LE POINT PORCHER : LE NUTRI-SCORE EST-IL DE GAUCHE ?

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Les industriels de l’agro-alimentaire sont chafouins : depuis que le Nutri-score a durci ses règles, les mauvais élèves ne peuvent plus se planquer. L’économiste le plus sain de France est allé faire le plein de courses. Bilan ?

Toutes les personnes nées, comme moi, à la fin des années 1970 ont été les cobayes de l’industrie agroalimentaire. Des années 1980 à 2010 – date de la généralisation des produits bio – notre alimentation a été bouleversée par la mondialisation, la financiarisation des grandes entreprises de l’alimentaire, le développement des grandes surfaces et les innovations, comme le four à micro-ondes. À l’époque, la qualité de la nourriture avait peu d’importance, personne ne s’interrogeait sur les procédés de fabrication et les substances chimiques utilisées. L’important était surtout le goût et la facilité dans la préparation des repas. L’arrivée du micro-ondes a permis à de nombreuses familles de préparer un repas en quelques minutes. Il suffisait d’acheter une barquette avec tous types de recettes, de la faire chauffer trois minutes et le repas était prêt. Puis le lendemain c’était la pizza, et le jour d’après le hamburger tout préparés. À cela, vous ajoutiez les desserts liégeois et la bouteille de soda de deux litres sur la table et vous aviez la photo de la famille moderne du début des années 1990.

Tout cela avait des avantages : cela nous permettait de ne pas louper le film du soir qu’on allait regarder en dégustant à la petite cuillère un pot de pâte à tartiner à la noisette, ou en se prenant un paquet de biscuits fourrés au chocolat. Puis le matin, on se levait avec des céréales qui ne ressemblaient à rien de naturel que l’on prenait avec un verre de jus d’orange industriel ou un multifruit dont personne ne peut citer la composition en fruits. Souvent, pour ma petite faim du milieu de matinée ou d’après-midi, je prenais un petit pain brioché au chocolat sous plastique dont l’ouverture faisait un gros « paf ».

Voilà ce que, comme beaucoup d’autres, j’ai mangé pendant près de 30 ans. Une alimentation faite de sucre, de produits transformés par l’industrie au point que je ne savais pas éplucher ni couper une pomme. D’ailleurs, je ne devais pas être le seul puisqu’une grande surface s’est mise à vendre, assez cher d’ailleurs, des pommes sous emballage plastique coupées en morceaux. Mais depuis que nous avons, notamment grâce au Nutri-score, plus d’informations sur les produits et les bienfaits de ce que nous consommons, qu’en est-il ? Comme beaucoup, je n’achète plus aucun de ces produits et mon fils a une meilleure alimentation que la mienne.

INDUSTRIELS SCEPTIQUES

Le nutri-score ne contraint en rien les industriels, il permet juste d’offrir plus de transparence sur la qualité des produits au consommateur. On le doit à l’équipe du Pr. Serge Hercberg de l’Université Sorbonne Paris-Nord. Des pays comme la France, l’Espagne ou l’Allemagne l’ont mis en place volontairement. D’autres comme l’Italie ont jugé qu’il portait atteinte aux produits de fabrication locale. Enfin, certains industriels acceptent de jouer le jeu. Mais d’autres, parmi les plus importants comme Coca-Cola ou Lactalis, refusent toujours la présence du logo sur leurs produits. Néanmoins, en France, près de 60 % du marché de l’agroalimentaire est couvert par le Nutri-score.

La question est donc simple : pourquoi le Nutri-score qui n’a rien de contraignant – c’est purement informatif pour le consommateur – n’est-il pas tout simplement obligatoire en France et même en Europe ? Parce que les lobbies de l’agro-alimentaire font tout pour que ce ne soit pas le cas. On pense souvent que les marques sont en concurrence, mais lorsqu’il s’agit de s’allier contre une règlementation ou de faire diminuer les normes de production, alors la concurrence disparaît. Dans notre cas, l’intérêt commun des industriels était d’empêcher que le Nutri-score devienne obligatoire. Ils ont gagné, alors même qu’une immense majorité de la communauté scientifique soutient cette initiative. Comprenez, la santé des consommateurs et le minimum de transparence que le consommateur est en droit d’exiger ne doivent pas entraver les profits des gros industriels… La preuve, depuis que le Nutri-score a durci ses critères, dégradant un certain nombre de produits laitiers à boire, l’entreprise Danone, pionnière du nutri-score, a décidé de ne plus le mettre sur un certain nombre de ses produits. Mauvais joueurs ?

 

Par Thomas Porcher