Mireille Blanc capture des images du quotidien, met en peinture des motifs éphémères avec douceur. « Glaçage » est une exposition sensuelle sur des instants incertains.
Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie Anne-Sarah Bénichou, Mireille Blanc expose une vingtaine d’oeuvres, aussi douces que familières, suivant un même désir, celui de faire le portrait d’un quotidien éphémère. Comment le familier et le banal peuvent devenir énigmatiques, c’est ce qui intéresse Mireille Blanc, peintre et professeure aux Beaux-Arts de Paris. « J’extirpe du réel des objets, des détails, je retiens des fragments dans des photographies. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver les failles, l’improbable, comme une fleur d’Hibiscus à côté d’un chewing-gum.»
Se plongeant dans de vieilles photos de famille, les yeux de l’artiste se posent sur les détails, les objets abandonnés dans l’image, le décoratif : un morceau de corps dans les marges, une fleur sur un t-shirt en arrière-plan… Son processus de création commence par l’action de photographier une photographie, en zoomant avec son téléphone sur le motif choisi. Elle lui injecte du flou, texture mémorielle, avec le flash, elle lui donne une brillance. La perte de données de l’image d’origine lui laisse un espace de liberté et d’imagination. « Lorsque j’imprime ma photo, une première distance se crée par rapport à l’objet de départ. J’aime retravailler son statut pour créer un écart entre le sujet initial et le sens qu’il aura sur ma peinture.» Faisant revivre ce qui était destiné à rester figé, Mireille Blanc extrait d’un portrait une nature morte, fait d’un motif caché le sujet d’une œuvre.
LA COULEUR DE LA MÉMOIRE
Pour « Glaçage », l’artiste présente le portrait d’un quotidien éphémère, comme une part de gâteau entamée, déjà en voie de disparition, comme un objet laissé près d’un autre un instant, comme les plis d’un vêtement… Semblant recouverte d’un nappage, les toiles de Mireille Blanc baignent dans une clarté qui serait pour elle la teinte de la mémoire « Le blanc, le gris, dé-saturé ou surexposé sont les couleurs que j’utilise le plus. Elles font référence à une forme de disparition.»
En témoigne aussi le rapport au corps dans ses toiles. « La figure humaine est souvent présente mais vue par fragments, relayée au second plan, comme des doigts qui tiennent, des traces de main… Cela n’amène pas trop d’affect et me permet de développer le sentiment de souvenir. » L’intérêt de ses peintures se trouve à côté, sur ce qu’on ne regarde pas, sur ce qui n’était pas destiné à devenir sujet. Comme Sweat-shirt aux fleurs, faisant du motif floral sur le vêtement, le principal sujet. « L’habit quand il est porté s’incarne, se brouille, le motif est contrarié, le drapé et les plis du vêtement deviennent un sujet, j’aime tendre vers l’abstraction. » Se laissant cueillir par le réel, Mireille Blanc ne sait jamais ce qui pourrait advenir sur ses toiles « J’ai eu peur que mon stock de photos soit epuisé, mais finalement le quotidien m’apportera toujours matière à peindre.» Représentant une sensibilité du passé, « Glaçage » est comme un album photo d’une réalité éphémère et sensuelle.
Du 2 septembre au 21 octobre à la Galerie Anne-Sarah Bénichou, 45 rue Chapon, 75003 Paris. Mireille Blanc expose également à la La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès à Bruxelles pour Coi jusqu’au 4 novembre 2023.
GLAÇAGE
MIREILLE BLANC
Galerie Anne-Sarah Bénichou, Paris.
Par Mathilde Delli