Nous sommes début août, après-midi brûlante, posés dans une cantine vide près de la mairie de Clichy à interroger l’artiste le plus excitant de ces 25 dernières années. On savoure chaque moment passé avec le réal’ jusqu’au-boutiste assis en face de nous – ça change des asperges chichiteuses du cinéma français qu’on a l’habitude de recevoir. Avec Gaspar Noé, pas de phrases toutes faites, pas de discours neu-neu. Mieux, on se retrouve à interroger quelqu’un qui n’a peur de rien – et surtout pas de la petite indignation surjouée que susciterait telle phrase sortie de son contexte. Bref, un exemple pour nous tous.
On lui cite le professeur Choron, le nom revenant régulièrement chez lui. Et là, Noé nous raconte comment, à la sortie de Love en 2015, le New York Times lui demande de lister et de commenter ses influences les plus marquantes. Il leur mitonne un top impeccable : 2001, Pierre Molinier, Buñuel, quelques autres, et enfin la tête brûlée derrière Hara-Kiri. Leur livre même une anecdote (y figure le professeur, la bite molle de celui-ci, et une phrase plutôt banale, « j’encule le pape »). Problème : le journal le rappelle paniqué, et lui demande de faire sauter ce passage, « car on ne publie aucun propos antireligieux dans nos pages ». On en est donc là : le quotidien le plus respecté au monde, dans sa volonté de n’offenser aucun lecteur, ne peut même plus rapporter une scène de fin de banquet avinée…
Vous retrouverez le passage en question dans notre numéro de rentrée, dédié aux séditieux de la fête (La Tentation du speakeasy), aux cultivateurs de cannabis (Yes Weed Can ?) et surtout à nos critiques et journalistes si prompts à dégonfler les baudruches (vous retrouverez celles-ci éparpillées un peu partout dans le mag)… Et si jamais vous tombez sur une phrase vexante, pardonnez-nous et passons à autre chose.
Bonne lecture,
Laurence Rémila
Rédacteur en chef