme est torturée pendant… 40 minutes, ou encore un carnage à la machette en plan-séquence.
Grâce à Evans, Xavier gens s’initie à la « previz » (prévisualisation) pour les scènes d’action. « Simplement, c’est filmer avec un simple téléphone ce que va être la séquence et la monter à l’image près. On tourne donc dans un décor aux proportions, avec des cascadeurs et les comédiens, et on réalise la séquence avant qu’elle ne soit tournée. On designe la scène intégralement et ainsi on obtient sur le tournage ce qui était pensé, conçu, non pas à 100 % mais à 1000 %. » Avec Farang, Xavier a travaillé trois mois en previz avant le tournage. Et ce qu’il obtient, c’est du métal en fusion, une chorégraphie du chaos, un immense K.O. technique.
« UN VRAI HÉROS D’ORIGINE MAGHRÉBINE »
En cavale en Thaïlande, Sam a laissé derrière lui sa banlieue et sa vie de délinquant. Il fonde une famille mais accepte un coup facile pour un parrain local. Bien sûr, la combine foire et le caïd s’en prend à sa famille… Sur ce scénario basique de revenge movie, Gens brode une série de scènes de baston ahurissantes. Son acteur principal, l’excellent Nassim Lyes, est à l’origine un véritable champion de kickboxing, et il affronte ses adversaires – tous des cascadeurs de Jackie Chan ou de Donnie Yen – sur un ring ou dans un ascenseur, à mains nues, à l’arme blanche, quand il ne fait pas exploser des têtes au shotgun. C’est brutal, absolument jouissif et l’amour que le réalisateur voue au 7e art explose à chaque plan.
Si Gens déboîte tout, il n’oublie pas qu’il est aussi le délicat producteur de Papicha. Il y a donc également une vraie histoire d’amour au cœur du film, et un beau travail sur le métissage. « J’avais envie d’un vrai héros d’origine maghrébine, mais ce n’est pas le sujet du film. Quand on voit Denzel Washington, on ne se pose pas de question sur sa couleur, ce n’est pas le sujet qu’il soit noir. C’est exactement ce que je voulais pour Farang. C’est important, il faut que les choses évoluent. » Ultime surprise, le grand méchant du film n’est pas interprété par un rappeur qui roule des mécaniques mais par… Olivier Gourmet, loin des frères Dardenne. Autant dire que le combat final vaut son pesant de steak tartare. Hautement recommandé.
FARANG
XAVIER GENS
SORTIE EN SALLES LE 28 JUIN
Par Marc Godin