Harry’s House aurait pu être l’album de sa consécration. Il continue pourtant d’être boudé par les prétendus spécialistes. Tout ça pour une histoire de maquillage ?
Il a l’âge d’être son grand-père mais refuse de passer le témoin. Dans le Sunday Times, Mick Jagger (78 ans) a ainsi parlé récemment d’Harry Styles (28 ans) : « J’apprécie Harry, nous avons une bonne relation. Mais je mettais beaucoup plus de maquillage que lui. Enfin, c’est évident, j’étais bien plus androgyne ! Il n’a ni ma voix, ni ma présence scénique. Il y a juste une ressemblance superficielle entre lui aujourd’hui et celui que j’étais plus jeune, ce qui du reste ne pose pas de problème… » Il est assez amusant de voir un quasi octogénaire râler parce qu’un gamin qui a un demi-siècle de moins que lui le menace sur le terrain de l’androgynie. Il est vrai que Styles fait tout ce qu’il peut. Son maximum. Fan de Freddie Mercury et soutien de longue date de la communauté LGBT, il lui arrive de se produire sur scène dans des tenues affriolantes, drapeau arc-en-ciel à la main. En 2020, il avait été le premier homme à poser seul en couverture de Vogue. Il portait à cette occasion une robe Gucci. Une tenue trop virile pour Jagger.
CONCERTS EN GUÊPIÈRE
Si Harry Styles donnait ses concerts en guêpière ce ne serait pas suffisant pour le vieux grincheux jadis joliment fardé. Car le problème de Styles vient d’ailleurs : de la téléréalité. Il semble devoir porter toute sa vie la croix d’être passé à The X Factor. Dans la foulée il participait à One Direction, avec le succès démentiel que l’on sait. Avoir fait le bouffon dans un boys band n’est pas un péché que l’on expie aisément – Filip Nikolic n’est plus là pour nous le confirmer. Pauvre Styles ! Il a pourtant quitté cet horrible groupe en 2016, et roule tout seul depuis 2017. Cette même année il débutait comme acteur dans Dunkerque de Christopher Nolan, réalisateur fort prisé des bobos de l’intelligentsia. Pourquoi n’arrive-t-il pas à avoir la carte ? Rien à faire : dans le monde artistique, milieu qui se prétend pourtant ouvert d’esprit, la caque sent toujours le hareng et Styles n’a pas le bon style.
Opiniâtre, la paria se démène. Il en est déjà à son troisième album solo. En interview, il cite comme référence ultime le très chic Harry Nilsson. Son album préféré ? Astral Weeks de Van Morrison. Pour son nouveau disque, Harry’s House, il a piqué son titre à Haruomi Hosono (Hosono House, sorti en 1973). Détail qui ne gâche rien, cet Harry’s House, enregistré en partie au studio Shangri-La de Rick Rubin, n’est pas mal du tout dans le genre soft rock à la Fleetwood Mac. Malgré tous les gages de bon goût qu’il leur donne, les snobs s’en tamponnent. Styles se console avec le (très) grand public : Harry’s House a été le meilleur démarrage des charts anglais et américains cette année, puis s’est classé numéro un dans près de trente pays. On se demande ce que fera Styles dans son quatrième album : de l’électro minimale chantée en ukrainien ? En attendant, sortira cet automne My Policeman, dans lequel il jouera un policier homosexuel dans le Brighton des années 1950. Y sera-t-il suffisamment androgyne pour être au moins adoubé par Jagger ?
Harry’s House
(Columbia)
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Par Louis-Henri De La Rochefoucauld