Les jouets neufs sous le sapin, c’est finito. Pourquoi ? L’économiste le plus go go gadget de France est allé faire un tour à La Grande Récré…
Légende photo : TU N’ES QU’UN JOUET_ Dans Toy Story 5 (sortie prévue en 2026), les jouets les plus bavards de votre enfance sont vendus sur eBay, remplacés par la tablette, relégués au placard… Un film visionnaire.
En cherchant, dans la cave de ma mère, ma vieille collection de vinyle hip-hop et mon tourne disque de couleur noir et métal (genre de trucs que les vieux-beaux aiment mettre dans leur salon pour faire d’jeuns), je suis retombé sur des figurines des Maîtres de l’univers (vous vous souvenez, Musclor et Skeletor) et une boîte remplie de Playmobil. Des jouets qui sont encore en vente au magasin de jouets où j’accompagne mon fils quasiment toutes les semaines tellement je suis faible.
Normalement, la fréquentation d’un magasin de jouets se fait majoritairement avant 12 ans comme enfant et, ensuite, plutôt après 25 ans comme parent. Le problème, c’est que les couples font des enfants de plus en plus tard, on note donc une baisse de la natalité pendant plusieurs années, mais qui devrait normalement se rattraper ensuite. En fait, le meilleur indicateur pour mesurer la baisse de la natalité est « la descendance finale » c’est-à-dire le nombre d’enfants qu’a une femme tout au long de sa vie. Les femmes de 50 ans aujourd’hui ont deux enfants en moyenne et c’est assez proche pour celles de 40 ans. À l’heure actuelle, il donc est encore difficile de savoir si le problème est conjoncturel (enfants de plus en plus tard) ou structurel (baisse de la natalité à long terme). Quoi qu’il en soit, le fait que les parents aient leur premier enfant plus tard aujourd’hui qu’il y a dix ans retarde leur grand retour dans un magasin de jouet.
DOUBLE EFFET KISS COOL
Mais une fois que vous êtes parents, vous repénétrez dans ces grands magasins et là, vous êtes plongé dans une forme de nostalgie puisque vous retrouvez quasiment l’ensemble de vos jouets d’enfance, mais avec une différence majeure : le prix. Le manque de renouvellement des gammes dans leur ensemble entraîne une forme de téléportation psychologique où l’on voit les mêmes jouets, mais à des prix qui ont largement augmenté. Et c’est normal, puisque pendant les vingt ans où on ne fréquentait pas ces magasins, les prix des jouets, comme celui de tous les biens, ont augmenté au moins au rythme de l’inflation. C’est ce manque de continuité dans la fréquentation des magasins de jouets (entre 12 et 31 ans, la fréquentation baisse drastiquement) qui amplifie « l’effet choc » sur les prix. Un choc qui serait probablement de même ampleur sur les baskets, si nous n’étions pas rentrés dans un Foot Locker pendant une vingtaine d’années. Mais comme nous achetons des chaussures quasiment tous les ans, alors les évolutions de prix sont lissées et psychologiquement plus acceptées, année après année. Or, dans le cas des jouets, vous constatez qu’une même figurine coûte aujourd’hui prêt de 20 euros quand, à l’époque, elle affichait un prix de 69 francs (11 euros). Et là, vous ne pouvez vous empêcher d’avoir ce sentiment primaire : « oh, que c’est cher ». La psychologie y est pour beaucoup, mais l’effet reste là.
Et si on y ajoute la forte inflation de ces dernières années qui a obligé les Français à faire de nombreux arbitrages sur l’alimentation, on arrive facilement à imaginer l’impact sur les consommations dites de loisirs, telles que les jouets. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les dépenses contraintes sont nombreuses (abonnements téléphoniques, gym, crédits, etc), impliquant des ajustements sur le reste des dépenses. Les budgets restaurants en vacances diminuent tout comme ceux des fêtes de fin d’année. Mais ces arbitrages sont d’autant plus forts quand vous avez gardé en tête une échelle de valeur des différents biens entre la période où vous étiez enfant et celle ou vous êtes adulte. La seule chose qui peut vous faire craquer est de vouloir faire plaisir à votre enfant mais, en dehors de cela, vous avez l’impression de vous faire avoir. Racheter les mêmes figurines que nos parents nous ont acheté 20 ans plus tôt et à un prix plus élevé est une grande victoire du capitalisme. La production d’une gamme quasi-unique de jouets sur 20 ans à un coût de production largement rentabilisé est le rêve de tout producteur. Mais, à terme, 70 % des jouets n’étant plus utilisés huit mois après leur achat, les Playmobil, les Lego, les Spider-Man, Superman et autres jouets intemporels finissent par envahir les sites de deuxième main à prix cassés. Mais la bonne nouvelle dans tout ça reste que l’achat de deuxième main est une nécessité pour la planète.
Par Thomas Porcher